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Après avoir présenté les apports théoriques, nous allons formuler notre question de recherche : comment les élèves à l’école post-obligatoire vivent-ils leur redoublement et, plus précisément, quelles conséquences ce dernier peut-il avoir sur leur sentiment d’appartenance à l’école, sur leurs orientations motivationnelles (buts de maîtrise, de performance et d’évitement), sur leur perception de compétence et sur les causes attribuées aux échecs et aux réussites ?

Pour répondre à la question ci-dessus, nous avons précisé nos interrogations à travers des questions plus ciblées, basées sur des hypothèses et sur la littérature :

• Les élèves des écoles post-obligatoires ont-ils tous les mêmes chances de réussite ? L’hypothèse en lien avec cette question est la suivante : en prenant appui sur la recherche menée par Draelants (2006), nous pensons que les élèves n’ont pas tous les mêmes chances de réussite et que la réputation d’une école peut être la cause d’un redoublement. En effet, l’auteur soutient que la réussite dépend entre autres de la réputation de l’établissement fréquenté. Si l’école a une bonne image, les enseignants auront tendance à vouloir la maintenir et donc à sélectionner davantage les élèves. Dans les établissements de bonne réputation, l’usage du redoublement est, selon Draelants, plus fréquent et le taux de réussite plus faible que dans les écoles non élitistes.

• Le redoublement affecte-t-il le sentiment d’appartenance à l’établissement des élèves redoublants ? Si nous nous référons à Crisafulli et al. (2002, cités par Crahay, 2003), nous faisons l’hypothèse que les relations sociales avec les camarades qui sont un des déterminants du sentiment d’appartenance à l’école (Duclos & Laporte, 1992) se détériorent durant l’année répétée. En effet, selon

Hagborg et al. (1991, cités par Bless et al., 2005), les élèves redoublants sont non seulement stigmatisés négativement par leurs camarades promus, mais ne sont pas non plus choisis comme partenaires lors des activités extra-scolaires.

• Quels buts motivationnels les élèves redoublants poursuivent-ils ? Nous pensons que les élèves en situation d’échec se dirigent vers un but d’évitement. Notre hypothèse s’appuie sur de nombreuses recherches (e. g : Goodenow, 1993, cité par David, 1999 ; Ryan et al., 1994, cités par David, 1999 ; Galand & Philippot, 2002) qui mettent en évidence l’influence du sentiment d’appartenance à l’école sur la motivation. Faisant l’hypothèse que ce sentiment se détériore durant l’année redoublée, nous pensons que les élèves redoublants auront tendance à éviter le travail et à être motivés à se désengager de la tâche.

• Le redoublement influence-t-il la perception qu’un élève a de ses compétences ? Si l’on en croit Hagborg et al. (1991, cités par Bless et al., 2005), « plus de la moitié des élèves ont, après une année de redoublement, une image d’eux-mêmes dévalorisée. » (p. 70) Bien que cette image s’améliore quelque peu pour les élèves qui n’abandonnent pas leurs études par la suite, nous faisons l’hypothèse que la perception de compétence des élèves redoublants est négative.

• Les élèves en situation d’échec attribuent-ils leur redoublement à des causes internes ou externes ? A partir de cette question se dégage l’hypothèse suivante : les élèves redoublants ont plus tendance à attribuer leurs échecs à des causes externes. A travers nos analyses, nous allons observer si la réponse à cette question est bien en corrélation avec la théorie suivante : les élèves se trouvant en mauvaise posture scolaire chercheraient à se protéger des émotions négatives (Blouin, 1985, 1988, cité par Crahay, 2003) et à maintenir une haute estime de soi (Weiner et al., 1972, cités par Crahay, 2003), en attribuant leurs échecs à des causes externes.

• Les élèves de quatrième année vivent-ils leur redoublement différemment de ceux de première année ? Autrement dit, les raisons exprimées par les élèves pour expliquer leur redoublement sont-elles similaires ou différentes de celles fournies par leur professeur ? Y a-t-il une différence entre les élèves de première et ceux de quatrième année en ce qui concerne le rapport entre leurs raisons et celles de leurs enseignants ? L’hypothèse en relation avec ces questions est la suivante : les élèves de quatrième qui sont non seulement les plus âgés de leur établissement, mais également en période d’adolescence risquent d’invoquer des causes qui ne

sont pas entièrement en accord avec celles rapportées par leurs professeurs. Bien que l’étude menée par Perréard-Vité (1995) montre que les jeunes élèves de l’école primaire avancent les mêmes raisons que celles fournies par leur enseignant pour justifier leur redoublement, nous pensons qu’il y a une différence entre les élèves du primaire et ceux du secondaire et que l’âge joue un rôle.

