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La psychomotricité et le geste moteur à l’école :

II. CADRE THÉORIQUE

1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande :

1.1. La psychomotricité et le geste moteur à l’école :

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II. CADRE THÉORIQUE II. CADRE THÉORIQUE II. CADRE THÉORIQUE II. CADRE THÉORIQUE

1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande 1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande 1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande 1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande ::::

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Les premiers éléments théoriques de la psychomotricité voient le jour à la fin du XIXe siècle, avec, notamment, Seguin et Itard, « sous [la] forme de l'idée d'un entrecroisement entre sensation, mouvement et volonté » (Chapey, 2000). Montessori, tirant une partie de son inspiration des travaux des deux hommes, « postule comme eux que, par leurs qualités sensibles, les objets de notre environnement exercent sur l’individu une influence qui sous-tend la formation des idées, et que, si complexes qu’elles soient, celles-ci se ramènent toujours à l’association d’éléments simples fournis par la sensation. » (Crahay, 1999, p. 40). Ainsi sont mises en relation, d’un point de vue théorique, les perceptions, les sensations et la construction des idées, de l’intelligence. Au départ, ces constats seront appliqués à la sphère thérapeutique :

Deux éléments sont prépondérants pour expliquer la naissance de l’idée de psycho-motricité. D’abord la démonstration, par la neurologie, de l’existence de centres psycho-moteurs, points de départ du mouvement. Ensuite, l’élaboration de procédés curatifs qui, à

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l’articulation des XIXe et XXe siècles, traitent ces pathologies qui résultent d’une perturbation de l’idée. (Fauché, 1993, p. 30)

D’autres auteurs ont influencé les futures théories psychomotrices. Le terme de stade sensori-moteur, employé par Piaget (1936) pour décrire la période de développement de l’enfant entre la naissance et 18-24 mois entend que les principaux supports à l’activité psychique sont sensoriels et deviennent objets de connaissance. Wallon, un peu plus tôt (1925, cité par Germond et Studer, 1998, p. 6) explique que « le mouvement est d’abord l’unique expression et le premier instrument du psychisme ». En 1947, le professeur Ajuriaguerra et son équipe développent à l’Hôpital Henri Rousselle une nouvelle thérapeutique appelée « rééducation psychomotrice ». S’appuyant sur les écrits de Wallon, ce dernier insiste sur l’importance de l’aspect relationnel en avançant que « Pour Wallon, l’image du corps est basée sur l’assimilation de l’expérience vécue de ce corps dans sa relation avec autrui. » (Ajuriaguerra, 1962, in Julian Ajuriaguerra et la naissance de la psychomotricité, Joly et Labes, 2008, p. 194).

Nous constatons donc que le concept de psychomotricité s’est construit dans le temps. La discipline psychomotrice, qui existe en tant que telle depuis les années 1930, devient champ théorique en 1950. Prenant racine dans la sphère médicale, elle est utilisée comme traitement curatif de certains dysfonctionnements. Selon Robert-Ouvray (1993, cité par Bullinger, 1995) :

la psychomotricité, comme champ théorique et comme méthode de rééducation, peut se caractériser comme s’occupant, par des techniques basées sur une approche corporelle, des troubles de l’espace-temps, des difficultés de structuration du schéma corporel et des dysharmonies tonico-affectives (p. 66).

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Jusqu’à la fin des années 1960, la psychomotricité est encore considérée comme dévolue aux enfants « déficients » : « au moment où l’institution scolaire découvre la pratique psycho-motrice, elle ne peut encore la reconnaître comme moyen d’éducation applicable à tous » (Fauché, 1993, p.

111). Vayer pourtant dira (1963, cité par Fauché, 1993, p. 199) :

« L’éducation psycho-motrice est la première forme de gymnastique éducative [...]. Elle s’adresse aux enfants normaux de 4 à 7-8 ans [...]. »

C’est dans cette optique qu’en France, dans l’enseignement primaire des années 1940 à la fin des années 1960, la psychomotricité se diffusera petit à petit dans les pratiques des enseignants d’éducation physique pour voir enfin son utilité s’élargir aux autres domaines d’apprentissage : « A la suite de Pick, de Vayer, de Le Boulch, l’éducation psycho-motrice s’est alors imposée à nous, non plus comme un ensemble de procédés et de techniques, mais comme un « mode de pensée » applicable à tous les domaines de l’éducation » (Lapierre, 1969, cité par Fauché, 1993, p. 199). L’idée de base de la théorie psychomotricienne s’affirme : le travail réfléchi sur le corps va permettre d’éduquer la pensée. Selon cette conviction, la psychomotricité rejette donc le dualisme corps-esprit et l’être humain est, en conséquent, perçu comme un tout dans ses trois aspects : affectif, moteur et cognitif.

