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Partie C. Synthèses de diènes chiraux monosubstitués et nouvelles voies d’accès

4) Vers de nouvelles voies d’accès aux diènes chiraux monosubstitués

4.1. Préparation des nouveaux partenaires de couplage

257 Prix constatés en 2014 sur de gros conditionnements, chez les fournisseurs courants (Alfa Aesar, TCI, Sigma-Aldrich).

4.1.1. Rétrosynthèse envisagée

La recherche d’un nouveau partenaire de couplage a conduit à l’élaboration de deux stratégies visant à former soit un iodure vinylique 95 (Schéma 170, éq. 1), pouvant réagir via des couplages avec des dérivés du bore de manière analogue au triflate, soit l’organotrifluoroborate de potassium 96 (Schéma 170, éq. 2), présentant l’intérêt de pouvoir être couplé en présence d’une grande diversité d’halogénures aromatiques.

Schéma 170. Approches rétrosynthétiques envisagées

Parmi les quelques approches décrites pour convertir une cétone en iodure vinylique (Schéma 171), la réaction d’iodation de Barton258 est employée de manière prédominante, bien que cette transformation requiert la conversion préalable de la cétone en hydrazone (éq. 1). En présence de diiode et d’une base forte non nucléophile, l’hydrazone est généralement convertie en iodure vinylique avec de bons rendements.259 Une autre approche décrite par Wiemer et al. est de former intermédiairement un phosphonate vinylique (Schéma 171, éq. 2),260 qui réagit ensuite avec de l’iodure de triméthylsilyle pour conduire à l’iodure vinylique. Malgré la généralité de la méthode, la formation du phosphonate requiert l’utilisation de LDA. Enfin, Piers261 et Kowalski262 ont respectivement accédé à des iodures vinyliques mais ces conditions sont seulement adaptées à des dicétones (Schéma 171, éq. 3 et 4).

258 (a) Barton, D. H. R.; O’Brien, R. E.; Sternhell, S. J. Chem. Soc. 1962, 470. (b) Barton, D. H. R.; Bashiardes, G.; Fourrey, J. Tetrahedron Lett. 1983, 24, 1605–1608. (c) Barton, D. H. R.; Bashiardes, G.; Fourrey, J.

Tetrahedron 1988, 44, 147–162.

259 (a) Paquette, L. A.; Bellamy, F.; Wells, G. J.; Bohm, M. C.; Gleiter, R. J. Am. Chem. Soc. 1981, 103, 7122– 7133. (b) Helliwell, M.; Thomas, E. J.; Townsend, L. a. J. Chem. Soc. Perkin Trans. 1 2002, 1286–1296. (c) Handratta, V. D.; Vasaitis, T. S.; Njar, V. C. O.; Gediya, L. K.; Kataria, R.; Chopra, P.; Newman, D.; Farquhar, R.; Guo, Z.; Qiu, Y.; Brodie, A. M. H. J. Med. Chem. 2005, 48, 2972–2984. (d) Jung, M. E.; Murakami, M. Org.

Lett. 2006, 8, 5857–5859. (e) Liu, H.; Siegel, D. R.; Danishefsky, S. J. Org. Lett. 2006, 8, 423–425. (f) Jarho, E.

M.; Venäläinen, J. I.; Poutiainen, S.; Leskinen, H.; Vepsäläinen, J.; Christiaans, J. A. M.; Forsberg, M. M.; Männistö, P. T.; Wallén, E. A. A. Bioorg. Med. Chem. 2007, 15, 2024–2031.

260 Wlemer, D. E.; City, I. Tetrahedron Lett. 1993, 34, 2433–2436.

261 Piers, E.; Crierson, J. R.; Lau, C. K.; Nagakura, I. Can. J. Chem. 1982, 60, 210–223.

Schéma 171. Stratégies pour accéder à un iodure vinylique à partir d’une cétone

Des stratégies permettant d’accéder à des bromures vinyliques à partir de cétones ont également été décrites,263 mais ces approches n’ont pas été évaluées au cours de ces travaux, jugées non adaptées au substrat ou plus coûteuses.

L’organotrifluoroborate de potassium 96 pourra être obtenu de manière analogue à l’approche employée pour obtenir les aryltrifluoroborates nécessaires à la synthèse de ligands (Schéma 168, page 155) à partir de l’iodure 95 préalablement formé.

