• Aucun résultat trouvé

Les limites internes au droit d’auteur et au copyright

Titre I : La liberté de constituer une ancre

Paragraphe 2 Les limites internes au droit d’auteur et au copyright

121. Les exceptions au droit d’auteur et au copyright constituent les limites internes197 des deux systèmes. Elles marquent non pas les limites instituées du droit d’auteur et du copyright, mais la prise en compte d’un équilibre entre les droits des auteurs et les intérêts du public.

122. Les droits européen et américain ont adopté des approches divergentes. L’analyse analytique de l’article 5 de la directive 2001/29/CE, qui fait écho dans sa méthodologie à l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, s’oppose au système mixte américain qui combine un système d’exception listée198 - donc analytique - ainsi qu’une exception malléable d’interprétation synthétique avec le safe harbor de fair use.

123. Les deux approches sont autorisées par le droit international. En effet, la convention de Berne ainsi que le traité de l’OMPI de 1996 - à la rédaction duquel les Etats-Unis ont pris part - ont adopté un système ouvert en se contentant de se référer au test des trois étapes199. Il n’y a donc qu’une harmonisation internationale a minima.

124. Le droit international n’empêche donc pas le droit français d’adopter un système d’exceptions plus souple. La jurisprudence française200 a ainsi pu écarté l’application du droit d’auteur lorsque la liberté d’expression se trouvait indument limitée. Les ingérences du droit d’auteur dans le champ de la liberté d’expression doivent désormais respecter l’article 10§2 de la CEDH et s’avérer légales, légitime - c’est à dire nécessaires dans une société

      

197

M. VIVANT, J.-M. BRUGUIÈRE, « Droit d’auteur », Dalloz, 1e édition, 2009, p. 368 s.

198

17 U.S.C. §108 à 122.

199

Article 10.

200

démocratique [pour assurer la protection…] des droits d’autrui201 - et proportionnelles. Cette limitation du champ d’application du droit d’auteur n’a cependant été acceptée que lorsqu’elle était demandée par un auteur second souhaitant créer une œuvre à partir d’une autre œuvre protégée. La Cour de cassation a donc reconnu une liberté d’expression artistique qui n’a pas vocation à s’étendre aux liens à moins que le créateur de l’ancre ne crée une œuvre nouvelle. Le statut de rente du droit d’auteur s’effrite un peu pour laisser place à une prérogative visant à l’incitation à la création. Il était donc logique de contenir l’application du droit d’auteur lorsqu’il aurait pour effet d’empêcher la création.

125. Le droit français ne devrait donc pas connaître de changement de paradigme comparable à celui effectué par l’arrêt Perfect 10202 lorsqu’il a utilisé le safe harbor de fair

use pour assurer le développement des activités des moteurs de recherche, affirmant la liberté

d’entreprendre des prestataires de service. Le système américain va donc beaucoup plus loin car il ne comprend pas le safe harbor de fair use uniquement comme une liberté artistique, mais plus globalement comme une liberté d’entreprendre. Une telle évolution n’est cependant pas vraiment surprenante étant donné que le système d’exceptions souples a permis aux prestataires de service sur internet de développer leurs activités. Il leur a ainsi été relativement aisé de se développer aux Etats-Unis alors que cela aurait été plus compliqué en France à cause de l’existence d’une liste limitative d’exceptions203.

126. Cette évolution est tout d’abord le signe d’une fondamentalisation du droit ainsi que de la montée en puissance du public en Europe et aux Etats-Unis - bien que ses choix soient largement biaisés par le truchement des majors qui prennent en considération non pas le public dans son intégralité, mais sa partie la plus importante en termes de ventes. Le public a donc globalement émergé non pas en tant que pluralité intellectuelle mais en tant qu’unité consommatrice. Ce rôle l’amène à adopter un comportement non pas de citoyen jouant un rôle dans le dynamisme de la création nationale, mais celui de consommateurs. La situation

      

201

CEDH, 4e section, 29 janvier 2008, n°19247/03, Balan c. Moldavie, RTD com., 2008. 732, obs. F. POLLAUD-DULIAN ; RTD eur. 2008. 405, chron. J. SCHMIDT-SZALEWSKI.

202

Perfect 10, Inc. v. Amazon.com, Inc., 508 F.3d 1146, 2007 U.S. App. LEXIS 27843 (9th Cir. Cal. 2007).

