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Élasticité des rebonds

Lorsque le nombre de Stokes dépasse le seuil St∗, la bille parvient à rebondir, mais

une partie de son énergie est dissipée dans le liquide [105]. Le coefficient de restitution des rebonds sur une surface mouillée est donc plus petit que sur la même surface quand elle est sèche. Mesurer l’écart entre l’élasticité du rebond sec et celle du rebond humide permet ainsi d’accéder à la quantité d’énergie dissipée dans le liquide. Gondret et al. [96] ont réalisé des expériences de rebond d’une bille tombant en chute libre au fond d’un bassin rempli d’un fluide plus ou moins visqueux (η = 0,001 - 0,96 mPa·s). L’épaisseur de liquide est alors bien plus grande que la taille de la bille, et celle-ci ne quitte jamais la phase liquide au cours de ses rebonds successifs. Joseph et

6.4. ÉLASTICITÉ DES REBONDS 141

(a) (b)

Fig. 6.4 – Vitesse seuil de capture Vd’une bille d’acier de 6 mm de diamètre, représentée

en échelle linéaire (a) et en échelle logarithmique (b), en fonction de l’épaisseur δ de la couche d’huile, pour deux huiles silicones différentes (η = 5 mPa·s (◦) et η = 1000 mPa·s (•)). La courbe en pointillés est un ajustement en loi de puissance de type V∗∼ δd, donnant un exposant d= 0,28

pour la série • et d = 0,23 pour la série ◦.

Fig. 6.5 – Vitesse seuil de capture Vd’une bille d’acier par un film d’huile silicone (η =

1000 mPa·s) de 400 microns d’épaisseur, en fonction du rayon R de la bille. La ligne en pointillés représente le meilleur ajustement en loi de puissance V∗∼ Ra avec a= -0,69.

142 CHAPITRE 6. PROPRIÉTÉS ANTI-REBOND D’UN FILM MOUILLANT

(a) (b)

Fig.6.6 – Coefficient de restitution en fonction du nombre de Stokes pour le rebond d’une bille

contre une paroi dans un liquide visqueux. (a) Bille d’acier rebondissant sur une plaque de verre au fond d’un bain liquide (eau ou huile silicone). Figure extraite de [96]. (b) Bille rebondissant sur une paroi latérale en verre dans un mélange eau-glycérol. Figure extraite de [95].

al. [95] étudient eux aussi le rebond d’une bille solide contre une paroi dans un bassin mais utilisent un montage légèrement différent : ils observent le rebond d’un pendule contre une paroi latérale. Dans les deux expériences, le coefficient de restitution des rebonds, e = V′/V , nul aux petits nombres de Stokes, augmente brutalement dès

que St dépasse St∗, qui vaut environ 10 dans les deux cas (figure 6.6).

En s’inspirant de ces montages, on effectue des expériences de rebond sur une plaque de verre épaisse (environ 2 cm d’épaisseur), de façon à pouvoir varier le liquide utilisé, ce qui est difficile sur le marbre où l’eau démouille. On se place dans le régime où les billes rebondissent, et on s’intéresse au coefficient de restitution e = V′/V des

rebonds. On remarque sur la figure 6.7 que la croissance rapide de e avec St au-delà du seuil est bien vérifiée. Cependant nos données ne se regroupent pas sur une seule courbe maîtresse, comme celles de Gondret et Joseph, sauf si l’on divise le nombre de Stokes par un nombre de Stokes critique expérimental St∗, qui dans nos expériences

varie entre 0,4 et 8. Nous cherchons ici à expliquer cette variation significative de St∗.

