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La question de la source de l’innovation : comment les entreprises captent-elles les rentes liées à l’innovation ?

par les utilisateurs

S OMMAIRE DU C HAPITRE 2 :

2. L ES APPORTS DE LA LITTERATURE SUR L ’ INNOVATION PAR LES UTILISATEURS : LE LOGICIEL COMME CHAMP D ’ APPLICATION IDEAL ?

2.2 La question de la source de l’innovation : comment les entreprises captent-elles les rentes liées à l’innovation ?

Dans l’ouvrage The Sources of Innovation, von Hippel (1988) traite, entre autres, de la question de la source de l’innovation, en faisant écho à ces premiers articles relatifs au « customer active paradigm ». L’auteur cherche à déterminer qui développe réellement les instruments scientifiques qui rencontrent le succès commercial. Dans l’instrumentation scientifique, von Hippel étudie pour différents produits, le premier modèle commercialisé et ses améliorations sur vingt ans. Le résultat de ces observations est que les utilisateurs ont développé 76% des innovations étudiées.

Généralement, dans les cas étudiés, le rôle de l’innovateur dans la diffusion de l’innovation est le suivant :

1. Il perçoit qu’une avancée est nécessaire,

2. Il invente l’instrument,

3. Il construit un prototype,

4. Il démontre la valeur du prototype en l’utilisant,

5. Il diffuse l’information détaillée relative à la fois à la valeur de l’invention et à la façon avec laquelle l’appareil pouvait être dupliqué.

Chapitre 2 : Apports de la littérature : de la modularisation à l’innovation par les utilisateurs __________________________________________________________________________________________

Ensuite, le rôle du fournisseur est généralement le suivant :

1. Il réalise le travail d’ingénierie relatif au produit, sur la base de l’appareil de l’utilisateur pour améliorer sa fiabilité et sa facilité d’exploitation.

2. Il fabrique, réalise le marketing et vend le produit innovant.

Von Hippel (1988) analyse ensuite soixante innovations de procédé de deux types (procédés de fabrication de semi-conducteurs et procédés d’assemblage de circuits imprimés). Il constate que les utilisateurs ont développé plus de 60% des innovations dans ces secteurs. Cette étude montre, par ailleurs, un nombre limité d’activités d’innovation conjointes entre utilisateur et fournisseur. On note que les utilisateurs sont les seuls développeurs des innovations de procédés, relatives à la technique d’utilisation (qui ne demandent pas de nouvel équipement, mais une modification de la façon dont il est exploité). Ainsi l’utilisateur joue souvent le rôle de l’acteur qui reconnaît le besoin, résout le problème au travers d’une invention, construit un prototype et démontre la valeur du produit en utilisation. Le lieu (locus) de presque tout le processus d’innovation est donc centré sur l’utilisateur. Seule la diffusion commerciale est réalisée par le fournisseur. Cela contredit l’approche « manufacturer active » relative au développement de produit nouveau, qui affirme que le fournisseur doit satisfaire un besoin en suivant les différentes étapes du new product

development.

D’autres études existent attestant d’innovations non-fournisseur, comme celles de Corey (1956). De même, Shaw (1985) étudie le rôle des utilisateurs dans les innovations du secteur de l’instrumentation scientifique en Grande-Bretagne, et en conclut que la majorité des innovations ont été développées, et testées par des utilisateurs. Il observe aussi que des utilisateurs aident souvent les fournisseurs à commercialiser leur innovation, en les assistant pour concevoir, tester et même « marketer » le produit.

Echange informel de savoir-faire technique et rente liée à l’innovation :

Schumpeter (1947) avançait l’idée selon laquelle ceux qui innovaient avec succès sont récompensés par un monopole temporaire sur ce qu’ils ont créés. Ainsi l’innovateur se trouvait récompensé par l’amélioration de sa position sur le marché, et la rente fournie par son innovation. Von Hippel (1988) souligne le fait que les données collectées montrent que les innovations d’un type donné sont développées par des acteurs situés à un niveau particulier de la

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filière industrielle étudiée, qui est celui où l’espoir de rente est maximum. Von Hippel (1988) cherche ensuite à explorer de plus près les rentes liées à l’innovation et la façon avec laquelle les innovateurs peuvent les maximiser. Il constate qu’il existe énormément d’échanges informels de

know-how. Un développement interne requiert de mobiliser un savoir-faire largement informel,

que les ingénieurs doivent aller chercher en interne, mais aussi auprès d’experts à l’extérieur de l’entreprise. Il se développe ainsi un réseau informel d’échanges, entre ingénieurs ayant les mêmes centres d’intérêt. En dehors du cas où l’information est vitale pour la firme de l’ingénieur interrogé, celui-ci donne l’information, espérant un retour ultérieur de la part de ses collègues. L’échange informel de know-how peut même survenir entre firmes directement ou non directement concurrentes. Von Hippel focalise ensuite son analyse sur cette coopération entre rivaux. Il cite deux cas célèbres :

- US steel mini-mill producer (procédé de production d’acier) : des échanges de savoir-faire ont eu

lieu entre rivaux, mais toujours dans l’espoir d’obtenir une contrepartie.

- Collective invention décrite par T. Allen(1983), à propos des fonderies anglaises au 19ème siècle. Dans ce cas, tous les concurrents ont donné accès à leur savoir-faire propriétaire en même temps.

A l’inverse, von Hippel (1988) note que dans le cas des PC boards, les utilisateurs n’ont pas d’incitation à révéler leur innovation, et peuvent même avoir intérêt à la maintenir secrète pour obtenir un avantage concurrentiel. Toutefois, l’auteur note que des transferts ont eu lieu dans un nombre significatifs de cas. Ces transferts (ou non transferts) vers le fournisseur se sont opérés comme suit (par ordre d’importance décroissant) :

1. Grâce à de nombreuses interactions entre les staffs du client et du fournisseur ;

2. Il n’y a pas eu de transfert ;

3. Un utilisateur (pas forcément l’innovateur) a transféré le concept de l’innovation avec la commande d’équipement nouveau requis pour ce concept ;

4. Un utilisateur (pas forcément l’innovateur) a adopté le rôle de fournisseur d’équipement.