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Partie D : Accès à des pipéridines fonctionnalisées chirales à trois centres stéréogènes par réaction d’addition-carbocyclisation

1) Introduction

Après avoir développé une nouvelle voie d’accès à des pyrrolidines et des pipéridines chirales possédant un centre stéréogène à partir d’énynes-1,6 et -1,7, nous avons envisagé de former des hétérocycles azotés plus complexes, possédant plusieurs centres stéréogènes. Bien que les alcynes soient un point d’entrée idéal dans les réactions d’addition-carbocyclisation initiées par les dérivés du bore, l’addition d’une espèce organométallique dans la triple liaison carbone-carbone ne permet pas de former de centre stéréogène (Schéma 182, éq. 1). En revanche, si le point d’entrée de la réaction est un accepteur de Mickaël de type énone ou ester α,β-insaturé, l’addition de l’organorhodium génère deux centres stéréogènes avant d’être piégé par un électrophile secondaire, permettant de contrôler le troisième centre stéréogène (Schéma 182, éq. 2).

Schéma 182. Diversité des carbo- et hétérocycles selon les fonctionnalités employées

Dans cette optique, le développement d’une réaction d’addition-carbocyclisation pour la formation de pipéridines chirales possédant trois centres stéréogènes contigus a été entrepris. L’emploi d’oxo-énoates possédant un lien amino, jusqu’à présent jamais rapporté pour ce type d’approche, peut conduire à la formation d’hétérocycles fonctionnalisés par un noyau aromatique, une fonction ester et une fonction alcool (Schéma 183). Ces deux dernières fonctionnalités présentent l’avantage de pouvoir être transformées ou couplées à d’autres partenaires ultérieurement.

Schéma 183. Approche envisagée pour la formation de pipéridines chirales

Cette réaction domino fait intervenir une première étape d’addition-1,4 d’acides boroniques sur un ester α,β-insaturé,273,274 suivi par l’addition de l’énolate de rhodium sur la fonction carbonyle, fonction électrophile secondaire privilégiée dans des réactions d’addition-carbocyclisation pour générer un alcool secondaire (R2 = H) ou tertiaire (R2 ≠ H).188,191,192,194,195,249,275

2) Aldéhyde en tant que fonction électrophile secondaire

2.1. Préparation du substrat de départ

Nous nous sommes initialement intéressés à l’étude de la réaction d’addition-carbocyclisation à partir de l’oxo-énoate 113, possédant un ester α,β-insaturé comme point d’entrée et un aldéhyde comme fonction électrophile secondaire (Schéma 184). La synthèse de ce réactif a pu être réalisée en trois étapes à partir de la 2,2-diméthoxyéthanamine.

Schéma 184. Synthèse de l’oxo-énoate 113

L’amine commerciale est tout d’abord protégée en présence de chlorure de tosyle et de triéthylamine,276 pour donner quantitativement l’aminoacétal 111, qui cristallise à -20°C. L’introduction de l’ester α,β-insaturé est ensuite effectuée dans les conditions classiques avec 80% de

273 Takaya, Y.; Ogasawara, M.; Sakai, M.; Miyaura, N.; Hayashi, T. J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 5579–5580.

274 Hayashi, T.; Yamasaki, K. Chem. Rev. 2003, 103, 2829–2844.

275 (a) Tsukamoto, H.; Ueno, T.; Kondo, Y. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 1406–1407. (b) Song, J.; Shen, Q.; Xu, F.; Lu, X. Org. Lett. 2007, 9, 2947–2950. (c) Yu, X.; Lu, X. Org. Lett. 2009, 11, 4366–4369. (d) Han, X.; Lu, X.

Org. Lett. 2010, 12, 108–111. (e) Shintani, R.; Okamoto, K.; Otomaru, Y.; Ueyama, K.; Hayashi, T. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 54–55. (f) Yang, M.; Zhang, X.; Lu, X. Org. Lett. 2007, 9, 5131–5133. (g) Miura, T.;

Shimada, M.; Murakami, M. Tetrahedron 2007, 63, 6131–6140. (h) Miura, T.; Shimada, M.; Murakami, M.

Synlett 2005, 667–669.

rendement, suivie de la déprotection lente de l’acétal à température ambiante, fournissant le substrat 113 avec un rendement modéré de 53%.

