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La protection de l’intérêt des créateurs face aux ancres

Titre I : La liberté de constituer une ancre

Chapitre 1 La protection de l’intérêt des créateurs face aux ancres

42. Le droit de reproduction est apparu en Angleterre avec le statut de la Reine Anne en 171050 qui introduisait le copyright - c’est à dire le droit de copier. Il s’agissait, dans l’esprit du législateur britannique, de créer un monopole sur la reproduction des œuvres de l’esprit. Aux Etats-Unis le copyright avait été introduit pendant la période coloniale par l’application       

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Les ancres sont généralement de couleur bleue ou surlignée. Pour un exemple sur la page Wikipedia « Le droit d’auteur » (accessible à https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27auteur [dernier accès : 02/10/2016]):

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« An Act for the Encouragement of Learning, by Vesting the Copies of Printed Books in the Authors

du statut de la Reine Anne. La centralité de la notion de reproduction a par la suite été reprise par le droit américain51 à la suite de l’indépendance avec la ratification de la Constitution en 178952. Le droit français ne s’est en revanche occupé du droit de reproduction que dans un second temps53 - après avoir tout d’abord reconnu le droit de représentation en 179154 - avec le décret des 19-24 juillet 1793.

43. En Angleterre, les imprimeurs étaient protégés grâce à la Stationers’ Company55 alors qu’en France les auteurs de pièces de théâtre étaient au centre de la réflexion grâce notamment à Beaumarchais dont l’éloquence a permis aux auteurs dramatiques de voir leurs œuvres protégées56. Le Parlement britannique a donc rédigé une loi pour les auteurs d’écrits alors que le législateur révolutionnaire souhaitait protéger les spectacles vivants57. La différence de centralité du droit de reproduction est donc le fruit des groupes d’influence de l’époque.

44. Le statut de la Reine Anne n’a pas défini le droit de reproduction a priori et s’est contenté d’interdire l’impression d’œuvres protégées. Le droit anglais - qui constitue également le premier droit de copyright appliqué aux Etats-Unis - concevait donc implicitement le droit de reproduction comme le fait de reproduire une œuvre sur un support communicable à autrui. Le droit français a également adopté une approche concrète en apportant une solution pragmatique au problème de pillage des œuvres dont souffraient les auteurs. Le législateur révolutionnaire français s’est ainsi abstenu d’apporter une définition a

priori de la reproduction qu’il concevait simplement comme le fait d’imprimer dans la loi de

1793. Il s’agit d’une faiblesse de rédaction car le législateur n’aurait pas autorisé la copie

      

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Copyright Act of 1790.

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La Copyright Clause reconnaît ainsi expressément le copyright. Voir Article 1, Section 8, Clause 8 of the Constitution of the United States.

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Décret des 13 et 19 janvier 1791 relatif aux spectacles.

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Loi du 13 janvier 1791, relative aux théâtres et au droit de représentation et d’exécution des œuvres dramatiques et musicales.

55

A. BIRRELL, « Seven Lectures on the Law and History of Copyright in Books », Cassel and Company, 1898, p. 26.

56

Loi des 13-19 janvier 1793.

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L’influence de certains auteurs tel que Beaumarchais n’y est sans doute pas pour rien. Il a en effet prononcé un discours resté célèbre devant l’Assemblée législative dans lequel il prend la défense des auteurs de théâtre. Voir P.A.C. DE Beaumarchais, « Compte rendu de l’affaire des auteurs

dramatiques et des comédiens français », 1780, in Œuvres complètes de Beaumarchais, Cher Firmin

manuelle d’œuvres protégées. Il faut donc voir dans cette rédaction la volonté de résoudre le défi technologique de l’époque que posait l’imprimerie. Le copyright et le droit d’auteur répondaient donc à un problème technique mais ils manquaient de hauteur et une lecture littérale des deux textes n’aurait pas permis de saisir les nouvelles technologies et notamment les hyperliens. Les accents jusnaturalistes de certains tribuns comme Le Chapelier58 n’ont donc eu qu’une influence limitée sur la rédaction des premières lois sur le droit d’auteur.