203

actuelle confirme ainsi la crainte de Tocqueville204 qui avait souligné le risque d’égocentrisme des systèmes démocratiques. Le régime actuel est donc le fruit de la limite de tout système démocratique. Nous n’appelons donc pas à un changement juridique - qui risquerait de rester sans effet substantiel - mais à un empowerment de la société en tant que citoyens et non pas que de simples consommateurs afin que la question de la culture constitue un véritable débat de société au lieu de s’interroger uniquement sur l’accessibilité - si possible gratuite - des œuvres.

127. Le système d’exceptions actuel est le fruit de cette histoire et des évolutions récentes. Les auteurs jouissent ainsi de régimes d’exceptions (I) dont le champ d’application se trouve limité par le test des trois étapes (II).

I) Les exceptions

128. Le droit de création de liens se trouve renforcé par les exceptions au droit d’auteur et au copyright. Les systèmes français et américain sont divisés sur l’approche à adopter en matière d’exception.

129. D’un côté, le droit français et de l’Union Européenne205 ont adopté une lecture réductrice des exceptions en les limitant à certaines hypothèses. L’interprétation de ces exceptions doit être stricte conformément à l’adage exceptio est strictissimae interpretationis.

130. De l’autre côté le droit américain a adopté un système mixte en introduisant des exceptions énumérées limitativement et un usage loyal dit fair use. L’exception de fair use s’analyse de façon large et casuistique206. Le test de fair use se développe en quatre critères

      

204

A. DE TOCQUEVILLE, « De la démocratie en Amérique », Deuxième partie, 1835, Les auteurs classiques, p. 9.

205

Article 5 de la directive 2001/29/CE.

206

K.D. CREWS, « The Law of Fair Use and the Illusion of Fair-Use Guidelines », 62 Ohio St. L.J. 599, 2001 ; P. SIRINELLI, « Exceptions et limites au droit d’auteur et droits voisins », Rapport présenté à l’Atelier sur la mise en œuvre du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et du traité

que sont (1) « le but et le caractère de l’usage, ce qui implique de savoir si l’usage est de nature commerciale ou à des fins d’enseignements sans but lucratif », (2) « la nature de l’œuvre protégée », (3) « la quantité et le caractère substantiel de la portion utilisée eu égard à l’œuvre protégée considérée comme un tout » et (4) « l’effet de l’usage sur le marché potentiel ou la valeur de l’œuvre protégée207 ».

131. Les deux droits reposent donc sur des paradigmes largement différents bien que le droit américain constitue un exemple mixte208. Le droit français vise donc la plus grande protection possible des auteurs et la lecture la plus stricte possible des exceptions, alors que le droit américain limite le monopole de l’auteur en laissant le champ des exceptions ouvert. La solution américaine a ses vertus - dans la mesure où elle assure une bonne adaptation aux nouvelles technologies - mais elle s’avère relativement insécurisante209 pour les créateurs de liens qui ne peuvent savoir a priori si la citation qu’ils font d’une œuvre est licite210. Le manque de prévisibilité doit cependant être nuancé car les juristes américains ont la culture des concepts malléables et sont plus en mesure que les juristes continentaux d’y faire face.

132. La différence doit cependant ne pas éclipser la convergence d’objectif des deux systèmes. Il s’agit dans les deux cas d’établir un équilibre entre le droit des auteurs et l’accès aux œuvres et à leurs informations211. Cette préoccupation concernant l’équilibre entre la propriété et l’accès à la connaissance était déjà connue du droit juif du 11e siècle. En effet, bien que le rabin Isaac Ben Jacob Alfassi avait affirmé le principe de propriété de la Thora, il avait introduit une exception lorsque les textes sacrés étaient rares dans une communauté212.         de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), Genève, 6-7 décembre 1999.

207

Traduction proposée par S. DUSOLLIER, « Droit d’auteur et protection des œuvres dans l’univers

numérique », Larcier, 2005, 242.

208

S. DUSOLLIER, « Droit d’auteur et protection des œuvres dans l’univers numérique », Larcier, 2005, 242.

209

Les juristes américains sont néanmoins plus à même que les juristes continentaux d’affronter le safe harbor de fair use car ils ont l’habitude de manier des concepts adaptatifs tels que le forum non conveniens. Il y a donc une habitude culturelle permettant aux juristes américains de prévoir de façon raisonnable la solution à apporter lors de l’application de l’exception de fair use.

