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L’écriture dans l’apprentissage du français : court

II. CADRE THÉORIQUE

1. L’écriture au cycle élémentaire en Suisse romande :

1.2. L’écriture dans l’apprentissage du français : court

1.2. L’écri 1.2. L’écri

1.2. L’écriture dans l’enseignement du françaisture dans l’enseignement du françaisture dans l’enseignement du françaisture dans l’enseignement du français : court: court: court: court historique et enjeux

historique et enjeux historique et enjeux historique et enjeux

Nous présenterons dans ce chapitre une approche générale de l’enseignement du français en lien avec l’écriture dans les premiers degrés de l’école et les apports de la recherche suisse romande (Maison des Petits) sur l’entrée dans l’écrit.

C’est au XIXe siècle que s’élabore le premier modèle d’enseignement du français, connu sous le nom de « pédagogie traditionnelle ». Son poids est d’importance puisqu’à bien des égards, les conceptions et pratiques qu’il sous-tend seront maintenues tout au long du XXe siècle.

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Simard (1997, p. 22) décrit cinq traits essentiels caractéristiques de ce courant : une « insistance sur la fonction référentielle du langage », une

« démarche magistrale et transmissive », un « programme centré sur les éléments de la langue », une « attitude normative » et une « hégémonie de l’écrit et du littéraire ». Ainsi, la langue est tout d’abord un outil pour penser, qui traduit la réalité du monde environnant : les dimensions affectives et interpersonnelles sont secondaires. Les connaissances sont enseignées par le maître et les manuels sur un mode transmissif : l’apprentissage du français passe par la mémorisation des règles de la langue et leur application au sein d’exercices répétés. L’analyse de la langue va des plus petites unités linguistiques aux plus grandes, de la lettre au texte en passant par la syllabe, le mot et la phrase. L’école ne tolère que la langue correcte et l’oral n’est pas étudié : son acquisition suivra automatiquement une bonne connaissance de l’écrit. Les textes étudiés sont conformes aux valeurs et aux normes sociales :

« le français des grands écrivains est proposé comme modèle à imiter » (p.

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Centrons à présent plus précisément notre attention sur l’enseignement de l’écriture.

Au départ, « savoir écrire […] est-ce d’abord savoir « former ses lettres » » (Minel, 1990, p. 149). Les méthodes de lecture sont « synthétiques à caractère alphabétique ». La pédagogie de l’ « écriture-scripturation » passe de l’étude des graphismes de base débouchant sur la formation des lettres à un apprentissage gestuel et moteur considéré comme préparatoire à l’écriture. Ainsi, écrire est tout d’abord un acte d’imitation de modèles ; « on conçoit alors aisément que l’apprentissage de l’écriture se réduise à des exercices de copie » (p. 150).

Au XIXe siècle, l’ « expression écrite » n’est pas enseignée. Sont proposés des exercices de grammaire (syntaxe), de conjugaison (étude des verbes) et

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d’orthographe (dictées). Les exercices de « rédaction » se limitent à des copies de leçons et de corrections et à l’écriture de textes retenus de mémoire : actes, proverbes, récits moraux, textes littéraires, etc. Signalons que, dès les années 1920, la « composition française » obtient des résultats décevants ; les textes rédigés par les élèves montrent un « français écrit normatif » ne laissant aucune place à l’inventivité (Minel, 1990, p. 156).

Que pouvons-nous en conclure ? Sans doute que « l’école du XIXe siècle et très largement celle qui en naîtra se préoccupe plus d’écriture de la langue française écrite que d’expression écrite personnelle en langue française » (Minel, 1990, p. 154). La pédagogie de l’écriture, comme l’enseignement du français, se base sur des « supports culturels livresques » ; pour cela, l’enseignement s’axe sur la recherche des fautes et leur correction et l’apprentissage se fait par imprégnation de modèles culturellement reconnus.

Au sein de ce contexte, Célestin Freinet (1896 – 1966), avec sa « méthode naturelle », fait figure de précurseur. Cette doctrine pédagogique considère les intérêts de l’enfant comme primordiaux dans tout le domaine éducatif.

Elle postule que si l’enfant « vit dans un environnement libérateur, ses aptitudes s’épanouiront naturellement » (Simard, 1997, p. 28). Ainsi, Freinet considère avant tout le langage dans sa dimension expressive. Concernant l’apprentissage de l’écriture, il pense qu’il est nécessaire que l’enfant écrive

« pour de vrai » (p. 30), afin qu’il puisse construire un sens authentique autour de l’acte d’écrire : il doit y avoir intentionnalité et destinataire(s). Les textes rédigés par les élèves sont donc publiés dans le journal de classe ou envoyés à leurs correspondants dans une autre école.

Cependant et jusqu’en 1970, l’enseignement traditionnel du français va perdurer.

