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QUATRE ARTICULATIONS POSSIBLES

Dans le document tel-00823278, version 1 - 16 May 2013 (Page 41-45)

I - LE BLOC-NOTES MAGIQUE

A) QUATRE ARTICULATIONS POSSIBLES

Les signes ou les idéogrammes (les images), les phonogrammes (les sons), la gravure (le toucher), le vibratoire (l’onde horienne dans l’Egypte ancienne, la pulsion chez Freud).

1) Les signes

Ils traduisent en image ce que l’on voit ou ce que l’on imagine : un poisson par un poisson, un ibis par un ibis, mais aussi une action, celle de naviguer sur une barque au milieu d’un champ de lotus, ou encore le mouvement des planètes, ou celui des étoiles symbolisées par des divinités qui voyagent à bord de « la barque solaire ou stellaire »...

2) Les phonogrammes

Ce sont des signes porteurs d’une valeur phonétique qui se décomposent en unités ou phonèmes. Chacun de ces phonèmes est figuré par un dessin auquel est attribué un son. De l’association de ces images, un peu à l’image d’un rébus, naît un langage, le langage hiéroglyphique. C’est par exemple le signe de la plume, celle que l’on voit sur la tête de la déesse Maât qui est un roseau fleuri et qui se prononce j ou i. C’est la semi-consonne yod, le même y que dans le « you » anglais. Mais I penché c’est aussi « le I de Dante » qui représente la coupure entre ciel et terre d’où surgit le sang neuf. Or la déesse Maât est fille du Dieu Thot et à ce titre elle établit un pont entre l’homme et la divinité. C’est par Maât, lors de la pesée des âmes lors du Jugement dernier, que l’âme du défunt pourra ou ne pourra pas accéder à la vie éternelle.

Au delà de ces deux premières articulations découvertes par Champollion (les idéogrammes et les phonogrammes)22 qui appartiennent au monde du visible, celui de « Thot politique », deux autres articulations (la gravure et le vibratoire) doivent être également considérées, mais elles, donnent la parole à « Thot, directeur des âmes ». Nous touchons alors

21 Les Grecs désignaient sous le nom de mystères (en Grec, fermer la bouche, rester muet), des cérémonies religieuses nocturnes qui devaient conduire l’initié à un perfectionnement et une purification de l’âme. L’Egypte ancienne célèbre ces mystères avec Osiris et la Grèce avec Dionysos.

22 Vernus P., Egyptologue, conférence 2007, l’Association des Amis du Musée Champollion, Figeac, p. 1.

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au monde du Jugement dernier. Thot ouvre alors le livre de vie du défunt ou celui de l’impétrant qui se présente à lui. Tous les actes de son existence y sont inscrits sous forme d’une écriture mathématique, car Thot est aussi le Dieu des mathématiques. Nous sommes ici projetés au cœur même de la psyché et de sa gravure. Nous rejoignons ici Freud, quand ce denier parle de l’inconscient ou du surmoi, ce qu’il nommera l’ « intérieur » dans le Bloc-notes-magique.

3) La gravure

Les hiéroglyphes sont gravés en creux ou en bosse. Leur lecture peut ainsi se réaliser au toucher. Dans certains temples égyptiens la gravure apparaît tantôt en creux, tantôt en bosse selon que le texte hiéroglyphique se situe à l’intérieur ou à l’extérieur du monument. Le choix du scribe dans l’exécution de ses écritures sculptées, semble dépendre de la quantité et de la puissance d’ensoleillement dont bénéficieront les textes. Cette technique n’est pas sans nous rappeler le « tableau de cire » du « bloc-notes magique » de Freud et des traces mnésiques imaginées par lui.

Que ce soit dans sa distinction des signes, des phonogrammes ou de sa gravure, cette technique d’écriture semble pouvoir faciliter l’appréhension de l’objet au sein de la psyché humaine. Voilà une manière de « prémâcher » le travail aux signifiants et par la suite à celui de l’appareil perceptif psychique de Freud qui deviendra l’imaginaire chez Lacan). Le but visé par le scribe se résume à la transmission la plus parfaite de l’objet tant de par sa forme, ses couleurs ou toute autre particularité sensitive qui pourront le reconstruire dans sa complétude. La symbolique naît de cette nécessité de donner de l’objet une autre représentation de lui, qui n’est pas la sienne, mais qui la suggère.

