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Les difficultés ne sont pas résolues sous l’autorité de l’État libanais avant la mise en place d’un tribunal exceptionnel en

1 Les difficultés à cadastrer la Zone des sables : un révélateur de la complexité foncière

1.3 Les difficultés ne sont pas résolues sous l’autorité de l’État libanais avant la mise en place d’un tribunal exceptionnel en

Ce n’est qu’en 1941 que seront rouvertes les opérations de cadastre dans la zone sablonneuse22. L’indépendance du pays en 1941 n’interrompt pas les travaux et les croquis de délimitation sont réalisés entre 1941 et 1943 23. Le juge foncier statue pour quelques parcelles, en 1944 et 1945 (11 des 74 parcelles litigieuses délimitées), mais la situation est encore trop complexe pour résoudre les conflits sur les parcelles restantes et un rapport est demandé par le juge foncier, le 17 mai 1945, à trois experts, Zara Beghdasarian, Saleh Itani et Hakim Nassif, pour inspecter et l’appliquer des actes et étudier la question de la reconnaissance des propriétaires de ces parcelles à travers les registres successifs24. Le rapport est remis quatre ans plus tard, le 19 juillet 1949. Ce rapport est contesté, les conflits entre les propriétaires ne sont toujours pas résolus et, encore quatre ans plus tard, le 10 mars 1953, un décret-loi n°51 donne pouvoir à un tribunal exceptionnel de statuer sur les

21 Plan ancien original du cadastre pour la feuille du « Village de Borge el-Brajne, caza de Baabda,

circonscription foncière n°4, feuille n°8, 1/2000 » portant la première mention en note à l’ouest, (Original signé Duraffour). De même, pour le village de « Chiah, caza de Baabda, Circonscription foncière n°7, feuille n°22, 1/2000 », une note au indique au sud de la zone cadastrée : « (non homologué à la date du dépôt des

plans cadastraux), zone sablonneuse » (Signé : Duraffour).

22 « Les opérations de cadastre seront ouvertes à partir du 15 octobre 1941 dans les zones sablonneuses

rattachées aux circonscriptions foncières désignées ci-après : Caza de Baabda : Borj el-Brajné, Tahouita el- Ghadir ; Caza de Aley : Amroussiyat (Choueifate). » Arrêté n°320 du 9/08/1941, op cit.

23 Sources : « Région de Baabda, Caza de Baabda, Situation générale des travaux du cadastre » et les croquis

de délimitation du 24 septembre 1943, 1/2000, pour les villages de : Borge el-Brajne, caza de Baabda, circonscription foncière n°4, feuilles n°9, 10 et 11 ; Tahouitat el Ghadir, caza de Baabda, circonscription foncière n°8, feuille n°5 ; Amroussiyat (Choueifate), caza de Aley, circonscription foncière n°1, feuille n° 14. Ces croquis précisent en nota : « le croquis de délimitation ne concerne que la partie de la

circonscription recensée et délimitée selon le décret d’ouverture n°320/N du 9.8.41 qui a trait seulement à la zone sablonneuse, le restant de la circonscription ayant été cadastré antérieurement ».

24 Décision du 17 mai 1945 du juge foncier de la deuxième section.

2-5. Parcellaire défini dans la Zone des sables lors de la réalisation des croquis de délimitation de 1943

Les parcelles les plus grandes sont situées entre l’ancienne route de Saïda et la mer, dans « la plaine d’Ouzaï ». Les limites des villages (trait point trait) et les limites des parcelles (en pointillé, celles qui limitent une surface objet de litiges) seront redéfinies en 1955. La parcelle Mdaoura (futur numéro 3908) porte jusqu’en 1955 les numéros 1251 et 1271 (elle a aujourd’hui des limites un peu différentes). Seuls ont été ici indiqués les numéros des grandes parcelles. Fond de plan, « Beyrouth sud-ouest », Service géographique des FFL, 1945, original au 1/10.000.

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parcelles toujours litigieuses à la date de la publication de la loi25. Cette année 1953 est également celle de la promulgation du décret 2616 qui établit le plan directeur de la banlieue sud de Beyrouth, lequel s’étend jusqu’à l’aéroport nouvellement construit et donc inclut les terrains nord de la Zone des sables.