L’association des termes « psychisme » et « motricité » montre le lien étroit existant entre vie psychique et vie motrice.

Aujourd’hui, la psychomotricité recouvre les domaines médical et éducatif.

Le(La) psychomotricien(ne) s’intéresse aux « fonctions intellectuelles, affectives et motrices du sujet qu’[il ou elle] tente de faire évoluer vers un mieux-être, une autonomie plus large et une meilleure adaptation à son environnement.

[Il ou elle] privilégie une approche globale de la personne. » (Le Bohec, 2007) Le schéma corporel, le tonus, la latéralité, le corps donc, situé dans l’espace et dans le temps, constitue leur « outil de travail ». Nous définirons

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ici, de manière assez succincte, les principaux concepts psychomoteurs que sont le tonus, le schéma corporel, l’espace et le temps. Ils sont effectivement tous en lien avec l’activité motrice et psychique de l’enfant. L’approche psychomotricienne à visée thérapeutique décrit le développement psychomoteur et ne prend pas en compte l’intervention éducative.

Tonus TonusTonus Tonus

Voyons tout d’abord la définition du tonus, proposée par De Lièvre et Staes (1992) :

Le tonus est l’état de tension légère permanente et involontaire des muscles striés. Il assure le maintien d’une position et varie aussi en fonction des informations reçues grâce au sens kinesthésique, il peut varier aussi en fonction du vécu émotionnel. (p. 32)

Retenons que le tonus d’un individu est influencé par les sensations extérieures et l’affect ; la relation à autrui à donc ici une influence. La fonction tonique est fondamentale en ce sens qu’elle établit un lien entre le corps et le psychisme.

Schéma corporel Schéma corporelSchéma corporel Schéma corporel

Les mêmes auteurs définissent ainsi le schéma corporel :

Le schéma corporel est la connaissance que l’on a de son corps et, par extension, de soi-même […]. Le schéma corporel comporte également la connaissance de la situation des différentes parties du corps et la manière dont ces éléments corporels s’articulent entre eux. (De Lièvre et Staes, 1992, p. 14)

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Ainsi, l’appropriation de son schéma corporel implique de développer la perception et la connaissance de son corps, dans sa globalité autant que dans ses partitions.

Les deux concepts de tonus et de schéma corporel sont donc rattachés à la dimension corporelle. Comment celle-ci s’articule-t-elle avec les dimensions spatiale et temporelle ?

Espace EspaceEspace Espace

De Lièvre et Staes (1992) décrivent ainsi la structuration spatiale :

- la capacité du sujet de se situer, de s’orienter, de se déplacer dans son environnement ;

- la capacité de situer, d’orienter, d’organiser, de déplacer ou de concevoir les choses du monde proche ou lointain ;

- la possibilité du sujet de construire un monde réel ou imaginaire.

(p. 61)

La notion d’espace est complexe et s’acquiert dans le temps. Les diverses expériences corporelles de situations spatiales permettront au jeune sujet de développer petit à petit sa connaissance de l’espace environnant.

Temps TempsTemps Temps

Dans une perspective développementale, de Lièvre et Staes (1992) proposent cette définition de la structuration temporelle :

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- la capacité de percevoir et d’ajuster son action aux différentes composantes du temps telles que l’ordre et la succession, la durée, l’intervalle, la vitesse, la périodicité, l’irréversibilité, le rythme … ;

- la capacité de se situer et de s’orienter dans le temps pris comme une succession linéaire irréversible ;

- la capacité de s’organiser dans le temps en combinant ses divers éléments afin d’atteindre un objectif temporel. (p. 79)

La notion de temps est abstraite. Son acquisition est le résultat d’une lente construction qui va du temps vécu au temps imaginé : les différents repères attachés au concept seront vécus dans l’action pour être ensuite transposés au monde réel.

Ainsi, le corps, l’espace et le temps se construisent dans un mouvement qui va du vécu propre à une représentation du concept ; celle-ci pourra s’installer progressivement par la confrontation au réel, médiée par l’environnement social de l’enfant.

