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1.6.1 Dissipation à la surface de la mousse

Lorsqu’on lance un caillou dans un lac, on observe des ondes dont la propagation dissipe une partie de l’énergie de l’impact. Dans l’eau, déformer ainsi la surface libre coûte de l’énergie. Dans la mousse, il n’y a pas à proprement parler de tension de surface : on peut modeler un tas de mousse comme on veut, il ne se rétractera pas spontanément pour minimiser son aire de contact avec l’air et retrouver une forme

1.6. QUESTIONS OUVERTES 39 Fig. 1.25 – Impact d’une bille de poly-

propylène de 10 mm de diamètre à 1,7 m/s sur une surface de mousse couverte de petites billes d’acrylique de 1,6 mm de diamètre. On superpose les images de la vidéo pour visua- liser la trajectoire de la bille des marqueurs. La trajectoire de la bille est rectiligne et cor- respond à la traînée verticale et sombre vi- sible sur la gauche de l’image. La trajectoire des billes-marqueurs est quant à elle circu- laire, comme celle d’un flotteur ballotté par la houle, et le rayon du cercle décrit par un marqueur décroît avec la distance de celui-ci au site d’impact. La flèche indique le sens de parcours de cette trajectoire.

sphérique comme le ferait une goutte d’eau. Comment la surface inerte de la mousse réagit-elle à l’impact ?

Pour visualiser les déformations de la surface, on y place des billes plus petites que le projectile et suffisamment légères pour ne pas s’enfoncer, on filme l’impact en incidence rasante (l’axe optique de l’objectif passe par la surface de la mousse) et on observe le déplacement de ces billes-traceurs. On observe sur la figure 1.25, où l’on a superposé toutes les images prises au cours d’une telle expérience, que les traceurs ne se déplacent pas seulement verticalement, mais aussi radialement. Ils parcourent un cercle : d’abord soulevés et poussés loin de l’impact, ils reviennent ensuite à leur position d’origine en étant cette fois aspirés vers le bas. Ce comportement, qui ressemble à celui d’un flotteur sur une mer houleuse, traduit l’existence d’une onde qui se propage radialement à partir du site d’impact. Comme on le voit sur les photographies, le cercle décrit par une bille-traceur est d’autant plus petit que celle- ci se situe loin de l’impact : il y a donc de la dissipation au cours de la propagation de ces ondes de surface et la longueur caractéristique d’atténuation des ondes de surface est comparable à la taille du projectile.

1.6.2 Cicatrisation de la mousse

Après le passage de la bille, il reste un trou dans la mousse. Ainsi que nous l’avons représenté sur le schéma 1.26, le diamètre du tunnel est inférieur à celui du projectile. En effet la mousse qui au passage du projectile s’était comprimée radialement peut, dès que le projectile s’est enfoncé plus avant dans la mousse, relaxer vers le centre du trou. Si chaque couche de mousse se comportait effectivement comme un solide

40CHAPITRE 1. AMORTISSEMENT DANS UNE MOUSSE TRIDIMENSIONNELLE

Fig. 1.26 – Schéma du tunnel creusé dans

la mousse par la bille. Le diamètre du trou est inférieur à celui de la sphère.

de Kelvin-Voigt comme nous l’avons imaginé, alors au bout d’un temps assez long le trou se refermerait complètement. Sa persistance prouve que des déformations plastiques ont lieu non seulement au cours des écoulements verticaux, mais aussi dans la direction radiale.

1.6.3 Rupture des films et fragmentation des bulles

On a vu que le projectile crève la surface libre et y crée un tunnel qui ne se referme pas. Nous avons jusque-là considéré que chacune des bulles retrouve à la fin de l’expérience sa taille et sa forme initiale, même si elle a changé de voisines. Il est légitime de se demander si, comme dans le cas de la mousse bambou, les films qui séparent les bulles ont été affectés par le mouvement et s’ils ont résisté à l’impact. Deux mécanismes sont susceptibles d’affecter les films à l’échelle des bulles : la rupture d’un film à l’interface avec l’air, qui provoquerait alors une diminution du volume car l’air contenu dans la bulle correspondante passe dans l’atmosphère ; et la fragmentation d’une bulle sous cisaillement [38].

Au cours des impacts filmés en incidence rasante, nous observons une élévation du niveau de mousse dans le récipient alors que le projectile s’enfonce. On peut alors estimer la variation ∆Ω du volume contenu dans le récipient, de profondeur L, et la comparer au volume du tunnel créé par la sphère. Si on suppose que les deux sont égaux, on en déduit un ordre de grandeur du rayon moyen du tunnel : rt ∼

!

∆Ω πL.

On trouve alors que le rayon du tunnel est proportionnel au rayon de la bille, avec un coefficient compris entre 0,4 et 0,9. Expérimentalement, on observe que les cratères formés à la surface des échantillons ont un rayon de cet ordre de grandeur. Il paraît donc raisonnable de proposer que le volume de mousse qui sort du récipient compense exactement le volume de l’air qui occupe le tunnel. Ainsi, la mousse se comporte comme un milieu incompressible, comme supposé dans la discussion de la section 1.5.1.

1.7. CONCLUSION 41