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Conclusion : la diversité des variables comme moyen de compréhension

Chapitre 2 - Les déterminants des choix modaux (étude 1)

3.  Résultats

3.2. L’importance perçue des qualités des modes dans les choix individuels

3.2.1. Contributions relatives des trois types de variables à l’explication du choix

3.2.1.4. Conclusion : la diversité des variables comme moyen de compréhension

Afin de conclure sur la comparaison des modèles d’explication du choix modal

entre TC ferrés et VP, nous revenons ici sur les parts de variances expliquées par les 7

modèles de régression envisagés. Ces différents modèles permettent, en premier lieu,

d’observer à quel point chaque catégorie de variable explique le choix modal habituel des

participants. En second lieu ils permettent d’observer quelles catégories de variables se

« recouvrent » pour expliquer les mêmes parts de la variance des choix modaux.

Les trois catégories de variables envisagées participent à l’explication du choix

modal quand elles sont prises en compte seules, les proportions de ces explications de

variance sont cependant différentes. Les variables traitant des préférences individuelles en

termes de caractéristiques des modes sont les plus puissantes, et expliquent entre 23 et 31

% de variance des choix modaux. Les variables sociodémographiques sont moins

efficaces, elles n’expliquent qu’entre 16 et 22 % de la variance. Enfin, le lieu de résidence

montre une explication encore plus faible, entre 5 et 7 % de la variance des choix modaux

habituels (VP vs TC).

Les combinaisons de ces variables permettent d’observer, premièrement, que les

préférences individuelles sont des variables indépendantes des lieux de résidence et

n’expliquent pas du tout la même part de variance de choix. Deuxièmement, à l’inverse, les

préférences individuelles et la socio-démographie semblent expliquer en partie la même

variance des choix mais ne se recouvrent pas complètement. Troisièmement enfin, la

socio-démographie est le lieu de résidence expliquent, eux aussi, partiellement la même

variance des choix modaux.

En termes de compréhension des choix modaux, ces résultats montrent

premièrement, que si les enjeux d’accessibilité, approchés par le département de résidence,

ont un effet faible d’explication des choix, cet effet n’en est pas moins important puisqu’il

est indépendant des explications que fournissent les individus à propos de leurs pratiques.

Deuxièmement, l’absence d’orthogonalité entre les préférences individuelles et la

démographie montre que, comme nous le supposions la prise en compte de la

socio-démographie ne suffit pas à décrire la diversité inter-interindividuelle. Cependant, les

variables sociodémographiques ne sauraient être négligées, certains de leurs effets étant bel

et bien indépendants des préférences individuelles que traduisent les évaluations de

l’importance des caractéristiques des modes. Troisièmement, l’absence d’orthogonalité

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entre les variables sociodémographiques et les lieux de résidence semble essentiellement

porter sur l’effet de la variable sexe. L’effet de la variable âge sur les choix modaux est lui

indépendant du lieu de résidence. De ce fait, il paraît probable que cette similarité de

variance expliquée désigne le fait que les femmes et les hommes habitants dans les mêmes

zones, ne sont pas confrontés pour autant à un contexte identique d’accessibilité, réelle ou

perçue. Bien que nos résultats ne permettent pas d’aller plus loin, il paraît possible

d’envisager que cette différence d’accessibilité vienne de ce que les activités,

professionnelles et extra-professionnelles, des hommes et des femmes ne se déroulent

peut-être pas dans des zones similaires en termes d’accessibilité. Il paraît en tous cas

indispensable de prendre en compte ces deux paramètres, le sexe et le lieu de résidence

étant vraisemblablement liés dans la prédiction du choix modal habituel.

Enfin, le modèle complet, intégrant les trois catégories de variables explique entre

36 et 49 % la variance des choix modaux habituels (TC ferrés vs VP). Cette forte puissance

d’explication est dépendante de la prise en compte des trois catégories de variables, qui

contribuent toutes significativement à expliquer la diversité des choix modaux.

Pour ce qui est des limites de ce paradigme, la question des déterminants de la part

de variance restante ne peut, évidemment, guère être envisagée à partir de ces résultats,

néanmoins, quelques pistes sont envisageables. Pour ce qui ne relève pas du bruit et de la

puissance statistique, l’existence d’un manque à gagner de variance expliquée peut

provenir de deux types de causes. D’une part, la qualité des mesures peut toujours être

améliorée et d’autre part, certains déterminants importants quant au choix du mode de

transport sont peut-être négligés. En termes qualitatifs, l’inefficacité de nos évaluations du

niveau social est un dommage dont il faudrait confirmer la cause pour ne pas négliger cette

variable. Plus généralement, les mesures utilisées pourraient être améliorées en sensibilité

et en précision. Par exemple, une série d’items permettant de mesurer la désirabilité sociale

perçue du mode utilisé et son importance dans le choix pourrait peut-être remplacer

avantageusement la caractéristique « image de soi » qui présente un minimum de

sensibilité dans cette étude. Enfin, tous gains de précision dans la qualification du contexte

infrastructurel et géographique seraient utiles étant donné que la plupart des politiques de

transport visant à modifier la répartition modale portent sur cet aspect. En outre, certains

paramètres sociodémographiques, comme le nombre et l’âge des enfants du ménage,

doivent participer aux choix et ne sont pas pris en compte dans cette étude. Malgré tout, et

outre ces problèmes de qualité des mesures toujours perfectibles, la démarche de

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l’explication naïve produit des résultats significatifs et permet de distinguer les apports des

différent types de variables.

D’autre part, certains paramètres, comme les effets de l’environnement social des

participants, ou encore l’histoire particulière de chacun en termes de mobilité, pourraient

éventuellement paraître négligés. Les travaux de Flamm (2004) montrent d’ailleurs

comment le choix actuel peut être explicable au moyen de l’histoire du participant. Ce

travail montre que le choix modal procède plus ou moins directement de nombreuses

causes dans l’histoire individuelle, notamment que lieux de résidences et modes de

transports sont choisis ensemble et non que le second soit choisi après le premier. Pourtant,

le choix du lieu de résidence, tout comme les préférences individuelles, sont des résultats

de cette histoire individuelle. Le risque de qualifier directement, comme des variables, ces

divers déterminants possibles du choix modal, serait de postuler une indépendance des

effets là où se trouvent probablement des relations causales entre variables. Face au risque

de confusion et de manque d’orthogonalité des variables, le paradigme utilisé dans cette

étude est probablement plus efficace, même s’il néglige effectivement de prendre en

compte directement certaines dimensions. En effet, si l’histoire personnelle de la mobilité

et les influences sociales ne sont pas mesurées, elles contribuent, comme d’autres, à

construire l’importance accordée par les participants aux différentes caractéristiques des

modes qui est la mesure principale de cette étude.

La limite principale du paradigme utilisé réside ainsi, probablement, dans le fait

qu’il ne permet pas de distinguer les différentes causes structurant les déterminants du

choix modal. La quantité de variance expliquée par ces déterminants, elle, est forte. En

effet, du point de vue statistique une variance expliquée supérieure à 25 % (Cohen, 1988)

ou à 20 % (Corroyer & Rouanet, 1994) se classe dans la catégorie la plus haute

d’importance des effets. L’explication naïve, et plus généralement le fait de prendre en

compte les raisons que les individus évoquent, semble ainsi être une méthode efficace pour

comprendre les choix modaux. Une deuxième phase d’analyse va ainsi évaluer l’impact

des préférences individuelles, des variables sociodémographiques et du lieu de résidence

sur chacun des modes habituellement utilisés par les participants, pris individuellements.

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