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Les limites des indicateurs synthétiques de compétitivité des pays En dépit d’être un terrain d’étude soumis à plusieurs controverses, la compétitivité

soumis à plusieurs controverses

1.1.3 Vers une compétitivité des pays

1.1.3.2 Les limites des indicateurs synthétiques de compétitivité des pays En dépit d’être un terrain d’étude soumis à plusieurs controverses, la compétitivité

est devenue ces dernières années un véritable phénomène de mode, un thème omniprésent des débats politiques et économiques dans différents pays. C’est parce qu’il occupe une place prépondérante au sein des divers paysages médiatiques que le discours autour de la compétitivité des pays apparaît désormais central pour les pouvoirs publics. D’une part, l’émergence de nombreux rapports officiels (ce que Debonneuil et Fontagné(2003) nomment la « nouvelle industrie de rapports sur la compétitivité globale ») atteste la désormais dimension institutionnelle que recouvre le concept de compétitivité. D’autre part, l’utilisation récurrente du concept de compétitivité par les différentes institutions étatiques en fait un phénomène à tendance mondiale. Au regard de son succès médiatique grandissant dans la plupart des débats d’actualité et auprès des principales autorités publiques (Lall, 2001), certaines organisations surfent sur cet engouement sociétal (voir mondial) et publient annuellement un palmarès des divers pays recensés sur critère de

compétitivité. Du point de vue des débats publics, c’est la présentation d’indicateurs de compétitivité globale qui est appréciée tandis que du point de vue de la sphère des économistes stricto sensu, ce sont davantage les limites de ces indicateurs synthétiques qui sont mises en avant. En d’autres termes, si les économistes se sont avérés particulièrement réticents à parler de compétitivité des pays depuis la vive critique formulée par Krugman

(1994), ils semblent tout autant sceptiques envers les indicateurs composites favorisant des approches multi-critères. C’est précisément autour de cette critique des indicateurs synthétiques de compétitivité globale que nous nous focaliserons ci-après.

Au préalable, rappelons, d’une part, que le Global Competitiveness Index (GCI) et, d’autre part, que le World Competitiveness Yearbook (WCY) figurent parmi les indicateurs composites les plus populaires en matière de compétitivité des pays et donc parmi ceux qui sont également les plus vivement critiqués. Aussi, en reprenant les propos de Lall

(2001) : "while competitiveness indices have become significant in the policy discourse in

many developing countries, surprisingly little is known about their economic foundations",

(p.1502). En en faisant un enjeu d’intérêt public, ces institutions font paradoxalement de la compétitivité un concept « fourre-tout », encore une fois dénué de sens économique profond. D’une part, depuis 2005, le World Economic Forum (WEF) publie annuellement son GCI mêlant conjointement les aspects microéconomiques et ceux macroéconomiques de la compétitivité des pays. Depuis une trentaine d’années12, le WEF place les enjeux de

compétitivité au cœur des préoccupations de croissance économique des pays afin de conduire ces derniers vers une transformation continue et prospère de leurs économies sur le long terme. La particularité de l’approche développée par le WEF s’appuie sur la création de douze piliers de compétitivité des pays que sont : les institutions, les infrastruc- tures, l’environnement macroéconomique, la santé et l’éducation primaire, l’enseignement supérieur et la formation, l’efficience du marché des biens, l’efficience du marché du travail, le développement du marché financier, les activités technologiques, la taille du marché intérieur, la sophistication de l’environnement des affaires et l’innovation. À partir de ces douze piliers de compétitivité, le WEF classe les pays selon trois phases de développement économique : la phase 1 recense les pays qui croissent grâce à leurs dotations factorielles naturelles (ce sont les "factor-driven") ; la phase 2 recense les pays qui développent des processus d’efficience autour de leurs avantages compétitifs initiaux (ce sont les "efficiency-

driven") ; la phase 3 recense les pays qui innovent pour soutenir une croissance économique

future de long terme (ce sont les "innovation-driven"). Parce que les pays ne peuvent être

