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2) Accès à des pyrrolidines et pipéridines chirales par formation de liaisons carbone-carbone

2.1. Réactions de cycloaddition dipolaire-1,3 asymétriques

En 1963, Huisgen définit le concept de la réaction de cycloaddition dipolaire-1,3 et classifie les dipôles existants (Schéma 56, éq.1), 87 parmi lesquels l’ylure d’azométhine, employé pour la première fois en 1976 en tant que dipôle-1,3 et permettant d’accéder à des pyrrolidines en présence d’alcynes en tant que dipolarophiles (Schéma 56, éq. 2).88 Ce n’est qu’après ce premier exemple que l’intérêt de la communauté scientifique pour cette réaction s’est accentué.

Schéma 56. Principe de la cycloaddition dipolaire-1,3 et premier exemple

Aujourd’hui, les réactions de cycloaddition dipolaires-1,3 regroupent une grande variété d’approches où divers types de dipôles peuvent être employés afin d’accéder, entre autres, à des pyrrolidines chirales diversement substituées.89 Outre les ylures d’azométhine, particulièrement employés dans les cycloaddition [3+2], d’autres dipôles peuvent aussi permettre la formation de carbo- et d’hétérocycles chiraux à cinq chaînons.

87 Huisgen, R. Angew. Chem. Int. Ed. 1963, 2, 565–632.

88 Huisgen, R.; Scheer, W.; Huber, H. J. Am. Chem. Soc. 1967, 89, 1753–1755.

89 (a) Coldham, I.; Hufton, R. Chem. Rev. 2005, 105, 2765–2810. (b) Stanley, L. M.; Sibi, M. P. Chem. Rev.

2.1.1. Réactions de cycloaddition [3+2]

2.1.1.1. Réactions de cycloaddition dipolaire-1,3 à partir d’ylures d’azométhines

Parmi les réactions de cycloaddition dipolaire-1,3, la réaction de cycloaddition [3+2] d’ylures d’azométhines et d’oléfines activées, catalysée par des acides de Lewis chiraux, est une méthode de choix pour accéder à des pyrrolidines énantioenrichies.90 Le mécanisme général fait intervenir un métallacycle rigide à cinq chaînons où le métal est coordiné par l’atome d’azote et le carbonyle, ce qui facilite la déprotonation du proton en alpha de l’imine, fortement activé (Schéma 57). Le dipôle formé réagit ensuite avec un dipolarophile via une réaction de cycloaddition, pour conduire aux pyrrolidines,

endo et exo.

Schéma 57. Mécanisme de cycloaddition à partir d’ylures d’azométhines et d’un dipolarophile

La pionnière dans ce domaine est l’équipe de Grigg, qui publia la première version asymétrique de la réaction d’un α-iminoester avec l’acrylate de méthyle, utilisé également comme solvant de la réaction, en présence d’une quantité stœchiométrique d’un sel de cobalt chiral (Schéma 58).91

Schéma 58. Premier exemple de cycloaddition dipolaire-1,3

90 Pour des revues récentes sur les réactions de cycloaddition d’ylures d’azométhines, voir : (a) Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem. Commun. 2011, 47, 6784–6794. (b) Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem. Commun. 2014, 50, 12434–12446.

Des quantités catalytiques de métaux ont par la suite été employées avec les premiers exemples en version asymétriques de Zhang,92 utilisant un complexe d’argent (Schéma 59, éq.1), et de Jørgensen93

utilisant un complexe de zinc (Schéma 59, éq.2)

Schéma 59. Premiers exemples de cycloaddition dipolaire-1,3 catalytiques de Zhang et Jørgensen

Ces dernières années ont vu le développement de nouveaux systèmes catalytiques à base de nickel, de calcium et d’or, conduisant efficacement à des pyrrolidines chirales. Parallèlement, la réactivité de différents dipôles et dipolarophiles a été étudiée afin d’accéder à une plus large diversité de pyrrolidines.

2.1.1.1.1. Les α-iminoesters, précurseurs de dipôles-1,3

Lors des premiers développements des réactions de cycloaddition dipolaire-1,3, la sélectivité

endo/exo a principalement été étudiée, conduisant à la publication de nombreuses méthodes permettant

de conduire préférentiellement à un des deux diastéréoisomères. Dans ce contexte, les α-iminoesters ont été naturellement les dipôles de choix pour mener ces travaux.

