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V. CONCLUSION DE L’A V. CONCLUSION DE L’A

V. CONCLUSION DE L’ANALYSE DES DONNÉES NALYSE DES DONNÉES NALYSE DES DONNÉES NALYSE DES DONNÉES

Ce chapitre s’attachera à reprendre, de manière globale et en rapport aux considérations pédagogiques de nos questions de recherche, les éléments d’interprétation relevés au sein de l’analyse de chacune des transcriptions.

Nous élargirons ensuite le débat pour répondre aux éléments plus théoriques soulevés dans la problématisation de l’objet « écriture » et dans nos questions de recherche portant sur sa nature pluridimensionnelle (cf. II.2 & II.3).

Nous nous interrogions, dans nos questions de recherche, sur la finalité des séances filmées :

• Quel est l’objet d’apprentissage visé ? L’apprentissage moteur pour un développement global de l’enfant ? L’apprentissage de l’écriture ?

• Quelles facettes de l’apprentissage de l’écriture sont-elles visées ? La trace seulement ou les différentes réalités complexes de l’écrit ?

La finalité poursuivie au sein des deux séances apparaît assez clairement dans les différentes analyses : savoir écrire en lié. Nous avons constaté, dans l’analyse chronologique, qu’entraînement moteur et exercice graphomoteur étaient pensés en concordance et selon les progressions suivantes : entraînement perceptivo-moteur > entraînement moteur >

exercice graphomoteur : mouvement global et geste fin sont travaillés en alternance et s’alimentent réciproquement. Cela se confirme dans l’analyse plus fine de la séance en classe, lorsque l’enseignante fait référence au travail moteur effectué en salle de jeux. Ainsi, la transition entre salle de jeux et salle de classe est construite autour d’un même contenu graphique,

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travaillé de plus en plus finement tout au long des séances. L’apprentissage moteur n’a donc pas pour finalité un développement uniquement global de l’enfant, mais facilite plutôt le futur travail d’écriture en préparant en douceur les élèves à la motricité fine sollicitée par le geste scripteur. Cet élément ressort bien dans l’analyse de l’entretien post : le travail du schéma corporel, de la souplesse, de la décontraction doit permettre d’ « arriver à l’écriture liée » (cf. annexe D.4, l. 4). L’enseignante procède donc selon une conception psychomotrice de l’apprentissage de l’écriture. Dans ce contexte, l’album sert de moteur motivationnel car il véhicule, auprès des élèves, l’existence sociale de la culture écrite ; c’est un support thématique de la tâche technique. Cependant, l’introduction de cet écrit social semble détourner les enfants de l’objectif fixé par la maîtresse (entraînement du mouvement et exercice du geste scripteur) : l’enseignante, en phase B, montre le graphisme des ponts qui traduit le verbe-action « sauter » or les enfants énoncent toute la phrase : « Timothée saute de pierre en pierre ». La maîtresse précise alors qu’elle ne veut « pas entendre parler du personnage [mais] simplement savoir c’qu’on fait quand on fait ça on↑ » (cf. annexe D.2, l. 116 – 117). Malgré tout un élève, peu après, tient à être certain que le nom du personnage évoqué par la maîtresse est bien celui qui fait l’action dans l’histoire et celui qu’elle a écrit sur l’affiche des phrases-parcours. Les élèves sont ici clairement dans les registres de la narration et de la signification de l’écrit et non pas dans celui de la préparation à l’entraînement moteur. Pourquoi ? C’est par l’intermédiaire de l’album que la maîtresse bâtit un pont entre activité motrice et signification du message à écrire : les actions des personnages sont traduites par les graphismes qui s’élèvent alors en symboles. Elle utilise ainsi un système complexe de signes qui mêle illustrations, dessins, mots et graphismes-symboles. Si cette démarche semble traduire chez l’enseignante une prise en compte des

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réalités linguistiques de l’écrit, elle peut créer des confusions chez l’élève entre trois activités graphiques différentes : le dessin, l’exercice graphique et l’écriture (Amigues & Zerbato-Poudou, 2000/2009) :

Le cas le plus extrême de cet usage du dessin comme substitut d’écriture s’observe lorsqu’on on passe du dessin au pictogramme, où des dessins schématisés, substituts du langage et faisant l’objet d’un consensus au sein d’un groupe, vont signifier ou plutôt coder des objets, des personnes, des actions (idéogrammes) [...] Cette pratique, fortement recommandée dans les textes officiels de 1977 comme moyen de transition entre le langage oral et l’écriture, offre un véritable paradoxe où l’élève « écrit » avec des images alors que, par ailleurs, dans le même texte, on lui demande de « dessiner » des mots. (p. 167)

L’amalgame engendré peut créer un sérieux problème de compréhension de l’objet traité chez les élèves. Que représente chacun des signes ? Comment faire la différence entre dessin et écriture ? De plus, il peut engendrer une difficulté à saisir l’enjeu de l’activité proposée : travaille-t-on le geste scripteur ? Met-on en scène la narration de l’album ? Cherche-t-on à comprendre l’écrit comme objet social ?

Cependant, l’écriture reste à la fois trace à produire, système de signes et objet social d’expression et de communication. C’est cette réalité complexe de l’objet que les enfants devront construire.

