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Productivité et compétitivité : Complémentarité ou substituabilité ? En gardant à l’esprit les mises en garde formulées par Porter ( 1990 ) et Krugman ( 1994 ),

soumis à plusieurs controverses

1.1.1 Vers une non concurrence des territoires 1 Les origines d’un consensus ancien

1.1.2.2 Productivité et compétitivité : Complémentarité ou substituabilité ? En gardant à l’esprit les mises en garde formulées par Porter ( 1990 ) et Krugman ( 1994 ),

nous confrontons ci-après les concepts de productivité et de compétitivité puisqu’à l’instar de la critique avancée par Krugman (1994), ces deux concepts sont souvent substitués l’un à l’autre.

En l’espèce, nous faisons les trois choix suivants. (i) Tout d’abord, nous associons la productivité à l’efficience économique des pays, laquelle se définit comme la manière dont les ressources productives sont employées afin de créer un certain niveau de richesse, tandis que nous associons la compétitivité à la performance commerciale des pays, laquelle se

9. Krugman(1994) explique, à ce sujet, que : "countries do not go out of business. They may be happy

or unhappy with their economic performance, but they have no well-defined bottom line. As a result, the concept of national competitiveness is elusive", (p.31).

définit comme la capacité des entreprises d’un pays à réagir à la pression concurrentielle exercée sur chaque marché par des entreprises étrangères concurrentes. (ii) Ensuite, nous appréhendons ces deux concepts de manière relative dans la mesure où le précédent cadre de référence lié au contexte inédit de la mondialisation actuelle suppose à la fois que les pays interagissent les uns avec les autres et que les positionnements stratégiques des uns affectent plus ou moins directement ceux des autres. Précisons que selon Fagerberg

(1996), l’une des principales difficultés est de confondre la performance absolue d’un pays avec celle relative lorsqu’il s’agit de donner un sens à la compétitivité des pays. En effet, "it is a relative term. What is of interest is not a country’s absolute performance,

however that may be defined, but how well it does relative to other countries", (p.40). (iii) Enfin, nous nous référons à deux exemples dissociant les concepts de productivité et

de compétitivité. Le premier exemple se concentre sur le cas de la France et considère, de manière plus générale, la situation des pays industrialisés heurtés par l’émergence de nouveaux challengers mondiaux. Ceci est d’autant plus soumis à questionnement si l’on prend l’exemple de certaines économies européennes, ayant convergé sur la base de leurs avantages comparatifs, qui font désormais face à un arrêt brutal de leur croissance et qui se révèlent mal positionnées sur la scène internationale. Le second exemple se focalise, quant à lui, sur le cas des pays émergents en tant que nouveaux compétiteurs mondiaux, dont l’expansion croissante au cours des dernières années remet en cause les équilibres internationaux préétablis. Nous présentons ci-après chacun de ces deux exemples. Le premier exemple s’appuie sur un récent rapport publié par l’OCDE (2014), lequel met en lumière une dégradation de la compétitivité française. Plusieurs constatations peuvent être extraites de ce rapport. Les premières se réfèrent à la productivité française, les secondes se réfèrent à la compétitivité française. En effet, la productivité française exhibe des gains relativement modestes en comparaison de ceux de ses principaux concurrents. Cependant et en dépit de certaines faiblesses, la France connaît une forte productivité dans des secteurs de pointe tels que l’information, la communication et autres activités scientifiques ou techniques spécialisées. Bien que cela ne suffise pas à induire une croissance économique de long terme. Par ailleurs, la productivité du secteur manufacturier français est à peu près analogue de celle des autres pays membres de l’Union Européenne (UE) et en particulier de celle de l’Allemagne, partenaire commercial historique de la France. Pour autant, l’Allemagne s’avère plus compétitive que la France en ce sens que ses produits s’exportent relativement mieux. Aussi, les parts de marché de la France se sont relativement détériorées au cours de ces dernières années : plus précisément, le déclin de la compé- titivité française s’appuie principalement sur une détérioration de sa capacité d’exportation.