• Est-ce que, tout comme les élèves en situation d’échec à l’école primaire (Perréard Vité, 1995), les élèves redoublants des établissements post-obligatoires éprouvent des sentiments majoritairement négatifs lors de l’annonce du redoublement ? Nous faisons l’hypothèse que les résultats que nous obtiendrons iront dans le même sens que ceux de Perréard Vité.

7. Méthodologie

7.1. Choix de la population

Dans le cadre de notre mémoire, nous allons focaliser notre attention sur une population particulière : les élèves provenant de deux établissements situés dans des quartiers genevois différents.

Nous allons expliquer la raison pour laquelle nous avons choisi ce type de population. A notre connaissance, les recherches menées sur le redoublement concernent principalement les élèves de l’école obligatoire. Elles abordent notamment le vécu de l’élève redoublant, des sentiments que ce dernier éprouve lors de l’annonce de son échec et les raisons qui justifient selon lui et son enseignant son redoublement. Il semble donc que les données concernant les élèves des écoles post-obligatoires sont rares ; c’est pourquoi notre curiosité nous a conduit à nous intéresser à cette population et à observer si les conséquences de cette mesure étaient identiques ou différaient de celles constatées à l’école primaire et au cycle d’orientation.

Parmi les nombreuses écoles secondaires, nous avons sélectionné deux établissements : X est un collège du centre de Genève qui, selon le sentiment général genevois, a la caractéristique d’être une école de bonne réputation ; tandis que Y est un établissement divisé en un collège et une école de commerce, ayant une réputation moyenne. Le choix de ces deux établissements post-obligatoires repose sur leur réputation différente et sur le sentiment d’appartenance à l’école des élèves interrogés que nous aimerions, comme

nous l’avons précisé dans nos hypothèses, mesurer. Nous aimerions également observer si ces variables influencent le vécu de l’élève redoublant.

Ne pouvant pas questionner tous les élèves de ces deux établissements, nous avons fait le choix de nous focaliser sur les élèves de première et de quatrième années. Précisons que les élèves de première année de l’école de commerce ont la particularité d’avoir tous vécu un redoublement l’année précédente dans le collège Y. Nous supposons que les trois ans d’écart pourraient entraîner des sentiments différents chez les élèves lors de l’annonce du redoublement.

Dans le cadre de notre recherche, il nous semble important de rencontrer notre population durant le premier semestre de l’année, plus précisément entre les mois de novembre et de janvier, et ce, afin qu’ils aient eu le temps nécessaire pour s’adapter et s’intégrer à leur nouvelle école ou classe. De plus, si l’on se réfère aux nombreuses études (e. g : Perréard-Vité, 1995 ; Crahay, 1994 cité par Crahay, 2003) qui mettent en évidence les sentiments majoritairement négatifs éprouvés par les élèves lors de l’annonce de leur redoublement, nous faisons l’hypothèse qu’il ne sera pas évident pour les élèves redoublants de partager cette expérience douloureuse avec des personnes inconnues.

Pour aller à la rencontre de notre population, il a cependant fallu surmonter quelques obstacles. En effet, bien que l’autorisation d’intervenir durant les heures de cours nous avait été accordée, certains acteurs scolaires ont refusé ou compliqué notre intervention dans les deux collèges. Finalement, en faisant appel à certains enseignants de l’établissement X, nous avons pu non seulement obtenir le témoignage de nombreux élèves, mais également rencontrer un professeur de l’école de commerce Y qui s’est pris d’intérêt pour notre projet et a demandé qu’on vienne interroger ses élèves. C’est la raison pour laquelle nous avons pu nous rendre dans deux établissements différents.

7.2. Choix des outils utilisés

Dans un premier temps, nous avions l’idée de proposer à tous les étudiants un questionnaire permettant de repérer les élèves redoublants et de demander à ces derniers s’ils acceptaient de s’entretenir avec nous lors d’un rendez-vous ultérieur. Cet outil devant servir de « moyen de repérage » des redoublants, ce questionnaire pour doublants et non doublants posait des questions d’ordre général sur le redoublement, afin d’éviter la stigmatisation. Dans un second temps, nous souhaitions poser aux élèves ayant vécu un

redoublement des questions plus précises, leur permettant d’apporter plus d’explications et de précisions à leurs réponses écrites.

Cependant, craignant que ces derniers souffrent de leur expérience du redoublement et, par conséquent, refusent de nous rencontrer lors d’un entretien individuel, nous avons modifié nos intentions initiales.

Nous avons pour finir opté pour l’élaboration d’un questionnaire proposant des questions à la fois générales destinées à l’ensemble des élèves, ainsi que des questions spécifiques aux élèves redoublants, ces dernières leur demandant notamment de développer les raisons de leur redoublement et les émotions ressenties lors de l’annonce de cette mesure.

