Chapitre 2 - Les déterminants des choix modaux (étude 1)
3. Deuxième partie - La désirabilité du transport collectif à l’épreuve de
3.2. Hypothèses opérationnelles
3.4.1. Les désirabilités de la voiture et du bus varient en fonction du paramètre
Pour les contrastes temporels
3, les résultats d’une analyse de variance à mesure
répétées indiquent que les participants ont effectivement évalué les cinq contrastes
différemment dans les deux cas. Les évaluations de la fréquence d’usage du bus varient
avec ces contrastes (F(4 ; 792)=122,6 ; p<0,001 ; eta
2=0,38) tout comme les évaluations de
la fréquence d’usage de la voiture (F(4 ; 792)=116,5 ; p<0,001 ; eta
2=0,37
4).
3
Les contrastes de temps sont de 30mn, 45mn, 50mn, 1h et 1h15mn en bus contre 50mn en voiture.
4
Nous utilisons les repères fournis par Cohen (Petty, et al., 1994) pour ce qui est des tailles d’effets (eta
2),
en dessous de 0,10 l’effet est faible, moyen jusqu’à 0.24 et grand au dessus de 0.31.
148
Les moyennes et les erreurs standards pour les contrastes entre le temps de trajet
variable en bus et celui fixe en voiture, sont présentées dans le tableau XVII (page 148) et
représentées par la figure 2 (page 149).
Tableau XVII : Tableau des effets du contraste de temps sur la désirabilité des modes bus
et voiture.
Vitesse du bus par rapport au
temps de trajet en voiture*
Moyenne Ecart-type
Très lent ,115 ,125
Lent ,670 ,118
Vitesse équivalente ,930 ,114
Rapide 1,350 ,108
Scores de
désirabilité du bus
Très rapide 1,930 ,097
Très lent ,435 ,123
Lent -,160 ,121
Vitesse équivalente -,535 ,125
Rapide -,920 ,115
Scores de
désirabilité de la voiture
Très rapide -1,510 ,111
*Le temps en voiture est toujours le même selon les différents contrastes de temps proposé en bus
L’examen de ces moyennes montre que plus le bus est rapide, plus les participants
pensent l’utiliser, et inversement pensent moins utiliser la voiture. Ces écarts sont
particulièrement visibles sur le graphique 1, par les deux courbes représentant les
fréquences moyennes auxquelles seraient utilisés le bus et la voiture. Sur une échelle de -3
à 3, la fréquence d’usage moyenne du bus est proche de 0 lorsqu’il est très lent (trajet en
1h15 contre 50 mn en voiture), et augmente au fur et à mesure qu’il devient plus rapide,
atteignant une valeur moyenne de près de 2 lorsqu’il est très rapide (30 mn contre 50 en
voiture). Cela reflète un gain important de désirabilité pour le bus. Des contrastes
polynomiaux
5montrent que cette augmentation progressive d’usage du bus quand sa
vitesse augmente est significative statistiquement (F(1 ; 198)=228,8 ; p<0,001 ; eta
2=0,54).
5
En détail, ces contrastes montrent deux tendances pour chaque mode. Une tendance linéaire et une tendance
cubique. Pour le bus la tendance linéaire (F(1 ; 198)=228,8 ; p<0,001 ; eta
2=0,54) reflète la tendance
générale à l’augmentation, et inversement, reflète pour la voiture la tendance générale à la baisse (F(1 ;
198)=241,6 ; p<0,001 ; eta
2=0,55) . Les tendances cubiques montrent que ces tendances ne sont pas
parfaitement linéaires, pour le bus (F(1 ; 198)=16,1 ; p<0,001 ; eta
2=0,08), comme pour la voiture (F(1 ;
198)=13,6 ; p<0,001 ; eta
2=0,06). Les angles apparents sur chaque courbe de la figure 2 (p. 149) ne sont donc
149
A l’inverse, la fréquence d’usage moyenne de l’automobile est proche de 0, 5
lorsque le bus est très lent (1h15 contre 50 mn en voiture), et diminue au fur et à mesure
qu’il devient plus rapide, atteignant une valeur d’environ -1,5 lorsque le bus est très
concurrentiel (30 mn contre 50 mn en voiture). Cela reflète une perte de désirabilité
importante (2 points environ sur 6) pour l’automobile selon la concurrence de temps de
trajet. Les contrastes confirment statistiquement que les participants utiliseraient d’autant
moins la voiture qu’elle est moins rapide que le bus (F(1 ; 198)=241,6 ; p<0,001 ;
eta
2=0,55).
Dans l’ensemble, on observe un écart de plus de 3 points sur 6 entre les deux modes
lorsque le bus est très rapide, ce qui indique l’importance du paramètre fonctionnel dans la
désirabilité d’un mode de transport.
Figure 2 : Distribution des moyennes de désirabilité du bus et de la voiture selon la vitesse
relative du bus.
L’impact du paramètre fonctionnel sur l’intention des participants d’utiliser un
mode de transport, qui faisait l’objet de notre première hypothèse est donc bel et bien
pas des artefacts. Au vu de l’effet mineur de la tendance cubique vis-à-vis de l’effet de la tendance linéaire
(0,08 contre 0,54) ces tendances cubiques sont cependant secondaires.
150
confirmé. Ainsi, les participants cherchent en majorité à utiliser le mode le plus rapide :
lorsque le bus est très lent, sa désirabilité est très faible, et inférieure à celle de la voiture ;
au contraire, dès qu’il est présenté comme un peu plus rapide, sa désirabilité devient
supérieure à celle de la voiture. La désirabilité du bus en particulier gagne près de 2 points
entre le cas où il est très lent, et celui où il est très rapide. Notons que la forte symétrie des
courbes n’est pas surprenante. Les questions sur les deux modes sont posées à la suite les
unes des autres pour chaque contraste de temps, ce qui peut induire le sentiment que la
consigne est bien d’opposer les fréquences d’usage a priori des modes. Mesurer les deux
fréquences nous paraissait utile pour distinguer éventuellement des effets de préférence
pour l’un ou l’autre mode, mais cela n’aura pas été le cas.
En outre, le temps de trajet apparait comme beaucoup moins décisif que ce que l’on
pourrait attendre d’usagers strictement en recherche de bénéfices temporels. En effet, on
observe que l’intention des individus de prendre le bus, est nettement supérieure en
moyenne à leur intention de prendre la voiture. Le point d’équilibre de la désirabilité de
l’usage des deux modes selon le temps se situe au point où le bus est déjà nettement moins
rapide que la voiture. Loin de penser que ce résultat reflète une quelconque réalité
écologique, et à moins d’un biais d’échantillonnage colossal, il nous semble évident qu’il
s’agit ici d’un simple biais de désirabilité sociale. Le fait de s’opposer à l’usage de la
voiture est de plus en plus fortement prescrit par la norme écologique, face à la demande
d’une simple intention de choix, les participants n’hésitent probablement pas à souligner
leur conformité à cette norme. Ce point d’équilibre très avantageux pour le bus, s’il est très
probablement un artefact, ne nuit pas à nos analyses. Nous n’attendions aucune observation
particulière à ce sujet. Au contraire, notre intérêt porte sur les différents points d’équilibre
et pentes de ces courbes à travers les différentes conditions expérimentales de notre
paradigme.
3.4.2.Le paramètre social joue également un rôle majeur sur la
Dans le document
Le processus de décision dans le choix modal : importance des déterminants individuels, symboliques et cognitifs
(Page 148-151)