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Les qualités perçues des modes de transports collectifs et de la voiture

Chapitre 2 - Les déterminants des choix modaux (étude 1)

3.  Résultats

3.2. L’importance perçue des qualités des modes dans les choix individuels

3.2.1. Contributions relatives des trois types de variables à l’explication du choix

3.2.1.1. Les qualités perçues des modes de transports collectifs et de la voiture

Afin d’introduire ces résultats et de détailler la construction de la perception de la

concurrence entre voiture et transports collectifs nous présentons en premier lieu la

distribution des scores d’importance perçue des douze caractéristiques proposées, selon les

usagers de ces deux types de modes (voir figure 1, page 79 ; le tableau XXVII présente les

moyennes et écart-types de ces scores en annexe 3, p. 225). Une analyse de variance est

réalisé dans le but d’identifier les caractéristiques par lesquelles ces deux modes différent.

Ces deux modes sont ceux qui sont les plus utilisés dans notre population (89 usagers de la

voiture, et, cumulés, 153 usagers du métro, RER, train de banlieue ou combinaison de ces

modes, soit 242 participants sur 307) et leur opposition est sans doute celle qui incarne le

mieux la problématique du report modal. Les autres modes ne sont pas négligés pour

autant et seront abordés par la suite.

L’importance perçue des différents critères proposés montre des effets attendus et

d’autres plus surprenants quant à la manière dont se structurent les opinions entre usagers

des transports publics et usagers de la voiture particulière (une ANOVA a été réalisée sur

ces scores, le tableau détaillé des résultats est disponible en annexe 4, p. 226). Trois

groupes de critères apparaissent, ceux qui ne distinguent pas l’usage de la voiture et

l’usage des transports collectifs, ceux qui sont favorables à la première et ceux qui sont

favorables aux seconds. Nous constatons ainsi que le critère de temps de trajet est celui qui

est le plus valorisé par les usagers mais ne distingue pas les deux usages (F(1,240)=0,595 ;

p=0,44). L’accessibilité est le second critère par ordre d’importance et ne semble pas

distinctive non plus mais la différence est tendancielle (F(1,240)=2,781 ; p=0,097). La

sûreté comme la sécurité, cinquièmes et sixièmes par ordre d’importance moyen, ne

présentent pas non plus de différences de perceptions pour les deux catégories de modes

habituels (respectivement F(1,240)=1,081 ; p=0,3 et F(1,240)=0,598 ; p=0,44). Enfin, et

cela peut paraître plus surprenant, le critère de pollution semble avoir une importance égale

pour les deux groupes, qui ne se distinguent pas du tout sur ce critère (F(1,240)=0,023 ;

p=0,879).

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Figure 1 : Scores moyens d’importance des critères selon le mode habituel.

Par contraste avec ces éléments neutres, quatre caractéristiques sont favorables au

choix de la voiture. Le confort premièrement, est significativement favorable à la VP, avec

un score d’importance moyen de M=3,70, contre M=3,18 pour le score d’importance

évalué par les usagers des TC (F(1,240)=7,994 ; p=0,005). Notons que ce critère est jugé

parmi les plus importants quand il est soumis aux participants, alors qu’ils l’évoquent peu

dans le cas des réponses spontanées. Le critère d’ambiance est, lui aussi, significativement

favorable à la VP, avec un score moyen de M=3,15, contre M=2,67 pour les TC

(F(1,240)=5,732 ; p=0,017). De la même manière, l’intimité est significativement plus

importante pour les usagers de la VP, avec un score moyen de M=3,07, contre M=2,07

pour les usagers des TC (F(1,240)=19,513 ; p<0,001). Enfin, le critère d’image de soi, qui

est le dernier critère par ordre d’importance pour tous les participants, est significativement

lié à l’usage de la voiture, avec un score de M=1,42, contre M=0,91 pour les TC (F(1,

252)=6,092 ; p=0,014). A l’inverse, trois caractéristiques favorisent les transports

collectifs. Il s’agit tout d’abord de la fiabilité, qui est un critère significativement favorable

aux TC, avec un score moyen de M=4,3, contre M=3,9 pour les usagers de la VP

(F(1,240)=7,778 ; p=0,006). En outre, le fait de pouvoir réaliser une autre activité pendant

le trajet est, sans surprise, nettement en faveur des TC, avec un score de M=3,59, contre

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M=2,42 pour la VP, la différence étant très significative (F(1,240)=35,794 ; p<0,001).