Ainsi, quel que soit le nombre obtenu de coordonnées d’élèves redoublants, nous pourrons récolter suffisamment d’informations provenant des questionnaires. En conclusion, nous avons décidé de distribuer uniquement un questionnaire (en annexe) aux élèves de ces deux établissements.

7.3. Choix des items

Nous avons retenu environ le même nombre d’items par thématiques traitées. Les items de notre questionnaire concernent différentes dimensions :

- Les « buts motivationnels » sont repris par différents auteurs présentés par Pelgrims ([2006-2007]), pour les items 7, 10, 17 et 24 (buts de maîtrise), 1, 2, 5, 11 et 15 (buts de performance), 4, 6, 13 et 18 (buts d’évitement) ;

- La « perception de compétence », par Dupontet et Groenendijk (2007) pour les items 3, 8, 9, 12 et 20 ;

- Le « sentiment d’appartenance à l’établissement », par Armsden et Greenberg (1987, cités par David, 1999) pour l’item 16, ainsi que par Goodenow (1993, cité par David, 1999) pour les items 19, 21 ;

- Les « sentiments éprouvés lors de l’annonce du redoublement », par Perréard-Vité (1995) pour l’item 39 ;

- Le redoublement en général, pour les items 34, 35, 36, 37 proposés par Crahay ([2007-2008]), dans le cadre du cours Problématique de l’échec scolaire.

Pour compléter ce questionnaire, nous avons élaboré les items 22 et 23 permettant de comprendre les causes auxquelles les élèves attribuent leurs réussites et leurs échecs, ainsi que les items 26, 27, 32, 33, 40 et 41 servant à déterminer l’influence de la

réputation d’un établissement sur les résultats et sur l’apprentissage des élèves. Nous avons également construit les items 14, 25, 30 et 31 traitant du sentiment d’appartenance à l’école et les items 28, 29, 38, 42 concernant des questions générales.

Bien que les thématiques soient nombreuses et variées, nous nous concentrons tout particulièrement sur celle qui concerne le sentiment d’appartenance à l’établissement. Ce concept central va nous permettre de départager les élèves au sein de chaque école. Nous aurons donc quatre catégories d’élèves que nous réunirons en fonction des thématiques traitées par la suite : il y aura les élèves du collège X qui auront un sentiment d’appartenance à l’établissement soit positif, soit négatif, et il en ira de même pour les élèves de l’école Y. A partir de cette division, nous partagerons en deux chacune de ces catégories : les élèves redoublants et les élèves non redoublants. Nous pourrons alors analyser les autres thématiques et observer, par exemple, si les élèves perçoivent de manière différente leurs compétences selon s’ils ont un sentiment d’appartenance positif ou négatif à l’école et s’ils sont redoublants ou non.

Cette façon d’analyser les questionnaires en prenant comme point de départ le sentiment d’appartenance à l’école reflète le plan de notre cadre théorique précédemment présenté.

Au niveau des modalités de réponse, nous avons opté, pour les 21 premiers items, pour une échelle de Likert en sept points : de tout à fait d’accord (1) à pas du tout d’accord (7).

Ayant affaire à des adolescents et non à des enfants, nous avons jugé préférable d’utiliser l’échelle de Likert, permettant à la population interrogée de nuancer ses réponses et de cocher celles correspondant au mieux à son opinion, tout en ayant le choix de rester

« neutre » ou « sans avis » (case 4). La formulation négative de l’item 5 engendre une inversion de l’échelle, autrement dit 1=pas du tout d’accord et 7=tout à fait d’accord.

Tout à fait d’accord

Pas du tout d’accord

      

Les items 22, 23, 24, 25 proposent aux élèves soit de classer leurs trois premiers choix, dans un ordre précis (du plus important au moins important), soit de développer leurs

réponses (oui ou non) (items 26, 30, 32, 40) en apportant par la suite des précisions, des arguments et des justifications (items 27, 31, 33, 41 posant la question Pourquoi ?).

Ces différentes sortes d’items nous permettent d’entreprendre deux types d’analyse : un premier constat d’une part qui fait un état des lieux des thématiques non abordées dans la seconde analyse qui, d’autre part, est plus détaillée et part notamment des questions requérant des développements. Le choix d’une analyse qualitative s’explique également par nos deux établissements qui ne peuvent être considérés comme représentatifs de la population visée. Les items proposant aux élèves de classer leurs trois premiers choix laissent place à la fois à une analyse quantitative – nous pouvons, par exemple, calculer le nombre de personnes ayant coché telle réponse en première, en seconde ou en troisième place – et à une analyse qualitative – nous pouvons, par exemple, observer ce qui a le plus de valeur aux yeux des élèves entre l’école, la famille et les amis, en somme, la tendance quant aux priorité dans la vie des élèves.