45. Le droit américain a repris l’idée britannique selon laquelle le droit de reproduction implique de reproduire une œuvre dans le but de la présenter à autrui. Il répondait ainsi au même défi technologique que les législateurs anglais et français ont affronté à la fin du 18e siècle. Cependant, l’approche philosophique était différente de celles pragmatiques auxquelles ont eu recours les législateurs européens. Alors que ces derniers ont apporté une réponse pratique à un problème, les Pères Fondateurs américains ont pris plus de hauteur en retenant que la reproduction est constituée par la fixation sur un support tangible d’une information. La définition est sans doute la plus correcte des trois bien qu’elle pêche par son attachement à un état de la technique et n’aurait pas permis de saisir les hyperliens.

46. À cause des évolutions technologiques successives - et notamment du numérique - les législateurs ont dû adopter des définitions plus conceptuelles. La loi française de 1957 définissait le droit de reproduction comme « la fixation (nous soulignons) matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte ». La loi américaine de 1976 - encore en vigueur aujourd’hui - définit la copie comme des « objets matériels, autres que des enregistrements sonores, dans lesquels une œuvre est fixée (nous soulignons) par toute méthode déjà connue ou développée plus tard, et à partir desquels l’œuvre peut être perçue, reproduite ou communiquée d’une quelconque façon, soit directement soit avec l’aide d’une machine ou d’un appareil59 ». Le législateur américain a donc, comme le législateur français, adopté une approche plus conceptuelle de la reproduction se fondant sur le principe de fixation. Il s’est cependant montré plus précis que ce dernier en affirmant que la copie effectuée par une machine est incluse dans la définition,       

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I.R.G. LE CHAPELIER, discours à l’Assemblée Constituante relatif aux décrets des 13 et 19 janvier 1791.

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17 U.S.C. §101 : « material objects, other than phonorecords, in which a work is fixed by any

method now know or later developped, and from which the work can be perceived, reproduced, or otherwise communicated, either directly or with the aid of a machine or device » (traduction libre).

mais également plus universelle en ne limitant pas la reproduction à un support matériel. Cette différence reflète les états de la technique au moment de la rédaction de chaque loi. Malgré ce manque d’universalisme de la rédaction française, le législateur60 de 1992 n’a pas modifié la définition de la reproduction lors de la codification qui s’est faite à droit constant. Il n’a pas non plus saisi l’occasion de la transposition de la directive 2001/29/CE dont l’article 261 est pourtant beaucoup plus universel - bien que vague62 - pour adopter une définition plus conceptuelle et en cela plus proche de la définition américaine. Ces différences méthodologiques sont a priori sans conséquences pratiques.

47. La différence entre les définitions américaine d’une part et française et européenne d’autre part réside désormais dans le caractère durable de la reproduction. Les rapports63 des deux chambres du Congrès américain avaient en effet retenu que constitue une reproduction la fixation sous une forme tangible d’une œuvre qui doit être suffisamment permanente ou stable afin qu’elle puisse être perçue, reproduite, ou encore communiquée pour une période plus que transitoire. Le droit français n’a pas introduit de critère de durabilité dans sa définition. Cette différence est le fruit du fondement philosophique du copyright américain qui n’est justifié que par le fait qu’il améliore l’accès aux connaissances, alors que le droit français est d’inspiration jusnaturaliste et s’applique dès la création de l’œuvre sans considération de la facilité à la communiquer.

48. Le droit de reproduction permet donc d’introduire un état de rareté artificiel64 sur les œuvres à l’origine de l’imposition d’un prix. L’arrêt ProCD, Inc. v. Zeidenberg65 a ainsi rappelé que le copyright - mais le raisonnement s’applique également au droit d’auteur français - constitue un droit « contre le reste du monde ». Un droit imprégné d’une telle

      

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Article L. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle.

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L’article 2 de la directive 2001/29/CE définit le droit de reproduction en des termes voisins (« Le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou partie ») et la transposition de la directive en droit interne n’a donc pas nécessité de modification du droit français sur ce point. Les définitions françaises et européennes sont marquées par la même recherche d’intemporalité car elles visent à assurer l’adaptation du droit d’auteur aux évolutions technologiques.

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CJUE, 16 juillet 2009, aff. 5/08, Infopaq International A/S c. Danske Dagblades Forening, 31.