4) Le vibratoire

Ce terme bien que ne faisant pas partie du vocabulaire des Egyptologues n’en joue pas moins un rôle déterminant puisque son rôle est de transformer les signes morts en signes vivants. Le vibratoire est pour cette écriture ce qu’est la pulsion à la psychanalyse. Le vibratoire peut-être comparé au souffle chinois contenu dans le Tao. Sa manifestation génère les soixante quatre hexagrammes du Yi King qui traduisent « les Paysages de l’âme » (cf.

chapitre consacré à Lacan sur le ternaire). L’homme se situe parfois dans cette représentation de signes morts mais peut, par le biais du Jugement dernier, subir de son vivant une transformation intérieure qui le vivifiera. Comme nous le verrons dans le chapitre consacré au

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mythe du dieu Horus, l’onde horienne apparaît comme une eau sèche, résultant des activités énergétiques cosmiques.

Les alchimistes23 connaissent l’existence de cette « eau cachée » qui est une eau invisible qu’ils nomment « l’océan des sages ». Sans cette pulsion naturelle, d’origine cosmique, les informations contenues dans les signes, les phonogrammes et la gravure hiéroglyphiques resteraient lettre morte. L’écriture de l’ Egypte ancienne agit en tant que verbe et non plus en simple qualité d’écriture. Elle porte en elle la représentation vivante de l’objet. Elle imprègne et porte l’objet au cœur même de la psyché dans sa forme énergétique. C’est en ce sens que les écritures hiéroglyphique24, chinoise ou encore maya sont des écritures vibratoires. Dans sa forme moderne l’écriture cursive25 ne traduit qu’une version « plate » de l’objet comparable à des images qui devront être présentées et représentées sans cesse à la psyché afin qu’elles prennent corps en elle. Cette représentation conduit nécessairement la psyché à réaliser un travail en miroir par duplication des images. Nous sommes alors dans un processus essentiellement binaire alors que les écritures hiéroglyphique, chinoise ou maya participent d’un mode ternaire.

Entre le mode binaire et le mode ternaire, il y a le même différentiel qu’entre la photographie et le film. Le but de la psyché est de redonner à l’objet son mouvement originel.

Par mouvement, il faut comprendre ici vibration, car les composantes de l’objet sont toutes d’essence vibratoire.

A la manière d’un dessin animé qui se construit image par image, l’apprentissage redonne vie à l’objet provisoirement mutilé de ses sens. L’écriture hiéroglyphique affranchit la psyché de cette obligation de reconstruire l’objet image par image. Comme dans un cartouche égyptien, l’objet se présente à elle dans sa forme polymorphe et cinétique. « Le film » peut-être visionné directement.

23 Roob A., Alchimie et Mystique, in Le Musée hermétique, Tashen, 1996.

24 Dans l’Egypte ancienne trois types d’écritures se côtoyaient : l’écriture cursive hiératique utilisée par les prêtres, elle revêtait un caractère sacré ; l’écriture démotique, plus simplifiée et destinée au peuple ; l’écriture hiéroglyphique gravée dans la pierre et sous les sous-bassement des temples qui pour la plupart racontaient les exploits des grands pharaons ou encore les punitions qui étaient infligés aux vaincus et même encore partageait avec le curieux des savoirs comme la médecine ou la géographie. Cette dernière, baignée par les effluves solaires était destinée à toucher l’âme du lecteur, réveiller en lui ce que Jung nommera plus tard, les archétypes.

25 L’écriture cursive est tracée à la main, elle se veut brève, rapide instantanée. Utilisée depuis la plus haute antiquité, elle est utilisée sur de supports en parchemin, en peau ou en papier. C’est une écriture courante, contrairement aux hiéroglyphes qui sont polymorphes et complexes et utilisées sur la pierre.

