Une mesure de proximité bilatérale entre les produits La proximité ou parenté 12 entre les produits recouvre de nombreuses dimensions

tant elle nécessite de ressources, de connaissances, de compétences, de technologies et d’institutions complémentaires les unes par rapport aux autres. Chercher à quantifier ces dimensions en leur assignant individuellement une pondération ou chercher à développer un indicateur composite de proximité entre les produits n’est pas chose aisée.

Comme mentionné au sein du Chapitre 1 (sous-sous-section 1.2.2.2), Hidalgo et al.

(2007), précurseurs de ces nouvelles méthodologies, abordent la question de la parenté entre les produits au travers d’un processus séquentiel. En raison du principe même de parenté entre deux produits, Hidalgo et al. (2007) supposent que les pays ayant initialement un avantage comparatif dans l’un des deux produits peuvent conjointement développer un avantage comparatif pour l’autre produit. Dès lors, ils mesurent la parenté entre deux produits grâce à la probabilité conditionnelle qu’un pays ait un ACR dans l’un de ces deux produits sachant qu’il détient au préalable un ACR dans l’exportation de l’autre produit. En d’autres termes, la parenté entre deux produits repose sur la co-occurrence de leurs existences dans le panier des exportations d’un pays. Sur la base de cette co-occurrence, ce sont les interactions entre les processus de production et les réseaux institutionnels et/ou sociaux qui renforcent le processus d’exportation d’un pays. Le terme de parenté dépasse, de fait, le strict cadre de la similarité des produits en termes de sophistication

12. Par la suite, nous utiliserons de manière interchangeable les termes « proximité » et « parenté » entre les produits.

puisqu’il englobe à la fois les aspects matériels et immatériels des processus de production et d’exportation propres à chaque pays.

En cherchant à promouvoir transformation structurelle et développement économique initialement dans le cadre des pays ayant des structures productives peu ou pas diversifiées, rappelons que la mesure de parenté entre les produits proposée par Hidalgo et al.(2007) a fait l’objet de plusieurs applications dans la littérature économique récente13_{. Par ailleurs,}

la logique de co-occurrence ne se réfère pas uniquement à des analyses pays/produits ; en effet, d’autres études se sont articulées à l’échelle des entreprises (Teece et al., 1994) ainsi qu’à l’échelle des industries (Bryce et Winter, 2009;Neffke et al.,2011). Par exemple,

Neffke et al. (2011) étudient les changements structurels relatifs aux portefeuilles des produits exportés par les régions suédoises en estimant la co-occurrence technologique des produits appartenant aux industries manufacturières. Les industries technologiquement les plus reliées à celles existantes dans une région ont une plus forte probabilité d’intégrer cette région, au détriment des industries qui sont technologiquement les moins reliées. Lesquelles ont, au contraire, une plus forte probabilité de quitter une région.

Afin de définir une mesure de proximité bilatérale entre chaque paire de produits exportés, nous nous référons aux travaux d’Hidalgo et al. (2007). Dans un premier temps, nous supposons qu’un pays i possède un ACR dans le produit k (lequel est noté ACRi

k) si

la part du produit k dans le panier des exportations du pays i est supérieure à la part de ce même produit dans le panier mondial des exportations. Lorsqu’un pays détient un ACR dans l’exportation d’un produit, cela signifie qu’il en est un exportateur significatif. En prolongeant la définition de Balassa (1965)14_{, nous exprimons l’indicateur ACR}i

k ci-dessous : ACR_ki = Y _ _ _ ] _ _ _ [ 1 if Q a xi k/ q k xi k q i xi k/ q i q k xi k R b> Rú 0 sinon (3.1) où xi

k représente la valeur du produit k exporté par le pays i et, généralement, Rú = 1.

13. En effet, comme indiqué au sein du tableau1.2 du Chapitre1, ces mesures de parenté entre les produits ont été appliquées au Chili (Hausmann et al.,2007a), à l’Afrique du Sud (Hausmann et Klinger,

2008a), à la Colombie (Hausmann et Klinger,2008b), à l’Équateur (Hausmann et Klinger,2010a), aux Caraïbes (Hausmann et Klinger,2010b), à l’Algérie (Hausmann et al.,2010c), au Kirghizistan (Usui et Abdon,2010), à l’Afrique de l’Est et du Sud (Hidalgo,2011), à l’Afrique Sub-Saharienne (Abdon et Felipe,

2011), aux Philippines (Bayudan-Dacuycuy,2012), à la Chine (Poncet et Starosta de Waldemar,2013a;b) et à la Turquie (Lo Turco et Maggioni, 2014).

Dans un second temps, nous définissons la probabilité conditionnelle, notée P (k | n), pour qu’un pays ait un ACR dans l’exportation du produit k sachant qu’il détient au préalable un ACR dans l’exportation du produit n grâce au ratio du nombre de pays ayant un ACR dans l’exportation des deux produits sur le nombre de pays ayant un ACR uniquement dans l’exportation du produit n. En prolongeant les travaux d’Hidalgo et al.

(2007), nous définissons la mesure de proximité bilatérale entre deux produits k et n, laquelle est notée „kn, comme suit :

„kn= min{P (k | n), P (n | k)} (3.2)

SelonHidalgo et al. (2007), en se focalisant sur le minimum de la probabilité condition- nelle, deux avantages se profilent : d’une part, la matrice de proximité entre les produits apparaît symétrique et, d’autre part, les valeurs de la probabilité conditionnelle égales à 1 (lorsqu’un pays est le seul exportateur d’un produit) sont écartées.

En prenant appui sur la méthodologie proposée parHidalgo et al. (2007), nous esti- mons une mesure de parenté entre chaque paire de produits exportés en calculant „kn

par l’intermédiaire des données BACI15_{. Largement détaillées au sein du Chapitre 2,}

rappelons que ces données harmonisées de commerce international renseignent sur les flux bilatéraux (pays importateurs/exportateurs) de produits (nomenclature HS à 6 chiffres, révision 1992) en termes de valeurs (en milliers de dollars) et de quantités échangées (en tonnes). Sur la base de ces données et comme mentionné au sein de la sous-section 3.1.1, nous restreignons notre mesure de parenté aux seuls produits manufacturiers au niveau HS416 _{(soient 1 241 produits) pour un ensemble de 214 pays en 2002. En l’espèce, nous}

faisons les deux choix suivants : (i) en ce qui concerne les produits agrégés au niveau HS4, nous englobons sous le terme générique de « produits manufacturiers » aussi bien les produits issus d’une activité manufacturière, ceux issus d’une activité agricole et ceux issus d’une activité minière ; (ii) en ce qui concerne les pays, nous nous focalisons sur les exportateurs individuels uniquement, c’est pourquoi nous écartons toutes zones ter- ritoriales à caractère collectif ou tous groupements de pays tels que le Marché Commun de l’Amérique Centrale, l’Union Européenne, l’Océanie, la Zone Neutre ou la Zone Franche.

15. Précisons que les données BACI à partir desquelles est construite notre mesure de parenté entre les produits ont été téléchargées en septembre 2015. Pour plus d’informations sur les données BACI :

http://www.cepii.fr/CEPII/fr/bdd_modele/presentation.asp?id=1

16. Compte tenu de contraintes purement techniques, il est impossible d’affiner le niveau de notre analyse en passant en HS6, lequel compte 5 037 produits.

Au-coté de la présente mesure de proximité bilatérale, nous présentons dans la sous- section3.2.3ci-après une mesure de proximité entre les produits exportés par une entreprise et ceux exportés par sa localité.

3.2.3

Une mesure de proximité entre les produits exportés par