63

H.R. Rep. No. 94-1476, 94th Cong., 2d Sess. 61-62 (1976) ; S. Rep. No. 105-190, 40 (1998).

64

L. MARINO, « Droit de la propriété intellectuelle », PUF, 2013, p. 29.

65

ProCD, Inc. v. Zeidenberg, 908 F. Supp. 640, 658 (W.D. Wis. 1996). A copyright is a right against the world (traduction libre).

conception constituera une limite au droit de constituer des ancres et freinera l’accès des internautes aux œuvres.

49. Les intérêts du public - qui souhaite la meilleure accessibilité aux contenus sur l’internet - et ceux des auteurs - cherchant à protéger l’état de rareté artificielle de leurs œuvres - entrent donc en conflit sans que la suppression de l’un des intérêts ne permette l’émergence d’une situation favorable pour tous. Les auteurs et le public se trouvent par conséquent dans une situation similaire au dilemme des prisonniers66 où leur intérêt commun est de trouver une situation d’équilibre mais où ils ne réussissent pas communiquer.

50. Le principe de l’application du droit d’auteur à l’internet et aux ancres (Section 1), qui permet de respecter les intérêts des auteurs, se trouve contrebalancé par la circonscription du champ d’application du droit d’auteur et du copyright aux ancres (Section 2).

Section 1 : Le principe de l’application du droit d’auteur à l’internet et aux ancres

51. L’internet a initialement été pensé comme un espace sur lequel les droits des États n’avaient pas vocation à s’appliquer67. Il n’était donc pas évident que le droit d’auteur - dans la mesure où il permet de s’approprier des contenus mis en ligne - s’applique à l’internet.

52. Cependant, cette vision anarchiste du réseau ne pouvait survivre à la mercantilisation ainsi qu’à l’arrivée massive des internautes qui nécessitent une protection. Les auteurs - et

      

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Le dilemme du prisonnier est une hypothèse où deux prisonniers sont interrogés séparément et ne peuvent communiquer entre eux. S’ils collaborent ils bénéficieront tous les deux d’une amélioration globale de leurs situations, si l’un seulement collabore il bénéficiera d’un plus grand avantage mais le bien général global sera moins élevé, et si les deux ne collaborent pas ils n’auront aucun gain. Ce modèle incarne le conflit entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif Voir E. PETIT, « Le dilemme du

prisonnier », Association des universités numériques en économie et gestion, 31 mai 2013, accessible

à http://www.aunege.org/ressources/pdf/dilemme_prisonnier.pdf (dernier accès: 23/12/2015) ; N. EBER, « Le dilemme du prisonnier », 2006, Repères, p. 3 ; R. Axelrod, W. Hamilton, « The Evolution

of Cooperation », 1981, Science, 211, 1390-1396.

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notamment les moins célèbres - se sont rapidement retrouvés confrontés à des géants de l’internet face auxquels leur liberté de négociation est quasiment inexistante. Il s’est donc avéré nécessaire de protéger les auteurs par l’application du droit. On retrouve ici, comme le rappelait Lacordaire68 dans un contexte différent69, l’idée selon laquelle « entre le fort et le faible […], c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Ainsi, afin d’assurer l’égalité entre la masse des auteurs et les géants de l’internet, le copyright tout comme le droit d’auteur ont vocation à s’appliquer à l’internet (Sous-Section 1). Dès lors, les deux systèmes seront opposables aux créateurs d’ancres des liens (Sous-Section 2).

Sous-Section 1 : L’universalité de l’application du droit d’auteur et du copyright à l’internet

53. Le droit d’auteur ainsi que le copyright ont suivi de près les évolutions technologiques. Les droits français et américain ont ainsi toujours pu faire preuve d’adaptabilité face aux changements technologiques (Paragraphe 1), et c’est donc naturellement que le droit d’auteur et le copyright se sont appliqués à l’internet (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’adaptabilité du droit d’auteur et du copyright

54. Les droits français et américain sont généralement opposés à cause des méthodes qu’ils adoptent. En effet, le droit français est synthétique70 – ce qui lui permet aisément de saisir de nouvelles situations ainsi que les évolutions techniques malgré une rédaction prima

      

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H. LACORDAIRE, « Conférences de Notre-Dame de Paris », tome III, cinquant-deuxième conférence, 16 avril 1848.

