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soumis à plusieurs controverses

1.1.3 Vers une compétitivité des pays

1.1.3.1 Le "conundrum" de la compétitivité des pays

En suggérant que « la compétitivité est une notion issue de la microéconomie qui a été

ensuite transposée non sans mal au niveau des économies nationales », un rapport de 1992

de l’OCDE (p.264-265) résume l’essentiel de la difficulté pour définir unanimement (et économiquement) la compétitivité des pays. Difficulté qui persiste encore aujourd’hui. En revenant sur les fondements de la compétitivité des pays, nous nous sommes précédemment heurtés aux deux réticences majeures en la matière : d’une part, une non concurrence des territoires dans la mesure où les avantages comparatifs ricardiens suggèrent une spécialisa- tion complémentaire des pays dans des productions diverses. D’autre part, une obsession dangereuse de la compétitivité des pays dans la mesure où la critique krugmanienne suggère que la productivité soit la seule source de prospérité économique de long terme d’un pays. En raison de ces deux réticences, la littérature économique peine à définir rigoureusement le concept de compétitivité des pays.

11. La vision de la compétitivité des pays comme un "conundrum", autrement dit comme un casse-tête, une énigme, est empruntée à Chaudhuri et Ray(1997).

Pour autant, certaines revues de la littérature se sont focalisées sur le concept de com- pétitivité de manière générale, parmi lesquelles figurent certaines considérations en termes de compétitivité des pays plus particulièrement. En parcourant ces diverses revues de la littérature, nous parvenons à identifier trois points de concordance relatifs à la difficulté de définir unanimement la compétitivité des pays. En vue de démêler le "conundrum" qui s’y réfère, nous les détaillons ci-après.

Premièrement, l’absence de définition consensuelle autour de la compétitivité des pays est reconnue par tous (Boltho,1996; Fagerberg, 1996; Cellini et Soci, 2002; Ketels,2015).

Chaudhuri et Ray (1997) insistent sur ce manque de définition commune en suggérant que : "competitiveness is a complex, multidimensional, and relative concept. It is linked to

a large number of interdependent variables thus making it difficult to sense and define it. Defining competitiveness is itself a research problem", (p.83). Il va de soi que cette absence

de définition consensuelle se révèle fortement liée à la critique formulée par Krugman

(1994), laquelle a en quelque sorte contribué à geler le débat autour de la compétitivité des pays. Bien que le phénomène de mondialisation contrebalance les présupposés des théories originelles relatives aux échanges mondiaux en ouvrant la voie à la compétitivité des pays, la critique énoncée par Krugman enraie un éventuel débat.

Deuxièmement, lorsqu’elle est définie, la compétitivité des pays se révèle soumise à diverses tentatives de définition, lesquelles accentuent la confusion autour de ce concept. À titre d’exemple, en reprenant les propos de Boltho (1996) : "there are no agreed definitions

of competitiveness and the term seems to mean different things to different people - some may stress a country’s low costs or the level of its exchange rate, others a country’s techno- logical leadership or even its growth rate", (p.1-2). Si l’on se réfère àLall(2001) : "while the widespread discussion of competitiveness may suggest that it has an accepted definition (and measure), this is not the case, at least in economics", (p.1502). Ou bien encore selon Siggel

(2006) : "a large number of concepts of competitiveness has been proposed in the economic

and business literature. This owes to the fact that competitiveness, unlike comparative advantage, has not been defined rigorously in the early economic literature. Thus, over time and after many attempts of definition, it has become a somewhat ambiguous concept",

(p.140). Par ailleurs, au côté de cette pléthore de définitions, la compétitivité des pays pâtit d’une absence de cadrage théorique solide. Par conséquent, la mise en retrait de ce concept se comprend non sans mal.