12. Depuis 1979, le WEF publiait annuellement son Global Competitiveness Report en prenant appui sur deux précédents indicateurs : (i) le Growth Competitiveness Index et (ii) le Current Competitiveness Index. Le premier estimait les perspectives de croissance économique des pays à cinq ans tandis que le second mesurait le potentiel productif des pays. Ce n’est que depuis 2005 que le GCI remplace les deux précédents indicateurs dans l’optique d’être un outil d’analyse plus compréhensible.

strictement bornés à ces trois phases et parce qu’ils font face à des niveaux de développe- ment économique différents, le WEF a introduit deux périodes de transition entre les phases 1 et 2 ainsi qu’entre les phases 2 et 3. Chacune de ces cinq phases est ensuite déterminée grâce à un seuil de PIB par habitant : à savoir, inférieur à 2 000 $ pour la phase 1 ; entre 2 000 et 2 999 $ pour la phase transitoire 1 à 2 ; entre 3 000 et 8 999 $ pour la phase 2 ; entre 9 000 et 17 000 $ pour la phase transitoire 2 à 3 ; supérieur à 17 000 $ pour la phase 3.

D’autre part, depuis 1989, l’Institute for Management Development (IMD) publie annuellement son WCY démontrant la capacité des pays à maintenir un environnement compétitif pour leurs entreprises. Autrement dit, chaque pays est évalué par le biais de son aptitude à susciter et à soutenir de manière durable la compétitivité de ses entreprises. Ce qui suppose, par ailleurs, que la création de richesses dans un pays émane principalement des entreprises. Le passage des préoccupations relatives à la compétitivité des entreprises vers celles relatives à la compétitivité des pays s’effectue grâce à l’environnement national concurrentiel dans lequel les entreprises sont implantées et à partir duquel elles améliorent plus ou moins efficacement leurs aptitudes à se concurrencer les unes les autres nationa- lement, voir internationalement. Comparativement au WEF, l’approche développée par l’IMD s’appuie sur la création de quatre piliers de compétitivité des pays que sont les performances économiques, l’efficience gouvernementale, l’efficience de l’environnement des affaires et les infrastructures. Ces quatre piliers sont ensuite décomposés en sous-facteurs : le pilier 1 comprend l’économie domestique, le commerce international, les investissements internationaux, l’emploi et les prix ; le pilier 2 comprend la finance publique, la politique fiscale, le cadre institutionnel, la législation des affaires et l’environnement sociétal ; le pilier 3 comprend la productivité, le marché du travail, la finance et les pratiques managériales ; le pilier 4 comprend l’éducation, les infrastructures basiques, technologiques, scientifiques, l’environnement et la santé.

Au-delà de ces deux présentations succinctes, ce sont les critiques adressées à l’en- contre de ces indicateurs qui nous intéressent. Un premier ensemble de critiques (que nous qualifierons de critiques de construction) met en exergue certaines limites relatives aux problèmes de similarité, de convergence, de redondance et de multicolinéarité des variables employées par chacun de ces deux indicateurs. En reprenant la terminologie deLall(2001), les liens entre les différentes variables sont "wrong, unclear or spurious", (p.1515). Par définition, ce sont deux indicateurs qui révèlent une forte similarité dans leur construction, que ce soit dans l’identification des piliers de compétitivité ou dans la décomposition de ces piliers en différents sous-facteurs. Par ailleurs, on remarque une certaine convergence des critères recensés entre ces deux indicateurs et une forte redondance des variables à la fois qualitatives et à la fois quantitatives sélectionnées afin de mesurer la compétitivité des pays. Compte tenu de la chronologie relative à l’émergence de ces deux indicateurs

synthétiques de compétitivité (1979 pour les premiers indices du WEF, 1989 pour l’indice de l’IMD), il n’est pas surprenant de constater que les critères sur lesquels est fondé le GCI soient également repris dans l’élaboration du WCY. Conjointement à ces premières limites, la pléthore de critères employés dans la création de chacun de ces deux indicateurs (111 variables pour le GCI, 300 variables pour le WCY) n’est pas sans questionner la

pertinence de ces mesures de compétitivité des pays.