La sélectivité de la réaction est contrôlée par la nature du sel métallique, du ligand chiral et des substrats. Les sels d’argent(I) se sont montrés particulièrement intéressants pour former des hétérocycles de type endo, en présence d’une grande variété de ligands. Par exemple, le groupe de Sansano a décrit la formation de pyrrolidines à partir d’α-iminoesters et de N-méthylmaléimide en présence d’AgClO4 et du ligand (S)-Binap (Schéma 60), avec des rapports diastéréoisomériques

endo/exo de 98:2, ainsi que des énantiosélectivités supérieures à 99%.94

92 Longmire, J. M.; Wang, B.; Zhang, X. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 13400–13401.

93 Gothelf, A. S.; Gothelf, K. V; Hazell, R. G.; Jørgensen, K. A. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 4236–4238.

Schéma 60. Cycloaddition de type endo catalysée par un complexe chiral d’argent recyclable

Le complexe chiral peut être récupéré par simple filtration après réaction et réengagé sans autre purification dans une nouvelle réaction de cycloaddition. Au bout de cinq cycles, la réaction fournit la pyrrolidine attendue avec 88% de rendement et 98% d’excès énantiomérique. Grâce à l’utilisation de ligands P,N aux propriétés électroniques modulables et à leurs interactions avec le substrat par liaisons hydrogène, Zhou et al. accèdent aux deux énantiomères endo lors de la réaction de cycloaddition entre le maléate de diméthyle et des ylures d’azométhines (Schéma 61).95

Schéma 61. Formation énantiosélectives des pyrrolidines endo

Des calculs DFT ont permis de connaître la configuration la plus stable du complexe formé entre le métal et le dipôle (S2) (Schéma 61, éq. 2) et d’expliquer l’inversion de l’énantiosélectivité en fonction du ligand : cette dernière est contrôlée par la présence ou non d’une amine primaire sur le ligand (R = NH2 ou R = NMe2), à laquelle se coordine le dipolarophile (S1) par le biais de liaisons hydrogène, modifiant ainsi l’état de transition.

Alors que pour la majorité des cas où des sels d’argent sont employés le produit endo est majoritaire, l’utilisation de complexes de cuivre permet de former préférentiellement le produit exo.

Le premier exemple a été décrit par Komatsu (Schéma 62), en utilisant des complexes Cu(OTf)2/Binap et Cu(OTf)2/Segphos lors de la cycloaddition entre un ylure d’azométhine et des maléimides N-méthylés et N-phénylés.96

Schéma 62. Cycloaddition de type exo catalysée par des complexes de cuivre

La présence d’un groupement encombrant sur l’azote favorise la formation du produit exo. De meilleures sélectivités sont en effet obtenues avec le N-phényle maléimide : l’approche de type exo du maléimide vers le complexe de cuivre est favorisée à cause des répulsions stériques présentes lors de l’approche de type endo (Schéma 63).

Schéma 63. Etats de transitions proposés conduisant aux composés exo et endo

La sélectivité de type exo est de ce fait supérieure à partir du phényle maléimide plutôt que du N-méthyle maléimide. Ces résultats ne sont pas reproductibles lorsque des dipolarophiles acycliques de type diméthylfumarate et fumaronitrile sont utilisés dans les mêmes conditions. En effet, la formation majoritaire des pyrrolidines endo est observée. Afin d’améliorer la sélectivité pour ce type de substrats, Zhang a développé une approche combinant le sel de cuivre CuClO4 et un ligand de type

P,N (Schéma 64).97

96 Oderaotoshi, Y.; Cheng, W.; Fujitomi, S.; Kasano, Y.; Minakata, S.; Komatsu, M. Org. Lett. 2003, 5, 5043– 5046.

Schéma 64. Cycloaddition de type exo à partir de dipolarophiles linéaires

Les pyrrolidines ont été formées avec des rapports diastéréoisomériques allant jusqu’à 98:2 en faveur du produit exo et des excès énantiomériques jusqu’à 98%. Les sels de cuivre peuvent également conduire aux hétérocycles endo, comme démontré par les travaux de Carretero (Schéma 65).98

Schéma 65. Cycloaddition de type endo en présence de sels de cuivre

En présence du sel de cuivre Cu(MeCN)4ClO4 et du ligand P,S Felsulphos, des résultats comparables à ceux observés avec des sels d’argent ont été obtenus à partir de dipolarophiles de type maléimide. En revanche, la diastéréosélectivité de la réaction diminue jusqu’à 80% lorsque des alcènes acycliques activés sont utilisés. Alternativement au développement et à l’utilisation privilégiée de sels d’argent et de cuivre, des sels de nickel99 et de calcium100 ont également été employés avec succès, à partir d’acrylates non substitués dans des cycloadditions asymétriques de type endo.