Enfin, le coût est significativement évalué comme plus important par les utilisateurs des

TC (M=3,58) que par les utilisateurs de la voiture (M=2,40 ; F(1,240)=33 ; p<0,001).

Ces différences d’évaluation induisent un ordre de préférence différent, en

moyenne, pour les deux groupes de participants. Les trois premiers critères, le temps,

l’accessibilité et la fiabilité sont cependant les plus importants pour les membres des deux

groupes. La suite montre moins de similarités. Le confort, notamment, qui est le quatrième

élément important pour les automobilistes n’est que le septième pour les usagers des

transports collectifs. L’évaluation du critère ambiance va dans le même sens, bien que ce

critère soit moins important pour tout le monde.

L’importance relative du coût, cinquième critère pour les usagers des TC, semble

montrer combien le choix des transports collectifs est perçu en termes de bénéfices. Les

usagers de la voiture négligent ce dernier critère en le renvoyant en avant-dernière position,

une sorte d’inconvénient inévitable mais acceptable. Le fait de pouvoir faire autre chose

pendant le trajet est nettement en faveur du choix des transports en commun, montrant

probablement simultanément que ces modes disposent là d’un avantage concurrentiel et

que les usagers de la voiture sont bien conscients que leur choix n’offre pas vraiment cette

possibilité. Notons que la formulation de la question – qui précise comme exemple :

travailler, se détendre, etc. – incite à considérer des activités que ne permet pas la conduite.

Par contraste, les automobilistes peuvent valoriser l’effet « sas » de leur trajet en voiture,

un moment intermédiaire entre différentes activités. Dans le questionnaire utilisé, un tel

bénéfice risque d’être plus naturellement pris en compte par la caractéristique d’intimité. Il

faut savoir, en outre, comme cela a été cité pour les réponses ouvertes, qu’un certain

nombre d’usagers des TC apprécient la foule ou du moins la présence d’autrui et, faute de

mieux, cochent au minimum l’importance de l’intimité, renforçant le contraste évaluatif

sur ce critère. Le critère de pollution est intéressant en ceci qu’il est évalué presque de la

même manière par les deux groupes, à peine au-dessus du milieu de l’échelle. Face à la

grande présence dans les débats sur le choix modal de l’importance de ce problème, nous

constatons ici que personne ne se permet d’affirmer que ce critère soit sans importance,

mais il semble très loin de participer fortement aux choix modaux de la majorité des

participants, ceci qu’ils se déplacent en VP ou en TC ferrés. Le critère d’image de soi est

bon dernier pour les deux groupes de participants, la différence étant nettement en faveur

du choix de la VP, montrant que même si, comme on l’entend souvent « l’image de la

voiture a changé » elle reste cependant plus socialement désirable que les transports en

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communs. Enfin, la sécurité et la sûreté sont prises en compte de manière similaire par les

deux groupes. Loin d’être négligeables, ces deux critères sont néanmoins évalués comme

moins importants que des critères plus immédiats. Il aurait été envisageable a priori que les

usagers de la voiture soient plus inquiets des accidents, rarissimes dans les transports en

commun, cependant aucune différence n’apparaît. Inversement, le thème de l’insécurité

pourrait distinguer les deux groupes mais là aussi la différence n’est pas significative. Il se

peut que nos participants rechignent à avouer leur angoisse mais la mesure est

suffisamment indirecte pour que cela soit improbable. Nous en déduisons que pour la

majorité des gens, les transports ne présentent pas particulièrement de problèmes

d’insécurité ou que la voiture ne permet pas de les éviter non plus.

Dans l’ensemble, ces résultats montrent que tout le monde accorde beaucoup

d’importance à la brièveté du temps passé à se déplacer, sans trop de difficultés d’accès et

avec une bonne capacité de prédiction de la durée des trajets. Le choix de la voiture se

distingue principalement par la recherche de confort, d’une ambiance plus agréable et

d’intimité par opposition à une recherche d’économie et de valorisation du temps pour les

transports en commun. La petite différence d’importance de la fiabilité, favorable aux

transports en commun, si elle peut paraître faible, n’est certainement pas anodine eu égard

aux taux de congestion très élevés des voies de circulations dans la région Ile-de-France.

De même, l’importance de l’image dans les choix, si elle est très faible en général, présente

malgré tout une des moyennes différentes pour les deux types de modes.