Ce tribunal, au vu des contestations des ayants droits et des plaignants, et suite à ce qu’il a constaté comme manques, conflits et confusions dans le rapport de 1949, a nommé, par deux décisions du 15 juin 1954 et du 22 octobre 1954, une nouvelle commission d’experts26. Il lui a confié pour mission de faire des recherches dans toutes les archives des services fonciers et les administrations de Beyrouth, de l’ancien Mont-Liban et de Damas, ainsi « que tout ce qu’ils peuvent trouver partout où ils pensent »27 pour trouver les plans, cartes et projets concernant la zone litigieuse, afin d’y retrouver les points de repères et de déterminer les limites des terrains (voir, en annexe 1, la traduction partielle du jugement de 1955, chapitre premier, titre 2, décrivant les missions des commissions d’experts nommées en 1954) . Il a par ailleurs nommé un expert à Ankara chargé de chercher dans les archives de la direction des services fonciers d’Ankara et d’Istanbul les plans de cadastre anciens ainsi que des documents originaux concernant les limites de terrains. L’ambition de ce tribunal est de faire la recherche la plus large et la plus approfondie possible, à partir de tous les documents et témoignages existant au Liban mais aussi en Syrie et en Turquie, pour mettre un terme aux litiges.

Le jugement du tribunal exceptionnel est rendu le 17 septembre 1955. Un rapport de plus de cinq cents pages retrace l’histoire du conflit, résume les rapports antérieurs des experts et les réclamations des ayants droits, expose les motifs de la décision judiciaire, le bilan de

25 Le décret énumère ces parcelles, « tout en y incluant par erreur les parcelles 1165, 1171, 1172 de Bourj el-

Brajneh », « Ce décret législatif donne dans son article 4 un délai de six mois, à compter de sa publication au journal officiel n°11 du 18 mars 1953, aux contestataires et aux personnes faisant réclamation d’un droit quelconque dans les parcelles énumérées dans le décret pour déposer leur requête et contraint le tribunal de statuer sur ces requêtes dans un délai de deux ans (comme cela n’a pas été précisé, ce délai a été considéré comme courant à partir de la fin du délai de six mois). (…) Les contestataires et les ayants droits, à travers les explications qu’ils ont données dans les procès verbaux de délimitation présentés en 1942 et dans leurs pétitions présentées avant et pendant le délai de six mois, ont présenté leur requête et leurs documents et ont manifesté leurs contestations et leur remarques concernant le premier rapport des experts Zara Beghdasarian et ses compagnons. » République libanaise, L’affaire des sables, op.cit., p.3.

26 Cette commission était composée de messieurs : maître Edouard Noun, Rachad el-Jisr, ingénieur, Joseph

Hannoud, inspecteur du service du cadastre, Toufic Hamada, ex-directeur général et secrétaire du Trésor central, Kamil Aqlini, ingénieurs, secondés par les deux ingénieurs du cadastre François Melha et Toufic Charbel et par le greffier Maurice Yasbeck.

27 République libanaise, L’affaire des sables, op.cit., p.3.

2-6. Évolution des limites des circonscriptions foncières dans la Zone des sables

Illustration 2-6

2-7. Limites du Mont-Liban et des districts (mouqâta’at)

Le district du Sahel (ou Sâhil) correspond à la plaine de Beyrouth, laquelle est située au sud de la ville et aux pieds des montagnes. Nota : Beyrouth ne fait pas partie du Mont-Liban. Carte tirée de Salibi K, The modern

history of Lebanon, New York, Delman, Caravan books, 1977, première édition 1965, 228p.

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actes de propriété présentés et les jugements des principes généraux à l’attribution des parcelles 28. À la suite de ce jugement, les travaux du cadastre pour cette zone reprennent. Ils se terminent le 7 mars 1958 (date de livraison des plans et des tableaux de recensement définitifs)29, vingt à vingt-cinq ans après la fin des travaux du cadastre sur les délimitations des circonscriptions foncières dont les travaux avaient commencé au même moment.

Pourquoi ces difficultés à cadastrer ? Pourquoi tant de litiges non résolus pendant si longtemps ? Pourquoi ces difficultés à trancher entre les différentes parties revendiquant la propriété des terrains ? Si l’on reprend les pièces du procès et qu’on replace les conflits qu’ils relatent dans le contexte du développement urbain de Beyrouth depuis le milieu du XIXe siècle, il apparaît que deux raisons principales se conjuguent. La première concerne les statuts mal connus du foncier dans cette zone et les droits qui s’y superposent. La deuxième est liée aux enjeux de plus en plus importants dans cette plaine à mesure que la ville se développe et que de grandes infrastructures y sont programmées, au premier rang desquelles l’Aéroport international de Beyrouth. Les intérêts se focalisent sur ces terrains qui prennent de la valeur, alors même que la situation foncière n’est pas encore dénouée et que les conflits anciens persistent, sans être résolus par la puissance publique qui n’en a sans doute pas mesuré assez tôt l’ampleur.

2 Du « statut » mouchaa au statut privé : privatisation et superposition