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Faible vitesse d’impact : rebonds et capture

Fig. 4.4 – Caténoïdes symétrique (à gauche) et asymétrique (à droite).

La propagation de ces ondes résulte d’un équilibre entre la tension de surface qui domine le mouvement et l’inertie qui le retient, c’est pourquoi on les appelle ondes capillaires.

Il est intéressant de noter que cette formule est la même que celle qu’obtient Culick pour la vitesse d’ouverture d’un trou dans un film de savon [68] : là encore, c’est la tension de surface qui provoque la rétraction, et celle-ci est d’autant plus rapide que le film est mince et peu dense. Le raisonnement de Culick consiste à écrire un bilan de quantité de mouvement pour le liquide situé dans le bourrelet. On trouve, par unité de longueur de ligne :

d mv dt =

dm

dt v ∼ 2γ (4.10)

La masse du bourrelet, à un instant donné, correspond à la masse de film disparu lors de la formation du trou de rayon R : M ∼ ρeR2. Par unité de longueur de ligne

on a donc m simρeR et dm

dt ∼ ρev. On retrouve donc l’expression ??. Dans le cas

d’un film de 3 µm d’épaisseur et d’une tension de surface de 25 mN/m, on trouve une vitesse de 4 m/s pour l’ouverture du trou.

4.3 Faible vitesse d’impact : rebonds et capture

4.3.1 Trampoline liquide

Nous présentons dans ce paragraphe quelques résultats connus à propos de l’impact d’une goutte sur un film de savon à faible vitesse (quelques dizaines de centimètres par seconde). La figure 4.5 est une superposition d’images extraites d’un film mon- trant une goutte tombant sur un film légèrement incliné. On y observe que la goutte rebondit plusieurs fois sur le film. La hauteur atteinte par la goutte après les rebonds successifs est de plus en plus faible. Après quelque temps, elle finit par se fondre dans le film liquide.

96 CHAPITRE 4. FILMS ET BULLES DE SAVON

Fig. 4.5 – Impact à faible vitesse (V ≃ 40 cm/s) d’une goutte d’eau sur un film de savon. On

superpose toutes les images de la vidéo pour visualiser la trajectoire de la goutte : on observe que celle-ci rebondit sur le film de savon, incliné de 4° dans cette expérience.

Fig.4.6 – Chronophotographie d’une goutte d’eau de 1,4 mm de rayon rebondissant sur un film

de savon. La barre noire représente 5 mm, l’intervalle entre deux images consécutives est de 10 ms. (Clichés Elsa Bayart)

La série d’images de la figure 4.6 montre que le film de savon, dont la déformation au cours du rebond évoque celle d’un trampoline, s’étire puis se détend, donnant lieu au rebond de la goutte. La surface du film étant courbée pendant le rebond, on ne peut plus envoyer de lumière sous la goutte pour détecter la présence d’un éventuel film d’air [69]. En revanche, en réalisant des impacts sur des films obliques, on peut observer la dynamique de glissement des gouttes, et en déduire qu’elles se déplacent sans frottement, donc sur un coussin d’air. La présence d’un film d’air sous la goutte est confirmée par une expérience récente de Bush et Gilet, qui montrent qu’on peut entretenir les rebonds de la goutte en faisant vibrer le film de savon, c’est-à-dire en renouvelant l’air sous la goutte [65].

4.3. FAIBLE VITESSE D’IMPACT : REBONDS ET CAPTURE 97

Fig. 4.7 – Chronophotographie du rebond d’une goutte de glycérol enrobée de lycopodes sur

un film de savon. La barre blanche représente 5 mm et l’intervalle entre deux images consécutives est de 8 ms. (Clichés Elsa Bayart)

Le rebond d’une goutte sur un film s’interprète donc de la même manière que le rebond des bulles sur un bain. Quand la goutte s’approche du film, il y a une distance à laquelle il devient plus facile de déformer les surfaces liquides de la goutte et du film que de chasser le film d’air qui les sépare : ainsi les surfaces restent isolées l’une de l’autre et stockent de l’énergie de surface, qu’elles peuvent ensuite libérer en relaxant les déformations, donnant lieu au rebond.

Répétons maintenant l’expérience en remplaçant la goutte par une bille solide. On choisit des billes suffisamment petites et légères pour que leur masse reste comparable à celle d’une goutte d’eau : on utilise principalement des billes d’aluminium de 0,8 ou 1,6 mm de diamètre. L’énergie injectée dans le système est du même ordre de grandeur que dans le cas d’une goutte, puisque la taille, la masse et la vitesse sont comparable dans les deux cas. Pourtant la bille solide ne rebondit jamais. Elle colle à l’interface, reste piégée dans le film et finit sa course au bord du cadre qui tient le film, là où ce dernier est le plus épais. Il est possible d’observer le rebond d’une bille sur une surface liquide [70], mais il faut pour cela que la bille soit superhydrophobe et que la poussée d’Archimède contribue à faire rebondir la sphère, il s’agit donc d’un problème très différent.

Ceci signifie que la déformabilité du projectile est une condition nécessaire du rebond sur un film. C’est d’ailleurs aussi le cas dans l’expérience décrite dans l’annexe C : si

98 CHAPITRE 4. FILMS ET BULLES DE SAVON

Fig. 4.8 – Goutte d’eau de diamètre d=4 mm traversant un film de savon après un impact à

V =69 cm/s. Intervalle entre deux images consécutives : 2,8 ms.

les bulles peuvent rebondir sur un bain liquide, elles éclatent systématiquement si on les lance sur une surface solide lisse et indéformable. On peut le vérifier en lançant sur un film de savon une bille molle, fabriquée en enrobant une goutte de glycérol avec des lycopodes. Les lycopodes sont des spores de fougère formant une poudre hydrophobe qui couvre spontanément l’interface liquide-air [71]. Cette poudre isole totalement la goutte du substrat sur lequel elle est posée ; celle-ci ne s’étale donc pas et se comporte comme une bille molle. La figure 4.7 montre que cette bille rebondit comme une goutte liquide et l’évolution de sa déformation est visible sur la série d’images.

4.3.2 Influence de la vitesse

Répétons encore une fois l’expérience en lançant une goutte avec une vitesse initiale un peu plus grande. On observe sur la figure 4.8 que le film se révèle cette fois incapable de piéger la goutte, qui le traverse sans le faire éclater. De la même façon, si sa vitesse d’impact est suffisamment grande, une bille solide peut traverser le film sans le casser.

La transition du régime de rebond (pour une goutte) ou de capture (pour une bille) vers le régime de traversée est déterminée par la vitesse d’impact [72]. La figure 4.9 représente les variations de la vitesse d’impact critique V∗, au-delà de laquelle le

projectile passe à travers le film, en fonction de la taille du projectile. Qu’il s’agisse de gouttes ou de billes, V∗ est de l’ordre de quelques dizaines de centimètres par

seconde, et décroît avec le rayon du projectile, ainsi qu’avec sa densité. Ainsi, plus un objet est lourd, moins il lui est nécessaire d’aller vite pour traverser le film. On peut estimer qualitativement V∗ en écrivant, comme au chapitre précédent, un

équilibre entre énergie cinétique et énergie élastique : 1/2MV2 ∼ γ∆A. Lors de la

traversée du film, l’accroissement de surface est d’ordre R2 (ce point sera rediscuté