Troisièmement, parmi les définitions qui ont fleuries dans la littérature économique (Reinert,1995;Lall,2001;Siggel, 2006), deux détails se répètent. D’une part, la compétiti- vité des pays est systématiquement perçue comme une rivalité (Boltho,1996; Chaudhuri et Ray, 1997), une concurrence entre au moins deux parties prenantes. D’autre part, la

compétitivité des pays repose conjointement sur le bien-être de ses citoyens (en termes d’élévation du niveau de vie) et sur sa performance commerciale (D’Andrea Tyson, 1992;

Aiginger,1998;Camagni,2006;Aiginger et al.,2013). A ce propos, l’OCDE(1992) suggère que : « la compétitivité d’un pays doit se traduire simultanément par une croissance des

revenus, des niveaux d’emploi aussi élevés que ceux de ses concurrents directs et une situation acceptable en matière de balance des paiements », (p.268). Par ailleurs, selon

Fagerberg (1996) : "a consensus definition of international competitiveness might perhaps

be that it reflects the ability of a country to secure a high standard of living for its citizens, relative to the citizens of other countries, now and in the future. At the same time, it is usually assumed that the concept is related to trade", (p.48). Plus récemment, Debonneuil

et Fontagné (2003) se questionnent sur le concept de compétitivité des pays : est-ce lié à une « capacité à placer ses produits ou à améliorer le niveau de vie ? », (p.12).

La mise en exergue de ces trois points de concordance nous conduit au constat sui- vant lequel : depuis la définition proposée par la des Etats-Unis (1985), définition reprise quelques années plus tard par l’OCDE(1992) et parD’Andrea Tyson(1992) - Présidente de la Commission des Conseillers Economiques des États-Unis à l’époque - aucune définition radicalement nouvelle n’émane des revues de la littérature autour de la compétitivité des pays. Tous reprennent, étoffent ou adaptent la définition initiale mais à des degrés divers. Fortement soumise à discussions, la compétitivité des pays est un concept polysémique : le tableau 1.1 ci-après fournit un aperçu des principales définitions retenues en la matière.

Au regard de ces définitions, nous en concluons que la compétitivité des pays est un concept complexe, dynamique et relatif. Malgré qu’elle fasse l’objet de préoccupations constantes (parfois grandissantes), elle n’est encore aujourd’hui pas réellement clarifiée. La compétitivité se révèle toutefois davantage comme une mesure du résultat : c’est être soit plus, soit moins compétitif que le voisin afin de répondre promptement à une pression concurrentielle croissante dans un environnement en constante mutation. Comme toute mesure du résultat, la compétitivité des pays induit des comparaisons entre les différents challengers mondiaux : c’est ce que proposent certains indicateurs synthétiques de compétitivité globale des pays.

Dans la sous-sous-section1.1.3.2suivante, nous présentons les limites de ces indicateurs synthétiques en nous appuyant sur les exemples des deux indicateurs les plus populaires en matière de compétitivité des pays.

Table1.1 – Quelques définitions relatives à la compétitivité des pays (ordonnées chrono- logiquement)

La compétitivité des pays est définit par ... Commission Présidentielle des États-Unis

(1985)

"The degree to which a nation can, under free and fair market conditions, produce goods and services that meet the test of international markets while simultaneously maintaining or expanding the real incomes of its citizens", (p.6)

OCDE (1992)

« Sa plus ou moins grande capacité, dans des conditions de marché ouvertes et équitables, de produire des biens et services compétitifs sur les marchés internationaux tout en maintenant et en augmentant les revenus réels des ses ci- toyens. La compétitivité est à la base du niveau de vie d’un pays. Elle est, en outre, essentielle pour l’expansion des pos- sibilités d’emploi et pour la capacité du pays de faire face à ses obligations internationales », (p.268)

Laura D’Andrea Tyson (1992)

"Our ability to produce goods and services that meet the test of international markets while our citizens enjoy a standard of living that is both rising and sustainable", (p.1)

Karl Aiginger (1998)

"The ability to sell enough products and services (to fulfill an external constraint), at factor incomes in line with the (current and changing) aspiration level of the country, and at macroconditions of the economic, environmental, social system seen as satisfactory by the people", (p.164)

Michèle Debonneuil et Lionel Fontagné (2003)

« La capacité à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale », (p.8)

Welfare Wealth and Work for Europe (WWW for Europe, 2013)

"The ability of a country (region, location) to deliver the beyond-GDP goals for its citizens today and tomorrow", (p.13)

Source : Références mentionnées.

1.1.3.2 Les limites des indicateurs synthétiques de compétitivité des pays

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