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Au-delà d’une « obsession dangereuse », une nécessité d’avantages construits

soumis à plusieurs controverses

1.1.1 Vers une non concurrence des territoires 1 Les origines d’un consensus ancien

1.1.2.3 Au-delà d’une « obsession dangereuse », une nécessité d’avantages construits

Outre les Nouvelles Théories du Commerce International et de l’Économie Géogra- phique, ce sont l’émergence de nouvelles superpuissances industrielles, la reconstruction du marché mondial consécutif à l’apparition de nouveaux compétiteurs ou l’accroissement des inégalités spatiales de développement économique entre les pays qui se profilent comme autant d’arguments justifiant le recours à des stratégies individuelles de repositionnement des pays sur la scène internationale. Chaque pays doit faire face à un affaiblissement de ses atouts compétitifs et doit se réadapter en conséquence, quitte à abandonner d’anciennes positions de leader pour en créer de nouvelles. En reprenant les propos d’Aiginger (1998) :

"the discussion on the competitiveness of a nation typically arises when a country fears it will lose its leading position or fall behind", (p.160). De fait, la recherche constante

de stratégies compétitives mêlée à la compréhension des enjeux de repositionnement des pays face aux nouvelles formes de concurrence internationale justifie que la compé- titivité des pays soit désormais une « obsession nécessaire » au sein des débats économiques.

En effet, il ne suffit plus de s’ouvrir au commerce international ou de se spécialiser dans des productions complémentaires, il faut désormais construire ses avantages compétitifs afin de s’insérer de manière avantageuse dans le jeu de la mondialisation. La recherche

constante d’avantages compétitifs individuels implique que chaque pays soit en mesure de construire puis de renouveler ses propres avantages productifs pour le futur. En d’autres termes, qu’il soit apte à élaborer perpétuellement de nouveaux avantages compétitifs de long terme afin de répondre (si ce n’est prévoir ou anticiper) efficacement à une pression concurrentielle nouvelle. C’est le passage des avantages absolus et comparatifs vers ceux construits. D’une part, les avantages absolus nous enseignent que les pays sont incités à s’ouvrir vers l’extérieur et à élaborer un tissu productif singulier. D’autre part, les avantages comparatifs nous enseignent les pays sont partenaires aux échanges puisqu’ils sont spécialisés dans des productions distinctes : ceci reflète une spécialisation actuelle qui, par extension, est soumise à modification au cours du temps. Les avantages comparatifs présents d’un pays ne garantissent pas ceux futurs. Dans un monde en perpétuel change- ment, soumis au jeu de sélection des marchés internationaux et à l’intensification des flux des échanges mondiaux, les avantages productifs d’un pays ne sont en aucun cas figés à un moment donné du temps : ils évoluent, se développent et s’ajustent au fur et à mesure que les environnements concurrentiels se complexifient, certains avantages compétitifs passés disparaissent au profit d’autres nouveaux.

Empruntée initialement à certains théoriciens de l’innovation (Foray et Freeman,1993), repris par la suite en Économie Géographique (Cooke et al., 2006; Cooke, 2007; Asheim et al., 2011) et en Sciences de Gestion (Costa et al., 2008), la logique dite des avantages construits fait référence aux stratégies individuelles des territoires. Dans la continuité des travaux de Porter(1990; 1991), chaque territoire construit son système local d’innovations en vue de maintenir sa compétitivité sur le long terme. Plus précisément, le territoire s’apparente à un centre stratégique dans les processus de création et de diffusion de nouvelles dynamiques de connaissances, d’interactions et d’innovations entre les agents économiques. Par ailleurs, la recherche d’avantages construits soulève de nombreux enjeux pour les pays. Un premier enjeu est relatif à l’attractivité des pays : les pays, souhaitant tirer avantage de la mondialisation, rivaliseront les uns avec les autres afin d’attirer le plus de flux étrangers, le plus d’entreprises nouvelles à l’échelle internationale (Debonneuil et Fontagné, 2003; Camagni, 2006; Rodrik, 2008)10. Un deuxième enjeu est relatif à la

transformation structurelle des pays : les réallocations de ressources productives régissent à la fois les avantages compétitifs des pays et à la fois l’adaptation de ces derniers aux menaces compétitives extérieures (Mc Millan et Rodrik,2011; Rodrik,2013). Ce processus est induit par les incitations à innover, par les investissements massifs en faveur des activités de R&D ou par l’amélioration des technologies existantes (OCDE,1992;Aiginger,

1998; Lall, 2001; Camagni, 2006; Bloom et al., 2012). La réallocation des ressources et les

10. Camagni (2006) précise que : « les territoires sont en compétition entre eux, aussi bien dans

l’attraction d’investissements directs étrangers (ou extérieurs) que dans la définition de leur rôle productif, qui n’est ni automatique ni garanti, à l’intérieur de la division spatiale du travail », (p.97).

incitations à innover deviennent, dès lors, des moteurs de compétitivité à l’échelle des pays. Un troisième enjeu est relatif au développement et à la croissance économique des pays : les entreprises domestiques bénéficient d’une aide afin de résister à la pression concurrentielle des challengers mondiaux et de survivre aux conditions de sélection des marchés.

En répertoriant les enjeux clés de compétitivité des pays, nous parvenons à la conclusion qu’au-delà des dotations factorielles initiales et des avantages comparatifs de chacun (les- quels sont source de spécialisation initiale), ce sont la recherche et la création d’avantages dynamiques qui priment dans la compétitivité des pays. En reprenant les termes de Lall

(2001), "the main aim of competitiveness strategy is to help countries realize or build

dynamic comparative advantage", (p.1504). En vue d’être compétitifs, dans un premier

temps, les pays s’appuient sur leurs avantages compétitifs intrinsèques et, dans un second temps, sur une transformation et une amélioration de leurs atouts compétitifs afin de s’insérer dans une dynamique de long terme. Parce que le monde est en perpétuelle muta- tion, les avantages compétitifs des pays se font et se défont au gré des divers contextes concurrentiels. Aussi, la compétitivité traduit un contexte d’incertitude, soumis aux aléas d’un monde de plus en plus globalisé.

Dans la sous-section 1.1.3 ci-après et à la lumière de ce point de vue, nous nous propo- sons de rassembler les principales définitions en faveur du concept de compétitivité des pays.

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