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La rénovation va s’amorcer avec un renouveau grammatical : l’ancienne grammaire manque de logique et néglige l’oral. Ainsi va naître la

« grammaire structurale ». Si la grammaire traditionnelle partait de l’analyse de la phrase au mot à mot, « le renouveau grammatical propose une démarche inverse allant du tout à la partie » (Simard, 1997, p. 31). En quoi cela intéresse-t-il l’enseignement de l’écriture au sens large ? Jusqu’à la fin des années 1950, postulant que « dès que l’enfant [est] capable de reconnaître les mots écrits, il [peut] accéder directement au sens du texte » (Simard, 1997, p. 23), les méthodes de lecture basées sur le décodage lettres-sons prévalent, que ce soit en Europe ou au Québec. Si, à cette époque, l’intérêt se portait d’abord sur les unités linguistiques de base (lettres, syllabes puis mots) –l’enseignement de la langue partant donc de l’étude du code, accompagné de la découverte du tracé des lettres– le renouvellement des théories littéraires et de la narratologie va amener les chercheurs à s’intéresser en primauté au texte et à son contexte de production. Dans les années 1980, la pédagogie de la communication va officiellement supplanter l’ancien modèle d’enseignement du français : « l’objet premier de l’enseignement de la langue concerne [...] les différentes fonctions langagières » (Simard, 1997, p. 35). Par « fonctions langagières », il faut entendre ici les diverses intentions du discours : informer, s’exprimer, inciter, mémoriser, apprendre, etc. L’objectif d’apprentissage sera l’adaptation de son langage aux différentes situations de communication possibles en société. Dans cette optique, le langage oral est reconnu et l’exclusivité d’un registre soutenu est abandonnée. En écriture, les élèves devront savoir écrire de multiples types de textes en s’insérant dans un contexte réel de communication. L’intérêt se porte ici sur « les processus en amont » (Simard, 1997, p. 39) de la production écrite. Tel l’ « enseignement stratégique » né en 1990 en Amérique du Nord, on « propose d’initier explicitement les élèves

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aux stratégies de lecture et d’écriture, une stratégie se définissant comme une action à mener dans l’exécution d’une tâche langagière ». Dans ce cadre s’alterneront deux grands types d’activités : « les activités globales de communication et les activités spécifiques » (Simard, 1997, p. 36). Les premières engagent l’élève dans une tâche de « compréhension ou [de]

production de discours », les deuxièmes visent « [l’acquisition] des connaissances explicites sur la langue » (Simard, 1997) :

Les activités spécifiques ont en effet un caractère métalinguistique et visent à la prise de conscience de notions précises sur l’orthographe, la grammaire, le lexique, l’organisation du discours, les paramètres situationnels, etc. (p. 36).

Ces « activités de structuration » (terme employé en Europe) doivent pouvoir être réinvesties par les élèves en situation de production langagière (Simard, 1997, p. 37). La sensibilité du sujet qui écrit est prise en compte, mais doit se conformer sous certains aspects à une réalité linguistique existante, normative et formelle.

Ainsi, en résumé, l’approche traditionnelle de l’enseignement de l’écriture impliquait des activités de copie de mots et de textes courts et l’apprentissage d’un geste graphique soigné. Avec la rénovation, les démarches pédagogiques ont été influencées par Piaget. L’intérêt s’est alors porté sur la construction de la connaissance des signes graphiques et des notions de lettre, de mot. On s’intéresse aux conceptions des enfants et à leur représentation de l’écrit. Sont alors favorisés la compréhension des situations d’écriture et de lecture et le développement de la connaissance des fonctions de l’écrit : on note pour se souvenir, on écrit pour demander une information

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ou souhaiter un bon anniversaire, etc. La connaissance des textes, des supports de l’écrit et en particulier des albums de la littérature enfantine fait l’objet d’une médiation scolaire prescrite.

Nous nous arrêterons ici sur les recherches de la Maison des Petits, une école publique du canton de Genève rattachée par un contrat bipartite avec l’Université qui a étudié l’apprentissage de l’écrit pendant une vingtaine d’années. Les enseignantes et chercheures ont mené des études sur l’enseignement/apprentissage du lire/écrire et créé « une démarche d’entrée dans la culture de l’écrit » (Auvergne, Balslev, Mazurczak, Saada-Robert, 2003/2005). Nous nous référons ici au document d’accompagnement de la démarche ; celui-ci fait partie des travaux effectués en 2002 par le GREF (Groupe de Référence intercantonal pour l’Enseignement/apprentissage du Français) dans le cadre du PECARO (Plan d’Etude Cadre pour la Romandie).