La diversité des produits formés est importante, notamment grâce à l’orientation de la sélectivité en fonction du système catalytique et a pu être étendue à des réactions avec d’autres dipolarophiles. De nombreuses oléfines ont été utilisées comme partenaires ; en effet, outre les dérivés d’acides α,β-insaturés, les maléates et les maléimides, des énones, des nitroalcènes, des alcénylsulfones ou encore des fullerènes se sont avérés adaptés dans ces cycloadditions [3+2].101 Par exemple, l’équipe de Hou a

98 Cabrera, S.; Arrayás, R. G.; Carretero, J. C. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 16394–16395.

99 Shi, J.; Zhao, M.; Lei, Z.; Shi, M. J. Org. Chem. 2008, 73, 305–308.

100 Saito, S.; Tsubogo, T.; Kobayashi, S. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 5364–5365.

rapporté la première réaction de cycloaddition entre des nitroalcènes et des ylures d’azométhines en présence de CuClO4 et de ligands chiraux de type Fc-PHOX (Schéma 66).102

Schéma 66. Utilisation de nitroalcènes en tant que dipolarophiles

La sélectivité exo/endo peut être contrôlée par la modification de la nature électronique des groupements aromatiques sur l’atome de phosphore du ligand. Le ligand L*2, possédant des noyaux aromatiques appauvris en électrons, favorise la formation des produits endo, alors que L*1 conduit sélectivement aux produits exo. Ces observations ont été rationalisées par des modèles d’états de transition, où les interactions électrostatiques, plus ou moins fortes en fonction du ligand, entre le nitro et le complexe de cuivre semblent déterminer la sélectivité observée. D’autres réactions de cycloaddition [3+2] en présence de nitroalcènes ont été développées par la suite pour former sélectivement les produits endo103 et exo’ 104 à partir de systèmes catalytiques appropriés.

À partir d’éthylène-1,2-bisphénylsulphones, Carretero et al. ont à nouveau démontré l’efficacité du ligand Fesulphos et de ses dérivés en présence d’un sel de cuivre.105 Les produits de cycloaddition ont été isolés avec de très bonnes énantiosélectivités (jusqu’à 98%) avec une diastéréosélectivité totale. Cette réaction a été employée pour synthétiser l’azanucléoside C de Schramm106 en six étapes (Schéma 67).

102 Yan, X.-X.; Peng, Q.; Zhang, Y.; Zhang, K.; Hong, W.; Hou, X.-L.; Wu, Y.-D. Angew. Chem. Int. Ed. 2006,

45, 1979–1983.

103 Arai, T.; Mishiro, A.; Yokoyama, N.; Suzuki, K.; Sato, H. J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 5338–5339.

104 Arai, T.; Yokoyama, N.; Mishiro, A.; Sato, H. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 7895–7898.

105 López-Pérez, A.; Adrio, J.; Carretero, J. C. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 10084–10085.

106 Miles, R. W.; Tyler, P. C.; Evans, G. B.; Furneaux, R. H.; Parkin, D. W.; Schramm, V. L. Biochemistry 1999,

Schéma 67. Réaction de cycloaddition à partir d’une bisphénylsulphone, étape clé de la synthèse de l’azanucléoside C de Schramm

La famille des dipolarophiles s’est encore agrandie avec le développement de réactions de cycloaddition dipolaire-1,3 en présence d’alcènes trisubstitués.107 Waldmann a notamment décrit la formation de pyrrolidines spyrocycliques chirales par cycloaddition d’ylures d’azométhines et de benzylidène oxyndole (Schéma 68).108

Schéma 68. Formation de spirocycles grâce aux benzylidène oxyndoles

De très bonnes énantiosélectivités ont été obtenues avec une large gamme de dipolarophiles et d’ylures, grâce à l’utilisation d’un ligand ferrocényle P,N. Un effet non linéaire a été observé pour la première fois pour ce type de réaction ; les optimisations ont finalement montré qu’un faible taux catalytique avec un rapport ligand/cuivre de 2:1 est optimal. Le fragment 3,3’-pyrrolidinylspirooxindole constitue le squelette d’une grande famille d’alcaloïdes, dont fait partie la spirotryprostatin B, inhibiteur de la polymérisation de la tubuline.109 D’autres dipolarophiles comme les α-méthylène butyrolactones ont également permis d’accéder à des pyrrolidines spirocycliques avec

107 Pour une revue sur les dipolarophiles récemment utilisés, voir : Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem. Commun.