2.2. Tentatives d’addition-carbocyclisation

L’oxo-énoate choisi initialement pour former la pipéridine 116 a été testé dans des conditions réactionnelles précédemment employées pour accéder aux pyrrolidines racémiques (Schéma 185). Malheureusement, en présence de méthanol ou d’isopropanol comme solvants de réaction, la pipéridine attendue n’a pas été formée.

Schéma 185. Essais préliminaires de cyclisation dans un solvant alcoolique

En effet, le produit d’addition-1,4 114 a été majoritairement observé au cours des essais de cyclisation dans le méthanol en présence du précurseur [Rh(cod)Cl]2, avec ou sans base (NaHCO3). Les autres essais dans l’isopropanol ou dans le méthanol, cette fois-ci réalisés avec le précurseur [Rh(C2H4)2Cl]2

et le Binap racémique, ont conduit à des réactions d’acétalisation de l’aldéhyde. Bien que l’adduit d’addition-1,4 ait été observé dans le méthanol, les solvants alcooliques ne semblent pas être adaptés à la réaction d’addition-carbocyclisation, principalement en raison de la formation compétitive de l’acétal 115. Des essais complémentaires ont été conduits dans un système dioxane/eau (Tableau 44).

Tableau 44. Essais préliminaires de cyclisation dans un système dioxane/eau

Entrées [Rh] Ligand Base Produit (conv.)(a)

1 [Rh(cod)Cl]2 - NaHCO3 114 (30)

2 [Rh(cod)Cl]2 - KOH 117 (>90)

3 [Rh(C2H4)2Cl]2 (+/-)-binap KOH 117 (100)

4 - - KOH 117 (100)

(a) Déterminée par RMN 1H du brut réactionnel

Un premier essai en présence de [Rh(cod)Cl]2 avec NaHCO3 a tout d’abord été réalisé (entrée 1), conduisant au produit d’addition-1,4 avec une conversion de 30%. Une base plus forte telle que l’hydroxyde de potassium a ensuite été testée, pour forcer la réaction d’addition-1,4. Au cours de ces essais en présence d’un diène (entrée 2) et du (+/-)-Binap (entrée 3), la formation d’une 3,4-dihydro-1,4-oxazine a été observée dans des proportions supérieures à 90%. La formation de ce composé est indépendante de la présence de métal, se formant uniquement en présence d’hydroxyde de potassium (entrée 4). Une base forte suffit à déprotoner l’énol (Schéma 186), qui réagit intramoléculairement avec l’accepteur de Mickaël pour conduire au produit 117 observé. Cette réaction ne semble pas avoir lieu en présence d’une base faible (entrée 1).

Schéma 186. Mécanisme proposé pour la formation de 117

La modification du solvant n’a malheureusement pas permis de favoriser la réaction d’addition-carbocyclisation. Dans le dioxane aqueux, l’utilisation d’une base forte conduit à la formation d’un produit secondaire non souhaité, et bien que la réaction dans le méthanol fournisse majoritairement le produit d’addition-1,4 avec une base faible, l’acétal est observé dans chaque cas. Face à ces problèmes provenant de l’utilisation de l’aldéhyde en tant que fonction électrophile secondaire, nous avons

envisagé d’utiliser une imine (Schéma 187), fonction électrophile secondaire déjà employée dans des réactions d’addition-carbocyclisation.277

Schéma 187. Imine en tant que fonction électrophile secondaire

Cependant, lors d’un essai de formation de l’imine à partir de l’aldéhyde 113 et de benzylamine, nous n’avons pas observé le produit attendu mais plutôt la formation d’un nouvel hétérocycle azoté (Schéma 188, éq. 1), issu de l’attaque nucléophile de la benzylamine sur le système α,β-insaturé, déclenchant une réaction d’aldolisation-crotonisation intramoléculaire (Schéma 188, éq. 2).278

Schéma 188. Sous-produit formé à partir de 113

Bien que d’autres amines moins nucléophiles auraient pu être employées ou que l’imine aurait pu être introduite préalablement dans la synthèse, l’abandon de cette approche au profit de l’utilisation d’une cétone comme fonction électrophile secondaire a été préféré.188

3) Une cétone, fonction clé de la réaction d’addition-carbocyclisation

3.1. Essais préliminaires

277S. W. Youn, J. H. Song, D. I. Jung, J. Org. Chem. 2008, 73, 5658.

278 Davies, S. G.; David, D.; Dominguez, S. H.; Garrido, N. M.; Kruchinin, D.; Price, P. D.; Smith, A. D. Org.