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Déformation des bulles

B.4 Taille de la région élastique

C.1.2 Déformation des bulles

Le rebond se déroule en plusieurs étapes : pendant la phase d’approche, la bulle est bien ronde. Elle rentre ensuite en "contact" avec le liquide (nous verrons par la suite qu’il existe en fait un mince film d’air qui l’isole du bain, de la même façon que les fibres du feutre piègent une couche d’air entre la bulle et le chapeau de la figure C.1). Durant cette phase, la bulle s’aplatit jusqu’à adopter une forme de galette plus ou moins mince, selon la violence de l’impact (voir figure C.3). Une fois qu’elle a atteint sa déformation maximale, elle se détend comme un ressort que l’on a comprimé et redécolle. Nous mesurons sur les vidéos la déformation δ, définie comme la différence entre le diamètre initial de la bulle et l’épaisseur de la crêpe au moment où elle est

C.1. REBOND D’UNE BULLE SUR UN BAIN LIQUIDE 183

Fig.C.2 – En haut : série d’images d’une bulle de rayon R =1,1 cm arrivant sur un bain d’eau

à la vitesse V = 65 cm/s et rebondissant à sa surface. En bas : série d’images d’une bulle de rayon R = 0,7 cm arrivant sur le bain d’eau à V = 25 cm/s pour coalescer avec la surface. L’intervalle entre deux clichés consécutifs est de 14 ms.

la plus déformée.

L’accroissement de surface ∆A d’une sphère transformée en ellipsoïde s’écrit ∆A =

5 δ

2. L’énergie nécessaire pour déformer la bulle, c’est-à-dire les deux interfaces

ellipsoïdales qui la composent, est donc Esurf = γ∆A =

16π 5 γδ

2 (C.1)

Si on considère que cette énergie est égale à l’énergie cinétique de la bulle avant

Fig.C.3 – Déformation maximale des bulles. On note δ l’écrasement de la bulle au moment où

elle atteint la déformation maximale et L le rayon de la zone de "contact". A gauche : V = 43 cm/s, R = 1,1 cm ; au milieu V = 86 cm/s et R=0,8 mm ; à droite V =120 cm/s et R = 0,6 mm.

184 ANNEXE C. BULLES REBONDISSANTES impact, on obtient le bilan énergétique suivant :

8π 5 γδ

2 = 1/2M V2 (C.2)

La masse d’une bulle se décompose en deux termes : la masse de l’enveloppe liquide et la masse de l’air que celle-ci englobe :

M = 4 π R2 e ρl+

4π 3 R

3ρ

air (C.3)

Les deux termes sont égaux lorsque R = Rc = 3 e ρl/ρair. Si l’épaisseur de la

couche de liquide est de 3 µm, alors Rc vaut 9 mm. Pour R < Rc, le rapport

surface/volume est important et c’est la masse du liquide qui domine. La plupart des bulles utilisées dans notre expérience sont plus grandes que cette taille critique. Ainsi, l’air qu’elles renferment pèse plus que le liquide qui les compose. Nous pouvons alors écrire, d’après C.2 :

16π 5 γ δ

2

≃ 2π3 ρair R3 V2 (C.4)

On peut ainsi exprimer δ en fonction du nombre de Weber W e, qui compare l’inertie de l’air contenu dans la bulle aux forces capillaires :

W e = ρair V

2 R

γ (C.5)

δ =(5/24 R √W e (C.6) Le nombre de Weber est compris entre 0,1 et 1 dans nos expériences : pour une bulle de rayon 2 cm arrivant à la surface de l’eau à 50 cm/s, W e vaut 0,22. Les déformations prévues par ce modèle sont proportionnelles à la taille de la bulle considérée, avec un préfacteur(5/24 W e ≃ 20 %. Les bulles étudiées étant de taille centimétrique, on attend donc des déformations de l’ordre de quelques millimètres, voire du centimètre pour les bulles les plus grosses, ce qui est effectivement observé expérimentalement.

On s’attend également à ce que δ varie linéairement avec la vitesse d’impact, comme pour un rebond banal. En effet, la conversion d’énergie cinétique en énergie élastique pour un système masse-ressort s’écrit :

1/2 M V2 = 1/2 kx2 (C.7) Si la masse, initialement à l’équilibre, est mise en mouvement à une vitesse V , elle s’éloignera de sa position d’équilibre jusqu’à atteindre la distance x = V (M/k.

C.1. REBOND D’UNE BULLE SUR UN BAIN LIQUIDE 185

Fig. C.4 – Déformation δ des bulles, représentée en fonction de la grandeur δth = R W e1/2.

La courbe en pointillés correspond à l’équation (C.6).

Toute l’énergie cinétique incidente est alors stockée par le ressort comprimé ou al- longé. On retrouve donc, dans le simple cas d’un système masse-ressort, une défor- mation dépendant linéairement de la vitesse, comme le prédit l’équation (C.6). La figure C.4 représente δ en fonction de δth = R

W e. On y remarque tout d’abord que les points expérimentaux s’alignent sur une droite, ce qui signifie que la dépendance en √W e est bien vérifiée. De plus, la pente de cette droite est celle prédite par l’équation (C.6) :(5/24 ≃ 0, 5. On a donc un accord quantitatif entre modèle et expérience, particulièrement sur la partie de la courbe correspondant aux grands δth. Pour les plus petites valeurs de δth, les mesures sont plus dispersées. Ces

valeurs de δth correspondent aux petites bulles, dont le rayon est inférieur à Rc =

9 mm, et pour lesquelles il faudrait prendre en compte la masse du liquide qui les compose : M > 4π

3 ρairR3, d’où une déformation δ =

! 5 32π M V2 γ > (5/24 R √ W e. L’équation (C.6) sous-estime donc la déformation des petites bulles, c’est pourquoi les points pour les petites bulles se retrouvent sur la figure C.4 au-dessus de la droite en pointillés.

Le bon accord entre prédictions et mesures expérimentales de la déformation valide le bilan énergétique selon lequel toute l’énergie cinétique de la bulle au moment de l’impact est stockée sous forme d’énergie de surface. En est-il de même lorsque le "ressort" formé par la bulle se détend ? Pour le savoir, nous mesurons le coefficient de restitution r de la bulle, c’est-à-dire le rapport entre vitesse de décollage V′ et

186 ANNEXE C. BULLES REBONDISSANTES

Fig. C.5 – Coefficient de restitution r = V/V du rebond d’une bulle de savon sur un bain

d’eau, en fonction de son rayon R (à gauche) et de sa vitesse d’impact V (à droite).

d’une valeur moyenne de 0,5, comme le montre la figure C.5. Ceci signifie que seule une faible part de l’énergie (environ un quart) contribue au rebond.

Le raisonnement présenté ci-dessus fait intervenir la bulle d’une part et le film d’air sous-jacent de l’autre. Il y manque un autre acteur : le liquide du bain. Nous avons vu que le rebond n’est pas possible sur une surface solide, lisse et sèche. Comme une goutte en lévitation un bain vibrant, la bulle qui rebondit est protégée de la coalescence par une déformation de la surface liquide. Les écoulements qui résultent de cette déformation sont responsables d’une partie de la dissipation.