Le développement de la voie de synthèse des deux intermédiaires finalement envisagée (Schéma 172) pourrait permettre de former les ligands Ar-MSBod en trois ou quatre étapes à partir d’une des cétones avec des réactifs moins coûteux. La mise au point des conditions de couplages à partir de l’halogénure vinylique et du vinyltrifluoroborate de potassium sera ensuite étudiée.

Schéma 172. Voie de synthèse envisagée

263 (a) Takeda, T.; Sasaki, R.; Yamauchi, S.; Fujiwara, T. Tetrahedron 1997, 53, 557–566. (b) Marchand, A. P.; Aavula, B. R.; Bott, S. G. Tetrahedron 1998, 54, 5105–5118. (c) Marchand, A. P.; Namboothiri, I. N. N.; Ganguly, B.; Bott, S. G. J. Am. Chem. Soc. 1998, 7863, 6871–6876. (d) Spaggiari, A.; Vaccari, D.; Davoli, P.; Torre, G.; Prati, F. J. Org. Chem. 2007, 72, 2216–2219.

4.1.2. Formation de l’hydrazone

Des conditions classiques pour former l’hydrazone à partir de la cétone ont tout d’abord été évaluées (Schéma 173).259a En présence d’hydrazine mono hydratée et de triéthylamine au reflux de l’éthanol, la cétone 84 a été convertie en une hydrazone inattendue 98 où la double liaison carbone-carbone a été réduite.

Schéma 173. Réduction de la double liaison carbone-carbone au moment de la formation de l’hydrazone

Sans métal présent dans le milieu réactionnel, la réduction de l’oléfine est quantitative (80% de rendement) et sa formation n’a pas pu être limitée, la réaction secondaire semblant plus rapide que la formation de l’hydrazone, d’après un suivi plus précis par GC. Ce résultat inattendu a pourtant fait l’objet d’une publication,264 où de nombreuses doubles liaisons carbone-carbone avaient pu être réduites en présence d’hydrazine au reflux de l’éthanol. Des conditions plus douces, en présence d’une quantité catalytique d’acide acétique, ont finalement permis de former l’hydrazone attendue avec une conversion totale mais sous forme d’un mélange (Schéma 174).265

Schéma 174. Formation de l’hydrazone 97 à partir de 84

Au bout de 24 heures à température ambiante, la réduction de la double liaison du bicycle a été observée par RMN 1H du brut dans des proportions inférieures à 10%. Néanmoins, il est important de traiter rapidement la réaction après disparition de la cétone pour minimiser la formation du produit réduit, moins rapide dans ces conditions. La séparation par chromatographie des deux composés étant particulièrement difficile, une recristallisation de l’hydrazone a été mise au point. A notre satisfaction,

264 Chen, H.; Wang, J.; Hong, X.; Zhou, H.; Dong, C. Can. J. Chem. 2012, 90, 758–761.

le produit a pu être recristallisé dans le pentane, permettant d’éliminer totalement les traces de produit réduit (Schéma 175). Ce protocole optimisé a été aisément appliqué à la transformation de 60 mmol de cétone.

Schéma 175. Obtention de l’hydrazone 97 pure après recristallisation

Par ailleurs, l’hydrazone issue de l’autre épimère de la cétone (au niveau du méthoxy) n’est pas cristalline, ce qui contraint à purifier le brut réactionnel par chromatographie sur silice (Schéma 176, éq. 1). Des essais de formation de l’hydrazone à partir d’un mélange de cétones ont été réalisés dans l’espoir de pouvoir faire précipiter sélectivement un des épimères, et ainsi éviter une séparation par chromatographie des deux cétones épimères (Schéma 176, éq. 2).

Schéma 176. Essai de séparation des deux épimères après formation de l’hydrazone

Malheureusement, ces essais n’ont pas été concluants car l’hydrazone 97 ne cristallise pas dans le mélange. L’hydrazone 99 doit donc être purifiée par chromatographie.

La préparation et la purification de l’hydrazone optimisées, la formation de l’iodure vinylique dans les conditions décrites par Barton a été étudiée.