2014, 50, 12434–12446.

108 Antonchick, A. P.; Gerding-Reimers, C.; Catarinella, M.; Schürmann, M.; Preut, H.; Ziegler, S.; Rauh, D.; Waldmann, H. Nat. Chem. 2010, 2, 735–740.

d’excellentes stéréosélectivités.110 La formation de dispiropyrrolidines chirales a été rapportée par l’équipe de Yu et Deng selon une approche similaire, faisant intervenir des ylures d’azométhines classiques et des α-alkylidène succinimides en tant que dipolarophiles. Les hétérocycles ont été isolés avec des rendements compris entre 40% et 90%, jusqu’à 20:1 de rapport diastéréoisomérique en faveur du produit endo, et des excès énantiomériques compris entre 87% et 97% (Schéma 69).111

Schéma 69. α-alkylidène succinimides en tant que dipolarophiles

Le développement de méthodes efficaces pour la formation d’hétérocycles fluorés est un sujet de recherche actuel, étant donné l’intérêt accordé à ces composés en chimie médicinale. Récemment, des réactions de cycloaddition [3+2] entre des ylures d’azométhines et des dipolarophiles possédant un groupement trifluorométhyle ont conduit à des pyrrolidines énantioenrichies. L’équipe de Wang a utilisé des trans- et cis-trifluorocrotonates comme dipolarophiles pour accéder à de nombreux analogues de pyrrolidines trifluorométhylées avec de très bonnes sélectivités (Schéma 70).112

Schéma 70. Formation de pyrrolidines trifluorométhylées

Finalement, des réactions de cycloaddition dipolaires-1,3 entre des ylures d’azométhines et des fullerènes ont été développées. Ainsi, pour la première fois, Martin et al. ont accédé à des pyrrolidinofullerènes chiraux ayant des applications dans le domaine de la chimie médicinale et dans celui des matériaux.113

110 Li, Q.-H.; Liu, T.-L.; Wei, L.; Zhou, X.; Tao, H.-Y.; Wang, C.-J. Chem. Commun. 2013, 49, 9642–9644.

111 Yang, W.-L.; Liu, Y.-Z.; Luo, S.; Yu, X.; Fossey, J. S.; Deng, W.-P. Chem. Commun. 2015, 51, 9212–9215.

112 Li, Q.-H.; Tong, M.-C.; Li, J.; Tao, H.-Y.; Wang, C.-J. Chem. Commun. 2011, 47, 11110–11112.

2.1.1.1.2. Utilisation d’autres α-iminoesters en tant que précurseurs de dipôles-1,3

La diversité des produits formés par cycloaddition peut aussi être accrue en modifiant la nature du dipôle ; en effet, depuis les débuts des travaux sur les cycloadditions dipolaires-1,3 d’ylures d’azométhines, une des limitations de la réaction est due à l’utilisation préférentielle d’α-iminoesters, conduisant à des hétérocycles azotés possédant un ester en position 2. De ce fait, des travaux ont eu pour but d’étendre la réaction à de nouveaux substrats, tout en développant des systèmes catalytiques performants.114 Des α-imino-phosphonates,115 -nitriles,116 -pyrridines,117 ou triméthylsilyles 118 se sont avérés être de nouveaux dipôles adaptés pour les réactions de cycloaddition dipolaire-1,3 (Figure 4).

Figure 4. Variété des dipôles

En 2010, Kobayashi et son équipe rapportent le premier exemple de cycloaddition [3+2] entre un α-aminophosphonate et un alcène, en présence de quantités catalytiques de sels d’argent, de KHMDS et du ligand chiral (R)-DTBM-SEGPHOS (rapport 1:1:1) permettent de former un complexe amido-argent chiral (Schéma 71).115 Etant donné la difficulté à former la base de Schiff de l’α-aminophosphonate, possédant des protons moins acides, les travaux précédents avaient montré qu’il était nécessaire d’utiliser une quantité stœchiométrique de base.

114 (a) Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem. Commun. 2011, 47, 6784–6794. (b) Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem.

Commun. 2014, 50, 12434–12446.

115 Yamashita, Y.; Guo, X.; Takashita, R.; Kobayashi, S. J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 3262–3263.