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Dans sa conférence Lacordaire se référait aux gouvernements qui sont par principe liberticide dans la mesure où ils ne représentent qu’une partie de la population et ne prennent donc pas de décisions pour l’ensemble de la société. L’auteur assure donc qu’il faut une autorité tierce afin de contrôler les actes des gouvernements. Or, sur l’internet, l’absence de réglementation émise par un tiers permet aux plus forts d’imposer leurs règles aux plus faibles.

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L’approche synthétique consiste à adopter une méthode la plus concise et la plus englobante possible.

facie restrictive – alors que le droit américain est analytique71 – et limite donc son application aux cas établis dans la loi. Cependant, cette dichotomie ne doit pas être exagérée dans la mesure où le copyright est compris de façon extensive. L’arrêt Burrow-Giles Lithographic Co. v. Sarony72 de 1884 a en effet retenu que le critère de « writing » de la première loi73 sur le copyright doit être compris de façon large. Dès lors, puisque la gravure a été ajoutée quelques temps après la première loi sur le copyright par des membres du Congrès dont certains avaient siégé à l’assemblée constituante, il y avait lieu de retenir que la ratio legis du

copyright est universaliste car les Pères Fondateurs ne se seraient pas contredits quelques

années après la rédaction de la Constitution. Il revient donc au Congrès d’étendre le champ d’application du copyright, mais les juges peuvent interpréter les dispositions de la loi pour étendre leur champ d’application à des œuvres qui n’auront pas été spécialement visées.

55. Le medium utilisé pour la reproduction est donc indifférent en droit américain - comme en droit français - tant qu’il y a une reproduction matérielle74. Cette approche a ainsi permis d’intégrer facilement les photographies75 - qui n’existaient pas encore lors de la rédaction de la Constitution - ainsi que des autres innovations technologiques.

56. Le débat entre tradition et modernité, incarné par Hamilton et Jefferson76, et qui a marqué les débuts de la jeune République américaine, a donc vu la victoire des partisans de la seconde option. En effet, malgré la volonté de certains Pères Fondateurs des Etats-Unis - dont Thomas Jefferson - de maintenir le pays dans un état agricole et de rester fidèle aux idéaux de la Déclaration d’Indépendance77, la Constitution a résolument adopté la conception moderniste défendue par Alexander Hamilton. Ce débat a encore des répercussions aujourd’hui entre les néo-jeffersoniens qui s’opposent à tout monopole attribué par un État central78 - représentés notamment par J. Lessig79 et qui souhaitent un domaine public fort et       

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L’approche analytique consiste à prévoir chaque possibilité dans la loi.

72

Burrow-Giles Lithographic Co. v. Sarony, 111 U.S. 53, 4 S. Ct. 279, 28 L. Ed. 349, 1884 U.S. LEXIS 1757 (U.S. 1884).

73

Copyright Act of 1790.

74

Il a été retenu que la seule raison pour laquelle les photographies n’avaient pas été prises en compte est que la technique n’existait pas à l’époque.

75

En l’espèce il s’agissait de la photographie n°18 d’Oscar Wilde par Napoleon Sarony.

76

D.A. FARBER, « Conflicting Visions and Contested Baselines : Intellectual Property and Free

Speech in the ‘Digital Millenium’ », 89 Minn. L. Rev ; 1318, mai 2005.

77

D. THEILLIER, « Jefferson vs. Hamilton », Contrepoints, 1er octobre 2011, accessible à http://www.contrepoints.org/2011/10/01/48504-jefferson-vs-hamilton (dernier accès: 23/12/2015).