4.1.3. Formation de l’iodure vinylique

Initialement décrite par Barton en 1962,258a cette réaction permet de convertir des hydrazones en iodures vinyliques par oxydation en présence d’iode à température ambiante. Les paramètres réactionnels doivent être rigoureusement optimisés afin de minimiser la formation de produits secondaires au cours de la réaction (Schéma 177).258a

Schéma 177. Mécanisme de la réaction de iodation et produits secondaires

Après oxydation de l’hydrazone en présence d’un équivalent de diiode, un second équivalent réagit avec le composé diazo pour conduire après élimination de l’azote à l’espèce carbocationique intermédiaire. Selon les conditions de la réaction, l’iodonium peut réagir préférentiellement avec soit (1) une base forte, qui favorise une réaction de β-H élimination conduisant au produit désiré (2) un ion iodure en solution, formant le produit gem-diiodé 101 (3) des traces d’eau pour conduire à la cétone correspondante (4) l’hydrazone encore présente menant au produit de condensation 102. Pour améliorer le rendement de la réaction, des bases fortes encombrées de type guanidine sont couramment utilisées en excès pour favoriser la réaction de β-H élimination, dans des solvants éthérés anhydres de type Et2O ou THF, et un ajout inverse de l’hydrazone est préférentiellement réalisé, minimisant la formation du produit de condensation.

Dans ce contexte, nous avons débuté l’étude de la formation de l’iodure vinylique à partir de l’hydrazone 99 (Tableau 32).258,259 Une solution d’hydrazone a pour cela été ajoutée goutte-à-goutte à l’aide d’un pousse-seringue à un mélange de diiode et d’une base solubilisés dans le reste du solvant.

Tableau 32. Optimisation de la réaction de iodation à partir de l’hydrazone 99(a)

Entrée T°C Base Solvant Rapport 103/104(b)

1 0 TMG Et2O 11/89 2 -10 TMG Et2O 17/83 3 -20 TMG Et2O 20/80 4 0 DABCO Et2O 65/35 5(c) 0 DBU Et2O n.d.(d) 6 -20 DABCO Et2O 57/43 7 t.a. DABCO Et2O 60/40 8 t.a. DABCO THF n.d.(d) 9 t.a. DABCO CH2Cl2 n.d.(d)

(a)L’hydrazone est ajoutée à la solution de I2 et de base au pousse-seringue avec un débit constant de 7,93 mL/h soit environ 1 mmol/h. (b)Le rapport entre 103 et 104 est mesuré par GC du brut réactionnel. (c) Présence de nombreux produits en RMN 1H. (d) n.d. = non déterminé car pas d’amélioration observée en RMN 1H par rapport à l’essai dans le diéthyle éther.

Les premiers essais ont tout d’abord été effectués en présence de tétraméthylguanidine dans l’éther diéthylique à différentes températures, selon les conditions décrites dans la littérature (entrées 1 à 3).259c Au cours de la réaction, le sous-produit diiodé 104, caractérisé par RMN 1H, 2D et GC-MS, se forme dans des proportions supérieures à 80% par rapport à l’iodure vinylique, indépendamment de la température. Le mécanisme de formation du dérivé diiodé s’expliquerait par un réarrangement proche de type Wagner-Merwein,266 en compétition avec la réaction de β–H élimination (Schéma 178).

266 (a) Wagner, G. Chem. Ber. 1899, 32, 2302 – 2325. (b) Meerwein, H. Liebigs Ann. Chem. 1914, 405, 129 – 175.

Schéma 178. Mécanisme supposé de formation du produit diiodé

Le carbocation I est en équilibre avec un second carbocation II, formé par réarrangement de la double liaison carbone-carbone créant ainsi une nouvelle liaison σ. L’attaque de l’ion iodure sur ce carbocation conduirait ensuite au dérivé diiodé. Le composé gem-diiodé 101 n’étant pas observé, il semblerait que le carbocation issu du réarrangement soit d’avantage stabilisé et conduit au produit thermodynamique. Afin de favoriser la réaction de β–H élimination, d’autres bases fortes ont été testées, comme le DABCO et le DBU (entrées 4 et 5). Bien que le DBU ne soit pas adapté (entrée 5), le DABCO a permis d’inverser les proportions en iodure vinylique par rapport à l’utilisation du TMG (entrée 4). Un essai à -20°C a légèrement diminué la proportion du produit 104 (entrée 6), confirmant que le iodure vinylique est le produit cinétique. Deux autres solvants, le THF et le dichlorométhane, ont été évalués à température ambiante (entrées 8 et 9) mais les résultats n’ont pas été améliorés par rapport à l’utilisation de l’éther diéthylique (rapport de 60/40 en faveur du iodé 103, entrée 7).

Finalement, la formation du produit diiodé 104 a pu être minimisée en augmentant la concentration de la réaction. Si la concentration en base augmente, la réaction de β–H élimination doit être accélérée vis-à-vis de la séquence réarrangement/iodation. Les essais précédents ayant été réalisés avec une concentration de 0,05 mol.L-1 d’hydrazone, de nouveaux essais ont été conduits dans des concentrations de deux à quatre fois plus importantes (Tableau 33).