Ce premier exemple met en exergue une difficulté de la France à transformer ses avan- tages productifs en avantages compétitifs. Par-delà la France, ce sont les pays industrialisés

qui sont marqués par une forte diversification de leurs économies et par une forte producti- vité dans des secteurs hautement spécialisés mais conjointement par une faible croissance de la productivité et par une dégradation de leurs performances à l’exportation. Confrontés à l’émergence de nouveaux compétiteurs, les pays industrialisés peinent à maintenir leurs positionnements sur les marchés internationaux.

Le second exemple s’appuie sur les travaux de Mc Millan et Rodrik (2011) et de

Rodrik (2013), lesquels illustrent un processus de transformation structurelle axé sur une (ré)allocation des ressources productives en faveur des secteurs les moins productifs ; ce qui,

de prime abord, peut paraître contre-intuitif. Que les entreprises s’adressent au marché domestique ou au marché étranger, elles le font systématiquement sous couvert d’une menace compétitive étrangère (Rodrik, 2013). Ce sont donc les performances relatives des pays qui servent d’outil de comparaisons internationales. Traditionnellement, pour être compétitifs, les pays doivent orienter leurs stratégies productives en faveur des segments de marché pour lesquels ils sont les plus performants, c’est-à-dire vers ceux associés à un ou plusieurs avantages compétitifs durables. De manière implicite, ces segments de marché performants sont assimilés à des segments à forte technicité. Rappelons, toutefois, que l’exemple proposé par Bloom et al. (2012) suppose une spécialisation délibérée de la Chine en faveur des activités productives à faible technicité. Ce genre de stratégie présente un double avantage : d’une part, s’insérer durablement sur un segment de marché mondial pour lequel un pays dispose d’une main-d’œuvre abondante ; d’autre part, s’accaparer la quasi-totalité d’un secteur d’activité et en évincer les précédents leaders par une stratégie de coûts plus faibles. En d’autres termes, il s’agit de s’adapter stratégiquement au contexte mondial en jouant sur ses atouts compétitifs intrinsèques.

Certains secteurs à faible productivité peuvent donc être associés à de forts potentiels de croissance. En effet, pour certains pays (ceux en développement par exemple), il paraît plus opportun de réallouer les ressources productives en faveur des secteurs à faible pro- ductivité, lesquels correspondent à leurs avantages compétitifs intrinsèques. En réallouant les ressources productives vers des activités à faible productivité, ces pays gagneront en termes de parts de marché et seront davantage compétitifs internationalement. Autrement dit, la réallocation des ressources vers des activités hautement productives ne constitue pas nécessairement la meilleure façon de soutenir une croissance économique sur le long terme. En outre, la spécialisation des pays en développement dans des activités à faible productivité constitue, au regard du reste du monde, une menace compétitive forte (Bloom et al., 2012). En dépit du fait qu’ils soient moins productifs, ces pays exhibent des coûts moindres que les pays industrialisés et leurs avantages en termes de salaires compensent leurs désavantages productifs.

Ce second exemple met en lumière une faible productivité à l’origine d’une forte com- pétitivité. En d’autres termes, si les ressources productives d’un pays sont réallouées vers des secteurs à faible productivité, cela n’implique pas forcément une absence de croissance future ou une perte d’enrichissement pour les économies concernées. Même si des gains de productivité importants peuvent être observés dans certaines industries à haute technicité, cela ne suffit pas à être compétitif : il faut que le pays alloue massivement ses ressources vers ces secteurs de pointe. Par conséquent, le processus de transformation structurelle induit par la réallocation des ressources productives n’est en aucun cas automatique ou identique pour l’ensemble des pays.

Au regard de ces deux exemples, nous faisons de la productivité un vecteur ni nécessaire ni suffisant de la performance commerciale d’un pays, laquelle est en l’espèce évaluée en termes de parts de marché relatives. La nécessaire distinction entre les concepts de productivité et de compétitivité nous pousse à considérer la complémentarité de l’un envers l’autre plutôt que la substituabilité de l’un par l’autre.

Dans la sous-sous-section 1.1.2.3 suivante, nous présentons les arguments en faveur d’une « obsession nécessaire » autour de la compétitivité des pays.

1.1.2.3 Au-delà d’une « obsession dangereuse », une nécessité d’avantages

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