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J. HUGHES, « Copyright and Incomplete Historiographies : of Piracy, Propertization, and Thomas

par conséquent un champ d’application du droit d’auteur limité facilitant ainsi la créations d’hyperliens et notamment d’ancres - et les néo-hamiltoniens - qui prônent la création toujours plus nombreuses de droits de propriété intellectuelle80 afin d’assurer les intérêts économiques des auteurs. La France et l’Europe en général ont été moins confrontées à ce débat car le Vieux Continent était déjà au 18e siècle au cœur d’une concurrence particulièrement rude qui obligeait les États à innover. Malgré l’absence du débat entre tradition et modernité en Europe des courants anti-droit d’auteur s’y sont développés. Ils affirment que l’abolition de la propriété intellectuelle favoriserait le dynamisme de nos sociétés81. Les nouvelles technologies donnent donc un nouveau souffle au débat sur la libre circulation des idées intrinsèque à chaque démocratie. Eu égard à l’augmentation de la protection des droits des auteurs, aussi bien au niveau national qu’international, il apparaît que les tenants de l’application du droit d’auteur l’emportent et assurent l’extension du droit d’auteur aux nouvelles technologies. La prochaine nomination du Président du Copyright

Office82 américain confirmera ou infirmera cette tendance, tout comme le vote ou le rejet du

projet de réforme du droit d’auteur de la Commission Européenne83.

57. La méthode analytique américaine ne constitue donc pas l’antithèse de la tradition française car, dans les deux systèmes, les concepts ont vocation à s’appliquer aux nouvelles technologies. Il n’existe ainsi pas d’exemple où le droit d’auteur français a mieux abordé une révolution technologique que le copyright américain.

58. La distinction entre les deux méthodes relève principalement de différences de tradition avec d’un côté le modèle français s’inspirant du droit romain et de son esprit incisif84, alors que le droit américain se situe dans le sillage de l’héritage du droit anglais où les lois sont traditionnellement exhaustives. Le droit d’auteur français et le copyright américain ont donc réussi à s’appliquer sans difficulté particulière à l’internet grâce à leur

       

79

J. LESSIG, « Copyright’s First Amendment », 48 UCLA L. Rev., 2001, 1072.

80

D.A. FARBER, « Conflicting Visions and Contested Baselines : Intellectual Property and Free

Speech in the ‘Digital Millenium’ », op. cit.

81

L. PAILLARD, « La gratuité intellectuelle - Pour une véritable révolution numérique », Parangon, 2013. 82 83 84

commune adoption du principe d’équivalence fonctionnelle85. Les droits de reproduction américain et français ont par conséquent vocation à s’appliquer sur l’internet.

Paragraphe 2 : L’application du droit d’auteur et du copyright à l’internet

59. L’application du droit d’auteur et du copyright à l’internet a d’abord été reconnue par la jurisprudence (I) puis par les législateurs américain, européen et français (II).

I) La reconnaissance jurisprudentielle de l’application du droit d’auteur et du copyright à l’internet

60. Le copyright américain, tout comme le droit d’auteur français, ont été pensés à une époque où personne n’imaginait l’avènement du numérique ni de l’internet. Il existe donc traditionnellement une identité entre l’œuvre immatérielle et son support matériel. Les juges ont par conséquent dû se demander s’ils ont vocation à s’appliquer lorsque les reproductions sont immatérielles.

61. Les jurisprudences américaine et française ont été saisies de la question de l’application du droit d’auteur à l’internet dès le développement de l’internet commercial - qui a donc mis un terme au paradigme anarchiste et libertaire de l’internet - au milieu des années 1990. Aux Etats-Unis, l’arrêt Religious Technology Center v. Netcom86 a été le premier87 à retenir que le droit de copyright s’applique à la reproduction d’une œuvre sur internet. L’arrêt a analysé les caractéristiques d’une copie sur une mémoire RAM et a déterminé qu’elle présente les caractères de permanence88 du Copyright Act. L’année suivante la première       

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S. NAVAS NAVARRO, « Periódicos digitales y agregadores de contenido informativo en España », RIDA, octobre 2015, 246, p. 74.

86

Religious Technology Center v. Netcom On-Line Communication Services, 907 F. Supp. 1361 (N.D. Cal. 1995).

87

G. JOYCE, M. LEAFFER, P JASZI, T. OCHOA, M. CARROLL, « Copyright Law », Lexisnexis, 9e édition, p. 501.

88

« MAI established that the loading of data from a storage device into RAM constitutes copying

décision française statuant sur l’applicabilité du droit d’auteur à l’internet a été rendue en référé - juge de l’évidence89 - par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 14 août 199690. Il est donc paru évident au juge français que le droit d’auteur s’applique à internet bien que la