Tableau 33. Influence de la concentration sur la réaction de iodation(a)

Entrée [99] (mmol.L-1) Rapport(b)103/104

1 0,1 77/23

2 0,15 88/12

3 0,2 > 95/5

(a) L’hydrazone est ajoutée à la solution de I2 et de base au pousse-seringue avec un débit constant de 7,93 mL/h soit environ 1 mmol/h. (b)Le rapport entre 103 et 104 est mesuré par GC du brut réactionnel.

L’augmentation de la concentration en réactifs a été bénéfique dans chaque cas (entrées 1 à 3), confirmant notre hypothèse. Plus le milieu est concentré, meilleure est la proportion de l’iodure vinylique par rapport à au produit diiodé (> 95/5, entrée 3).

Des essais de purification de l’iodure vinylique par distillation des bruts réactionnels ont été réalisés au four à boules. Les essais sur petites quantités (1 mmole), à des pressions contrôlées de 1 mbar (T = 75°C) à 30 mbars (T = 130°C) n’ont pas permis de récupérer de fractions pures du produit. Sur plus grosse quantité (7 mmoles), à 30 mbars, la distillation du dérivé iodé a été réalisée à une température initiale de 125°C, augmentée jusqu’à 140°C pour tenter de distiller le produit restant. Malheureusement, il s’est avéré que la totalité du brut réactionnel s’est dégradé au cours de la distillation à cause de la température, trop élevée, conduisant par réaction de rétro Diels-Alder à l’iodure aromatique 105 caractérisé par RMN 1H, 2D et GC/MS (Schéma 179).

Schéma 179. Réaction de rétro Diels-Alder observée lors de la distillation au four à boules

Malgré son intérêt lors de réactions à plus grande échelle, la purification par distillation de l’iodure vinylique semble délicate, à cause de son instabilité à haute température. Une purification par chromatographie sur gel de silice a finalement été privilégiée pour obtenir 95 avec un rendement de 63%, en partant de 43 mmol d’hydrazone 97 (Schéma 180).

Schéma 180: Formation de l’iodure vinylique dans les conditions optimisées

Contrairement au triflate, l’iodure vinylique est instable à température ambiante, obligeant à le stocker à -20°C. L’utilisation de cet intermédiaire a néanmoins permis la formation du trifluoroborate de potassium correspondant et les travaux d’optimisation des conditions de couplage de Suzuki pour accéder aux ligands Ar-MSBod.

4.1.4. Formation de l’organotrifluoroborate

La formation de l’organotrifluoroborate de potassium a été motivée par instabilité du dérivé iodé à température ambiante et par l’intérêt d’avoir un métal plutôt qu’un halogène installé sur le diène. La grande majorité des organotrifluoroborates de potassium sont des composés solides facilement manipulables et particulièrement stables, pouvant être stockés à l’air indéfiniment à température ambiante.267 De plus, ils présentent une alternative intéressante aux dérivés du bore trivalents en terme de réactivité et de stabilité, et participent dans de nombreuses réactions de couplage pallado-catalysées. Un autre avantage provient de la grande diversité et la disponibilité des halogénures aromatiques, permettant d’accéder à une librairie plus importante de diènes monosubstitués.

Le trifluoroborate a été préparé dans les conditions classiques, à partir de 27 mmol de iodé 95 (Schéma 181). A -78°C, l’organolithien est tout d’abord formé par échange halogène-métal avant d’être canulé lentement sur une solution de triméthoxyborane refroidi à -60°C. Les ajouts successifs de KHF2 et d’eau permettent ensuite de former l’organotrifluoroborate attendu.

Schéma 181. Formation de l’organotrifluoroborate 96 à partir de l’iodure vinylique

Après extraction dans l’acétone avec un Soxhlet et précipitation par ajout d’éther diéthylique, le produit 96 a été isolé sous forme d’une poudre blanche avec un rendement de 75% (20 mmol). A notre connaissance, ce travail est le premier exemple de formation d’un dièneBF3K.

Grâce à ce second précurseur de ligands Ar-MSBod, les travaux d’optimisation du couplage de Suzuki ont pu débuté, parallèlement à ceux du dérivé iodé.

4.2. Formation de ligands Ar-MSBod par couplage à partir de l’iodure vinylique