La démarche propose quatre « situations-problèmes » de lecture/écriture pour le cycle élémentaire (enfants de 4 à 8 ans) dont les effets sur l’apprentissage ont systématiquement été analysés : la « lecture/écriture émergente (LEE) », la

« dictée à l’adulte (DA) », le « texte de référence (TR) » et la « production textuelle orthographique (PTO) » (Auvergne, Balslev, Mazurczak, Saada-Robert, 2003/2005, p. 3). Ces situations s’emboîtent et se répètent tout au long du cycle élémentaire. Elles ont toutes le texte comme élément de base (p. 4) et permettent de toucher aux diverses composantes du « savoir lecture / écriture / orthographe » : les composantes « métacognitives » (réflexion sur les fonctions et l’apprentissage de la langue orale et écrite), « textuelles discursives » qui incluent le contexte de production, le contenu thématique, la cohérence et la cohésion, le lexique et la syntaxe et « scripturales linguistiques » qui touchent la connaissance des unités « lettre » et « mot », la capacité d’identification des rimes, des syllabes et des phonèmes et la

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connaissance de l’orthographe des mots (p. 3-4). L’enseignement s’appuie sur une alternance de « situations-problèmes » et d’ « activités spécifiques » portant sur des connaissances particulières.

Tentons à présent de comprendre de quelle manière l’objet d’enseignement/apprentissage « écriture » est traité au sein des séquences proposées.

En situation de LEE, proposée en première année du cycle élémentaire, l’enfant est amené à « lire » et à « écrire » à sa manière, sur la base d’un livre afin de « s’investir du rôle de lecteur et de scripteur ». Il doit progressivement

« comprendre la fonction communicative de l’écrit », de « différencier l’oral et l’écrit » et « le texte de l’image » et de « réaliser la nécessité de connaître les lettres pour écrire/lire » (p. 3). Ce sont les fonctions générales de dire, lire et écrire qui sont à construire. Cette compréhension des fonctions favorise la prise de conscience des unités linguistiques propres à l’écrit : de distinguer l’image du texte, c’est-à-dire les signes sémiopicturaux des signes sémiographiques. La connaissance du récit permet également la construction d’une attention en lien avec les lettres et les mots. Par le décodage du récit ou par l’encodage d’un commentaire, une différenciation des signes sémiographiques se construit.

En situation de DA, proposée de la première à la troisième année du cycle élémentaire, l’enfant énonce, en un « oral écrivable » un texte qu’il dicte à l’enseignante qui l’écrira de façon ostensible sous le regard de l’élève. Celui-ci travaille ainsi le rapport entre l’oral et l’écrit, l’énonCelui-ciation écrite et la segmentation d’un énoncé en mots (p. 7).

En situation de TER, proposée en deuxième et troisième année du cycle élémentaire, « l’enfant prend lui-même en charge l’écriture normée des mots, qu’il cherche dans un texte (versant lecture de la situation) en utilisant diverses stratégies, et qu’il copie ensuite pour produire son propre écrit

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(versant écriture) » (p. 3) ; le plus souvent un commentaire ou un épisode d’un récit illustré par un dessin.

En situation de PTO, proposée en dernière année du cycle élémentaire, l’enfant est amené à produire un texte en tenant compte à la fois de la textualité (mise en texte en fonction d’un genre textuel et d’un destinataire) et de la scripturalité (travail du code et de la syntaxe) (p. 3).

Dans chacune des situations, on retrouve à la fois les « composantes textuelles discursives » et « scripturales linguistiques ». Les guidages de l’enseignant et les discussions collectives devront permettre l’appropriation des composantes métacognitives : « à quoi servent la lecture l’écriture et l’orthographe ? quelles pratiques en sont connues ? comment s’apprennent-elles ? » (p. 3).

L’objet « écriture » est donc traité en tant que signes graphiques et en tant qu’unité significative utilisée dans une situation de communication explicite.

Nous ne trouvons dans ces travaux aucun traitement de l’écriture en tant qu’acte graphomoteur. Ce sont clairement les conceptions et représentations des élèves construites en situations d’apprentissage qui sont visées.

Cette dernière constatation et l’ensemble de l’évolution de l’enseignement du français nous permettent de saisir l’existence d’une tension entre l’écriture considérée comme une trace à produire (aspect formel), l’écriture en tant que code (aspect linguistique) et l’écriture porteuse de sens (aspect communicationnel). La pédagogie traditionnelle privilégie les aspects formel et linguistique alors que la pédagogie post-rénovation prend en compte l’aspect communicationnel, la part constructiviste des connaissances, les conceptions des élèves en lien avec le code et tait l’aspect moteur impliqué par l’acte d’écriture, probablement considéré comme secondaire et inclut dans une approche fonctionnelle des situations de lecture et d’écriture.

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Cependant, pour encoder le commentaire sous un dessin de façon correcte et lisible, l’élève doit aussi apprendre à tracer les lettres sur une ligne.