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5) Vibratoire et pulsion

Si nous faisons référence au Graphe de Freud (1896), nous découvrons que ce dernier énonce quatre caractéristiques pour la pulsion : source, objet, but et poussée. Pour Freud la pulsion est avant tout, l’expression de la libido, mais pas seulement. Il imagine une physiologie qui s’appuie sur une dialectique entre « le dedans et le dehors », qui ne lie pas seulement le psychique au somatique, mais qui joue en tant que support de l’information. Le Professeur Rey-Flaud26 mentionne « que dans l’espace de la névrose, le symbolique est clignotant et que le monde ne cesse pas de s’éteindre et de s’allumer.» Cette dialectique ne traduit pas seulement l’idée de transfert, mais essentiellement celle de « support séquentiel »,

« séquentiel », car véhiculant des séquences d’objets, par « périodes clignotantes », comme le fait le courant électrique alternatif. Lacan reprendra cette idée avec le Schéma R qui nous interpelle sur la pulsation de l’inconscient.

Cette pulsation, contrairement à l’idée émise par beaucoup, n’illustre pas la structure du langage, mais un vecteur force sans lequel aucune gravure, aucun transfert d’écriture ne sont possibles. C’est ce que les Egyptiens nommaient la vague. Il n’est pas étonnant que Freud envisage en pareil cas un lien étroit entre le recueillement des informations (perceptions) et le temps : « Ainsi les interruptions qui, dans le cas du bloc-notes magique, proviennent de l’extérieur, je les faisais résulter de la discontinuité du flux d’innervation et, à la place d’une rupture de contact effective, on trouvait, dans mon hypothèse, l’inexcitation périodique du système perceptif. Je supposais en outre que ce mode de travail discontinu du système Pc-Cs.

est au fondement de l’apparition de la représentation du temps.»27

Pour un musicien, mesurer le temps, c’est battre la mesure, c’est laisser « couler » les notes de musique selon un tempo choisi (tant de notes noires à la minute). Sans la prise en compte du tempo musical, aucune harmonisation entre des groupes d’écritures musicales n’est possible. En pareil cas, ni partitions musicales, ni symphonies ne verront le jour ! On peut également imaginer que, sans l’intervention de ce tempo, la symbolisation intra psychique qui prend source à partir de l’objet ne pourra s’harmoniser. De ce fait, ni elle lira, ni liera les informations entre elles et par conséquent, ne s’ouvrira sur aucune structuration psychique normalisée mais elle s’ouvrira sur des représentations aberrantes. Le concept hiéroglyphique

« vibratoire », ne va pas sans nous rappeler celui de la pulsion du registre freudien. Freud considère la libido comme l’énergie que produirait un fleuve qui pourrait se diviser, s’arrêter et se déverser dans des lits collatéraux. Cette image suggérée par Freud corrobore

26 Rey-Flaud, cours de Master 2 Recherche, Université Paul Valérie, Montpellier III, cession 2008.

27 Ibid. 17

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parfaitement la théorie structurelle par arborescence comme nous le constaterons dans le chapitre consacré à la perversion.

On trouve un fleuve de vie chez les chrétiens (Planche IV, fig. 8). Nous pouvons ainsi imaginer que la libido chez l’être humain naît toute entière du mouvement des étoiles : « Le monde naquit du désir.»28 C’est dans l’étymologie gothique liufs, liob, lieb qui signifie aimant que l’on se rapproche le plus du terme libido employé par Freud et du principe vibratoire connu par les Anciens sous le nom d’Os d’Horus29. Ce dernier est symbolisé dans l’Egypte ancienne par trois lignes brisées superposées. Ce sont six lignes parallèles dans le Taoïsme chinois (Planche IV, fig. 4). La traduction couramment admise par les Egyptologues est celle de l’eau, mais, pour les alchimistes, elle désigne l’eau cosmique. Dans certains mythes anciens, cette eau céleste est mise en scène, comme par exemple Moïse partageant les eaux de la Mer Rouge (Planche IV, fig. 6). Horus est le dieu à tête de faucon. Il est le fils de Rê, le dieu soleil, mais aussi considéré comme celui d’Osiris, le gardien des portes de l’enfer. Fils de Rê, il détient des pouvoirs énergétiques sur le monde visible, celui de l’incarnation. Fils d’Osiris, à ce titre, il se transforme en une énergie qui travaille sur la conscience des morts. Il participe ainsi au Jugement dernier de l’Egypte ancienne qui ne concerne pas seulement les morts, car il y est dit « que l’on peut mourir de son propre vivant ». Cette énergie porte le nom d’os d’Horus. Elle est magnétique. Elle était ainsi nommée dans la Grèce ancienne pour désigner le fer magnétique.

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