116 Robles-Machín, R.; Alonso, I.; Adrio, J.; Carretero, J. C. Chem. Eur. J. 2010, 16, 5286–5291.

117 Padilla, S.; Adrio, J.; Tejero, R.; Carretero, J. C. Org. Lett. 2010, 12, 5608–5611.

Schéma 71. Utilisation d’α-aminophosphonates en tant que dipôles dans des réactions de cycloaddition

La réaction tolère une large gamme d’aminophosphonates et d’acrylates, conduisant, pour la plupart, aux pyrrolidines de type exo avec des diastéréosélectivités supérieures à 99:1 et des énantiosélectivités supérieures à 94%.

L’utilisation d’α-silylimines constitue une approche indirecte à la formation de pyrrolidines non substituées en position 5 (seulement en position 2), motif inaccessible à partir d’α-imino-esters. Une réaction de cycloaddition dipolaire-1,3 a été décrite par Carratero et al. pour la formation de dérivés de prolines chirales en présence d’α-silylimines et de dipolarophiles tels que des N-phényle maléimides (Schéma 72, éq. 1) et des sulfones vinyliques (Schéma 72, éq. 2).118

Schéma 72. Utilisation d’α-sylilamines en tant que dipôles dans des réactions de cycloaddition

Pour la première fois avec un dipôle silylé, de très bonnes diastéréosélectivités et des énantiosélectivités supérieures à 90% ont été obtenues avec la majorité des substrats, grâce aux effets stériques du ligand encombré DTBM-SEGPHOS et à la coordination de l’ester avec le complexe de cuivre, qui stabilise le dipôle au cours de la réaction.

2.1.1.2. Les triméthylèneméthanes, dipôles de cycloaddition [3+2]

L’utilisation de triméthylèneméthanes (TMM) en tant que partenaire dans les réactions de cycloaddition catalysées par un complexe de palladium(0) a été rapportée pour la première fois par Trost, pour accéder à divers cyclopentanes racémiques (Schéma 73).119

Schéma 73. Premier exemple de cycloaddition (annulation) à partir de triméthylèneméthane

Le TMM est généré in situ à partir du 2-acétoxyméthyl-3-allyltriméthylsilane et d’un complexe de Pd(0) (Schéma 74). L’addition oxydante du métal dans la double liaison activée conduit dans un premier temps à la formation intermédiaire d’un π-allylpalladium. La liaison carbone-silicium est alors affaiblie par la proximité de la charge positive, permettant la formation du complexe Pd-TMM par désilylation induite par l’attaque de l’acétate. Ce complexe est l’espèce réactive qui, en tant que dipôle carboné, peut s’additionner sur des oléfines appauvries en électrons.

Schéma 74. Génération d’un complexe Pd-TMM

Cette méthodologie a été largement employée pour la construction de carbocycles.120 L’intérêt suscité par les pyrrolidines a conduit au développement de réactions de cycloaddition entre des TMM et des imines en version racémique, comme l’ont décrit successivement les équipes de Kemmitt (Schéma 75, éq. 1)121 et de Trost (Schéma 75, éq. 2).122

119 Trost, B. M.; Chan, D. M. T. J. Am. Chem. Soc. 1979, 101, 6429–6432.

120 Pour une revue sur les cycloadditions en présence de TMM, voir : Trost, B. M. Angew. Chem. Int. Ed. 1986,

25, 1–20.

121 Jones, M. D.; Kemmitt, R. D. W. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1986, 1201–1203.

Schéma 75. Premiers exemples de formation de pyrrolidines racémiques

En 2012, Trost rapporte les premiers travaux sur la formation énantiosélective de différents isomères de pyrrolidines avec des excès énantiomériques supérieurs à 99%.123 Une des approches étudiées concerne une réaction de cycloaddition [3+2] entre des triméthylèneméthanes et des aldimines tosylées substituées par des groupements aromatiques électrodonneurs et catalysée par un complexe de palladium associé à un ligand phosphoramidite encombré L1* (Schéma 76). A faible concentration et à basse température, le ratio entre les deux pyrrolidines 1 et 2 varie de 5:1 à >20:1 et l’isomère majoritaire a été isolé avec de très bonnes énantiosélectivités.

Schéma 76. Formation de pyrrolidines à partir d’aldimines et de complexes de Pd-TMM chiraux

Les deux isomères formés au cours de la réaction sont issus de l’équilibre entre deux complexes de palladium-TMM non-équivalents (Schéma 77). La proportion non négligeable du second isomère provient de l’utilisation d’un précurseur de TMM non symétrique. En effet, après l’ionisation et l’étape de désilylation du précurseur, le complexe Pd-TMM formé I s’isomérise rapidement en un second complexe II plus stable et plus réactif.