Les expériences de Gondret et Joseph ont lieu en volume et non sur une couche mince. Le nombre de Stokes critique pour leurs expériences est donc légèrement différent de celui établi dans l’équation (6.5), puisque la force visqueuse travaille cette fois sur une distance d’ordre R et non plus d’ordre δ. On attend alors :

6.4. ÉLASTICITÉ DES REBONDS 143

(a) (b)

Fig.6.7 – (a) Coefficient de restitution (divisé par le coefficient de restitution sur substrat sec)

en fonction du nombre de Stokes. Pour la série ◦, la bille est en acier, R=5 mm, η = 12 000 mPa·s, δ = 340 µm. Le nombre de Stokes critique vaut 0,5. Pour la série • la bille est en verre, R= 2 mm, η = 100 mPa·s, δ = 400 µm. Le nombre de Stokes critique vaut 7,5. (b) Coefficient de restitution en fonction du rapport entre le nombre de Stokes du rebond et le nombre de Stokes critique. Les données rassemblent des expériences dans lesquelles on a fait varier la composition des billes, leur diamètre, l’épaisseur du film et la viscosité de l’huile : acier, R = 5 mm, η = 1000 mPa·s, δ = 240 µm (◦) ; acier, R = 5 mm, η = 1000 mPa·s, δ = 380 µm (") ; acier, R = 3 mm, η = 1000 mPa·s, δ = 250 µm (#) ; acier, R = 3 mm, η = 1000 mPa·s, δ = 100 µm ($) ; acier, R = 5 mm, η = 12 000 mPa·s, δ = 340 µm (×) ; verre, R = 2 mm, η = 100 mPa·s, δ = 250 µm (∗) ; verre, R= 2 mm, η = 100 mPa·s, δ = 400 µm (!) ; acier, R= 3 mm, η = 12 000 mPa·s, δ = 340 µm (△) ; acier, R= 5 mm, η = 12 000 mPa·s, δ = 460 µm (+) ; acier, R= 3 mm, η = 12 000 mPa·s, δ = 460 µm (•)

144 CHAPITRE 6. PROPRIÉTÉS ANTI-REBOND D’UN FILM MOUILLANT d (mm) δ (µm) η (mPa·s) St∗ X 6 340 12 000 0,47 0,0148 10 340 12 000 0,51 0,0129 10 460 12 000 0,59 0,0165 6 460 12 000 1,07 0,0144 6 250 1000 2,8 0,0389 10 240 1000 3 0,0328 6 100 1000 3,2 0,0147 10 380 1000 3,5 0,0488

Tab. 6.1 – Valeurs du nombre de Stokes critique Stmesurées pour des expériences de rebond

d’une bille d’acier de diamètre d sur une plaque de verre couverte d’une couche d’épaisseur δ d’huile silicone de viscosité η. On mesure également la quantité X = δ

(ηV0R3/2)2/5 en fonction de laquelle

St∗ varie d’après la théorie de Davis (équation (6.5)).

St∗ ≃ ln $ R (4θηV0R3/2)2/5 % ≃ ln $ R 4θηV0 %2/5 (6.8) Gondret et al. ont fait varier le nombre de Stokes en jouant sur les variables R et η. Le rapport R/η qui apparaît dans l’équation (6.8) varie dans leurs expériences d’un facteur 30 000, on s’attend donc à ce que le nombre de Stokes critique varie d’un facteur inférieur ou égal à 2/5 ln(30 000) ≃ 4. Pour Joseph et al., la quantité

R

4θηV0 varie d’un facteur 4000, St

devrait donc varier d’un facteur 2/5 ln(4000) ≃ 3.

Cette gamme de variation est compatible avec les résultats présentés sur la figure 6.6.

Il n’en va pas de même dans nos expériences. Le tableau 6.1 représente les nombres de Stokes St∗ obtenus pour une série d’impacts de billes d’acier sur une plaque

de verre. Le paramètre θ est donc constant ; d’après l’équation (6.5), la quantité X = δ

(ηV0R3/2)2/5 varie d’un facteur 14 dans nos expériences. La variation du nombre

de Stokes critique devrait être inférieure à ln 14 ≃ 2,6, à comparer au facteur 16 qui apparaît entre les valeurs extrêmes du tableau 6.1. Il semble donc que la théorie élastohydrodynamique ne suffise pas à rendre compte de la valeur du seuil de transition entre régimes de rebond et de capture.