Nous en revenons ici à la dichotomie entre « trace » et « sens » évoquée par Amigues et Zerbato-Poudou (2000/2009, p. 150). Concevoir l’écriture comme une simple activité graphique peut conduire à confondre en un seul contenu de savoir le dessin, les exercices graphiques et l’écriture or les

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auteurs nous démontrent qu’il s’agit de trois objets distincts (p. 184) : leur

« nature », leurs « règles de fonctionnement », les « fonctions sollicitées » et les

« finalités » sont différentes. En effet, si l’écriture et le dessin sont des « objets culturels », ce n’est pas le cas des exercices graphiques. Le système alphabétique, inhérent à l’écriture, ne se retrouve en outre dans aucunes des deux autres activités. Les trois objets impliquent des « fonctions motrices et perceptives », ce qui peut créer l’illusion d’un lien intrinsèque. Cependant, leur utilisation diffère : si le dessin permet l’ « expression personnelle » comme la « communication », il sert principalement au « développement de l’imaginaire, de la créativité ». L’écriture en revanche permet l’ « accès à la culture » sous toutes ses formes. Les exercices graphiques, quant à eux, ne servent qu’à l’ « entraînement visuo-moteur » ou à la « décoration » (p. 184).

Comment, dans un enseignement de l’écriture, enseigner à la fois la production d’une trace correcte et la conceptualisation de l’objet ? Nous nous trouvons ici face à la problématique soulevée par nos questions de recherche portant sur la nature de l’objet « écriture ». Rappelons-les :

• Comment comprendre les activités d’écriture dans la tension entre des activités centrées sur l’acquisition du geste qui produit la trace et d’autres visant la production d’un écrit signifiant ? Comment traiter cette tension entre deux éléments indissociables de l’enseignement/

apprentissage de l’écrit ?

• Quel est le lien entre les activités centrées sur la trace, l’appropriation motrice de cette trace et les activités visant la compréhension de l’écrit comme objet social (dans la perspective de l’entrée dans l’écrit qui nécessite la compréhension des concepts de lettre, de mot et dans la perspective de l’activité langagière) ?

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Amigues et Zerbato-Poudou (2000/2009) apportent un élément de solution.

Ils proposent de construire un contexte d’apprentissage dans lequel la trace écrite serait produite et analysée à travers les concepts de la langue et non en rapport à un modèle, ce qui la réduit à une simple représentation graphique.

Ils établissent ainsi des critères de réussite reprenant les « éléments fondamentaux de l’écrit », c’est-à-dire les éléments permettant sa conceptualisation :

Chaque [mot écrit], réussi ou non, est étudié selon quatre critères essentiels : la complétude du mot (toutes les lettres sont présentes), l’ordre des lettres (les lettres sont à la bonne place), l’identité des lettres (conformité du tracé : on les reconnaît, elles sont écrites correctement), l’alignement (les lettres ne sont pas dispersées sur la feuille mais alignées). (p. 194)

Ils précisent que d’autres critères pourront être ajoutés, en fonction du niveau de conceptualisation des élèves.

Dans cette optique, « [l’enseignant] pourra sans doute avoir recours au graphisme mais a posteriori, pour parfaire le tracé de certaines lettres ou automatiser un geste » (p. 187).

A nos yeux, cette piste de solution est intéressante et éclairante mais ne résout pourtant pas complètement le problème de l’entraînement graphomoteur. En effet, du point de vue de la pratique, nous savons que le geste scripteur nécessite un apprentissage or celui-ci est en partie soumis au développement moteur de l’enfant. Nous pensons que si la conceptualisation de l’écrit aide à la production correcte d’un mot, il est cependant nécessaire d’entraîner l’acte graphomoteur or « c’est dans la suite des travaux de Ferreiro et de Vygotsky, qui considèrent les aspects perceptivo-moteurs de l’écriture comme tout à fait

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accessoires, que s’inscrit la thèse de Zerbato-Poudou » (Le Roux, 2005, p.

70).

De plus, nous constatons que la visée communicationnelle de l’écriture, partant du texte comme élément de base, n’est pas traitée par les auteurs. La production textuelle resterait donc, dans les premiers degrés du cycle élémentaire, une activité séparée, ce qui, à nos yeux, ne constitue pas une solution satisfaisante : pour saisir le rôle de l’écrit comme objet social, il est indispensable qu’il soit utilisé dans des situations de communication. Les recherches de la Maison des Petits (cf. II.1.2) concrétisées par les séquences didactiques proposées en fonction de l’âge des élèves nous semblent apporter un complément à l’approche décrite par Amigues et Zerbato-Poudou (2000/2009). L’élément « texte » est alors pris en compte, l’écriture est moyen d’expression et de communication.

Ainsi, nous pensons avoir répondu en partie à nos questions de recherche en montrant, par les travaux d’Amigues et de Zerbato-Poudou (2000/2009) qu’il était possible d’introduire la conceptualisation de l’écrit tout en produisant une trace conforme. Cependant, la problématique de l’exercisation du geste scripteur demeure : comment l’introduire auprès des élèves ? Faut-il ou non expliciter la fonction d’entraînement à l’écriture ? De plus, quelle fonction sociale de communication peut revêtir la production d’un mot isolé ?

Les conclusions des analyses menées ne permettent donc pas de conclure à une possible articulation, au sein d’une même séance d’enseignement/apprentissage de l’écriture, des différentes réalités complexes de l’écriture que sont la trace, le système de signes et l’activité communicative. Nous pensons que les obstacles moteurs induits par la tâche d’écriture expliquent en partie ce constat. En effet, ils mobilisent souvent toute

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l’attention du jeune élève sur la tâche technique. Cela amène, nous l’avons vu, à une décomposition de l’objet pour le rendre accessible ; ce sera alors le rôle de l’enseignant de recomposer ce qui a été enseigné et appris séparément afin que les enfants soient en mesure de construire des représentations correctes autour de l’objet social qu’est l’écrit.

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