Schéma 77. Cycles catalytiques proposés selon le complexe de Pd-TMM

Le complexe de palladium II étant plus stable, la réaction devrait donc fournir un seul produit de cycloaddition issu du cycle catalytique A. Hors, l’activation de l’imine par le tosyle, associée au caractère fortement nucléophile du complexe Pd-phosphoramidite-TMM, rendent l’addition du premier complexe compétitive, fournissant dans des proportions non négligeables le produit 2 issu du cycle catalytique B. Observés auparavant sous forme de traces, les isomères 2 et 2’ ont ensuite pu être formés sélectivement grâce à des modifications des conditions réactionnelles (Schéma 78).

Dans un milieu concentré ([C] = 0,2 M), en présence du complexe [PdL2*] et d’une aldimine substituée par un groupement aromatique appauvri en électrons, diminuant sa réactivité, l’isomère 2 est majoritairement formé avec une régiosélectivité de 5:1. L’isomère 2’ est quant à lui obtenu avec une régiosélectivité de 10:1 dans un milieu dilué ([C] = 0,02 M) à 50°C. Par la suite, cette méthodologie a été étendue à la formation de pyrrolidines possédant un centre stéréogène quaternaire grâce à l’utilisation de précurseurs de TMM disubstitués (Schéma 79).124

Schéma 79. Extension de la réaction à des TMM disubstitués

Deux ligands diamidophosphite L1* et L2*, employés en présence d’aldimines pauvres en électrons (R1 = Ar), ont permis d’accéder à un seul isomère avec des rapports diastéréoisomériques compris entre 3 :1 et > 19 :1 et des énantiosélectivités de 73% à 93%.

2.1.1.3. Cas particulier de cycloaddition [3+2] : extension de cycles par ouverture de cyclopropane

Des pyrrolidines peuvent être formées par réaction de cycloaddition [3+2] entre une imine et un cyclopropane (Schéma 80), suite à l’ouverture du cyclopropane à l’aide d’un complexe métallique.125

Cette approche constitue un cas particulier car une liaison carbone et une liaison carbone-azote sont créées au cours de la réaction.

124 Trost, B. M.; Lam, T. M.; Herbage, M. A. J. Am. Chem. Soc. 2013, 135, 2459–2461.

125(a) Binger, P.; Schmidt, T. Methods of Organic Chemistry (Houben-Weyl), Vol. E 17c; Ed.: de Meijere, A.; Thieme: Stuttgart, 1997; 2217–2294. (b) Reissig, H.; Zimmer, R. Chem. Rev. 2003, 103, 1151–1196. (c) Waser, J. dans Synthesis of Heterocycles via Metal-Catalyzed Reactions That Generate One or More

Schéma 80. Cycloaddition entre un cyclopropane et une imine

Un des premiers exemples a été rapporté par Carreira et permet de former des pyrrolidines spirocycliques à partir d’oxindoles et d’imines avec des diastéréosélectivités allant de modérées à excellentes selon les groupements présents sur l’aldimine (Schéma 81).126

Schéma 81. Exemple d’extension de cycle par cycloaddition entre un cyclopropane et une imine

Le complexe de magnésium MgI2, à la fois électrophile et nucléophile, opère de manière synergique pour ouvrir le cyclopropane et former l’énolate de magnésium intermédiaire, qui s’additionne ensuite sur l’imine.

En 2010, Johnson accède à des pyrrolidines-2,5-cis-disubstituées énantioenrichies via une cycloaddition [3+2] asymétrique dans des conditions de dédoublement cinétique dynamique en présence de cyclopropan-1,1-diesters et d’aldimines, protégées préférentiellement par des groupements benzyles et en particulier par le 2-méthoxybenzyle (Schéma 82).127

126 Alper, P. B.; Meyers, C.; Lerchner, A.; Siegel, D. R.; Carreira, E. M. Angew. Chem. Int. Ed. 1999, 38, 3186– 3189.

Schéma 82. Accès à des pyrrolidines chirales par cycloaddition asymétrique

Des groupements donneurs riches en électrons (R1) doivent être présents sur le cyclopropane ainsi que des groupements aromatiques riches (R2) sur l’aldimine pour que la réaction ait lieu avec de bons rendements et de bons ratios énantiomériques. Les optimisations des conditions ont également montré que le groupement protecteur de l’amine influence la diastéréosélectivité et l’énantiosélectivité ; un