Au côté de ces premières critiques de construction, un second ensemble de critiques (que nous qualifierons de critiques d’interprétation) met en lumière certaines limites relatives aux fondements méthodologiques, aux choix des variables et aux pondérations à l’intérieur des différents piliers. Selon Debonneuil et Fontagné (2003), ces indicateurs composites agrégés sont fortement contestables et sans robustesse statistique. D’une part, l’absence de fondements théoriques explicites (Lall, 2001; Siggel, 2006) et d’autre part, le manque de justification des variables économétriques soulèvent l’essentiel des critiques rencontrées par ces indicateurs de compétitivité globale (Grégoir et Maurel, 2003). En prolongeant la critique formulée par Lall (2001)13, Debonneuil et Fontagné (2003) précisent d’ailleurs

que « le choix d’un modèle de croissance et le consensus sur sa portée empirique, le

choix des variables explicatives, la qualité de la mesure de ces variables, la pondération attribuée à ces variables » (p.20) constituent les limites de ces indicateurs synthétiques. Ces

limites ont d’autant plus de poids dans l’interprétation des indicateurs de compétitivité globale que leurs fondements apparaissent relativement fragiles et que leurs capacités à rendre compte avec précision de la réalité économique paraissent peu fiables (Grégoir et Maurel, 2003). De fait, ces limites convergent vers une interprétation peu pertinente et à faible contenu informatif. Au sein du choix des variables, ce sont par ailleurs des problèmes de pondération et de distorsion dans la distribution de ces dernières qui sont évoqués (Grégoir et Maurel, 2003). Ces indicateurs, sans apporter de justification à leurs choix méthodologiques, pondèrent de la même manière les critères de compétitivité quel que soit le pays évalué et quel que soit le stade de développement économique atteint par chacun. Seule nuance à cela, le GCI raisonne en fonction des seuils de PIB par habi- tant et délimite, par conséquent, un certain niveau de développement propre à chaque pays.

Par conséquent, l’interprétation de ces indicateurs nécessite la plus grande prudence dans la mesure où la couverture médiatique qui leur est associée s’étend d’année en année : en reprenant les propos de Boltho (1996), "the concept of international competitiveness, as

applied to national economies, is a popular one. Politicians, businessmen, and economists alike, refer to it in day-to-day discussion when looking at the external (export, import, 13. La critique énoncée parLall(2001) à l’encontre des indicateurs de compétitivité globale, et notamment à l’encontre du GCI, se résume comme suit : "the definitions are too broad, the approach biased and the

methodology flawed. Many qualitative measures are vague, redundant or wrong. These weak theoretical and empirical foundations reduce the value of the indices for analytical or policy purposes", (p.1501).

market share, or trade balance) performance of different countries", (p.1). Par ailleurs,

l’élaboration de ces classements annuels par l’intermédiaire de scores de compétitivité a des répercussions en termes de politiques économiques et induit implicitement une mise en concurrence des pays les uns par rapport aux autres.

Contrairement à la construction de ces indicateurs synthétiques, nous préconisons d’étudier la compétitivité des pays sur un ensemble plus restreint de critères. Parce que ces indicateurs sont fortement critiquables, nous nous écartons de ces méthodologies globales et nous nous focalisons uniquement sur les sources de performance à l’exportation des pays : c’est ce que nous nous proposons de détailler dans la section 1.2ci-après en dissociant une « diversification optimisée » d’une « diversification orientée », laquelle s’appuie davantage

sur la théorie des avantages construits.

1.2

Comment la littérature discute-t-elle les sources

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