Les trois dimensions, corporelle, spatiale et temporelle s’articulent : les repères spatio-temporels seront expérimentés corporellement car tout mouvement s’inscrit dans un espace et un temps donnés.

Soulignons que, dans cette approche, le lien entre activité motrice et psychisme est affirmé mais que nous n’avons pas trouvé d’explicitation qui décrive comment la capacité psychique se développe en relation avec la capacité motrice. Cependant, si on considère les apports de la psychomotricité, on prend alors en compte, dans son enseignement, la dimension corporelle.

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Qu’en est-il de l’influence des concepts psychomoteurs dans l’apprentissage de l’objet « écriture » ?

Pour répondre à cette question, il nous faut encore définir les concepts ayant trait au geste moteur : la motricité globale et la motricité fine.

Tout d’abord, signalons que l’écriture est une praxie : « système de mouvements coordonnés en fonction d’un but » (Bullinger, Jacquier, Pugin &

Zesiger, 2002, p. 103). Les « mouvements » en jeu dans le geste d’écriture sollicitent à la fois la motricité globale et la motricité fine.

Motricité globale Motricité globaleMotricité globale Motricité globale

Le lexique du psychomotricien (2001) donne cette définition de la motricité globale :

La motricité globale comprend l’ensemble des gestes moteurs qui assurent l’aisance globale du corps sans rechercher le raffinement d’un geste précis. […] C’est une façon de faire intégrer les notions de schéma corporel, d’espace, de rythme et de temps, essentielles à tous les apprentissages. (p. 107)

Le geste scripteur (cf. annexe A) implique ce type de motricité. En effet, « la mise en forme du corps intervient de manière à ce que la posture s’équilibre sur des points d’appui (les pieds, les fesses, les avant-bras) qui servent de supports au membre réalisant le geste d’écriture » (Bullinger, Jacquier, Pugin

& Zesiger, 2002, p. 2). Les enfants, en expérimentant plusieurs postures pourront ajuster petit à petit leurs points d’appui pour arriver finalement à une position équilibrée pour écrire.

N’oublions pas qu’écrire suppose aussi de stabiliser sa latéralisation ; généralement, l’enfant choisira une main pour tenir l’outil scripteur (cf.

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annexe A). Certains auteurs relient la latéralité au schéma corporel : grâce à son corps, l’enfant va progressivement distinguer la gauche de la droite dans son environnement spatial, y compris dans l’espace du support d’écriture (cf.

annexe A).

Motricité fine Motricité fineMotricité fine Motricité fine

Mais le geste scripteur ne se limite pas à une motricité globale, il touche aussi à la motricité fine (Bullinger, Jacquier, Pugin & Zesiger, 2002) :

Dans l’activité d’écriture, ce sont essentiellement la main et les doigts (articulations du poignet et de la main) qui sont mobilisés pour la formation des lettres, alors que le bras et l’avant-bras (articulations du coude et de l’épaule) sont surtout impliqués dans le positionnement de la main dans l’espace graphique. Le fonctionnement coordonné de ces différentes articulations permet la maîtrise du geste graphique. (p. 2)

Ici, le tonus a une implication importante. Effectivement, le fait d’écrire crée, chez le jeune enfant, un fort engagement moteur et une tension musculaire importante. Ainsi, celui-ci devra, principalement à l’aide de sa perception tactilo-kinesthésique, adapter sa fonction tonique afin d’ajuster la prise de l’outil scripteur et la pression exercée sur le support d’écriture.

En outre, la structuration spatio-temporelle joue un rôle important pendant l’acte d’écriture (Bullinger, Jacquier, Pugin & Zesiger, 2002) :

Ce domaine est important :

- dans la gestion de l’espace graphique pour évaluer et anticiper les distances

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- dans la compréhension de la relation entre les traits (verticaux, horizontaux, obliques, droits, courbes, etc.) qui forment les lettres et les liaisons en fonction de certaines règles de composition (dessus, au-dessous, à gauche, à droite, etc.)

- dans l’estimation de la chronologie des mouvements à effectuer (déroulement temporel de l’action, ordre et sens de production des traits, etc.). (p. 3)

Bien évidemment, motricité globale et motricité fine doivent être mobilisées de concert pendant l’acte graphomoteur.

Nous avons ici explicité le lien entre l’apprentissage de l’écriture et les concepts de schéma corporel, de tonus, d’espace et de temps. Occupons-nous à présent de son rapport à l’enseignement du français.