210

K. CREWS, « The Law of Fair Use and the Illusion of Fair-Use Guidelines », Ohio State Law Journal, Vol. 62 :599, 2001, p. 605.

211

France : Prades, « Droit d'auteur et nouvelles exigences du public », 1992, Thèse Paris XII.

Etats-Unis : P. SAMUELSON, « When Worlds Collide : Intellectual Property at the Interface

Between Systems of Knowledge Creation : Unbundling Fair Uses », 77 Fordham L. Rev. 2537, avril

2009, 2541-2542.

212

D. NIMMER, « Copyright Sacred Text, Technology, and the DMCA », Kluwer Law International, 2003, p. 386-388.

Dans ce cas, ils pouvaient être reproduits librement. L’objectif était donc d’assurer l’accès à la Thora en cas de situation de rareté. L’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle ainsi que le test de fair use américain répondent, selon des modalités certes très différentes, à la même préoccupation d’assurer l’accès aux connaissances lorsque le marché de la circulation des œuvres n’est pas optimal.

133. Étant donné que les intérêts du public sont pris en compte dans les exceptions, la question s’est posée de s’avoir s’il s’agit d’un droit ou bien de tolérance. En l’absence de réponse donnée par les réglementations européenne, française et américaine213, la doctrine et la jurisprudence se sont divisées sur la question. Certains ont affirmé qu’il s’agit d’un droit214 du public215 alors que d’autres considèrent qu’il ne s’agit que de tolérances216. Un droit subjectif a, à l’inverse d’un droit objectif, un créancier217. Il est fondé sur la possibilité pour le sujet de faire quelque chose ou d’imposer à autrui de faire quelque chose218, c’est à dire sur des prérogatives219. En matière d’exceptions le public a un créancier en la personne de l’auteur, ce dernier ayant l’obligation de laisser les tiers utiliser son œuvre dans le cadre de la loi. L’arrêt Mulholland Drive220 a cependant écarté l’idée selon laquelle « la copie privée ne constitue pas un droit mais une exception légale ». Étant donné que dans les deux droits les tiers ne pourront saisir le juge pour qu’il oppose une exception à l’auteur, il ne peut être affirmé que les exceptions constituent des droits pour le public. Il ne s’agit que d’excuses à l’utilisation d’une œuvre protégée.

      

213

En France la loi du 1er août 2006 dite DADVSI n’a pas tranché la question et se contente de se référer au terme « Exception ». Aux Etats-Unis la section 107 du Copyright Act ne prend pas position.

214

CA Paris, 4e ch., 22 avril 2005, Mulholland Drive, D. 2005, Jur. 1573, note CASTETS- RENAZRD ; C. COLIN, « Devoir d’auteur », RIDA, avril 2010, p. 161-165 ; Bateman v. Mnemonics, Inc., 79 F.3d 1532, 1542 n.22 (11th Cir., 1996) : « Although the traditional approach is to view ‘fair

use’ as an affirmative defense, this writer, speaking only for himself, is of the opinion that it is better viewed as a right granted by the Copyright Act of 1976 » ; Suntrust Bank v. Houghon Mifflin Co., 268

F.3d 1257, 1260 n.3 (11th Cir. 2001).

215

E. DRONE, « A Treatise on the Law of Property in Intellectual Productions », Little Borwn & Co., 1879, p. 387.

216

Cass. civ. 1re, 19 juin 2008, Mulholland Drive II, Bull. civ. I, n°177, RIDA juillet 2008, p. 215, obs. P. SIRINELLI ; Paris, 20 juin 2007, « Warner Music », D., 2007. 2041, note J. DALEAU ; F. POLLAUD-DULIAN, « Le droit d’auteur », 1101 ; M.B. NIMMER, « Nimmer on Copyright », Lexisnexis, §13.05.

217

B. Mathieu et M. Verpeaux, « Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux », LGDJ, Paris, 2002, p. 435.

218

D. GUTMANN, « Droit subjectif», dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1680.

219

P. ROUBIER, « Théorie générale du droit », Dalloz, 1951, p. 253.

220

134. Les exceptions sont donc le résultat d’une recherche d’équilibre entre les auteurs et le public. En matière de liens deux types d’exceptions seront particulièrement pertinents. Les internautes pourront chercher d’écarter l’application du droit d’auteur et du copyright lorsqu’ils effectuent des citations (A) ou les revues de presse (B).

A) Les citations

135. Les citations permettent de reprendre pour mieux faire circuler les idées d’un auteur. Il s’agit de la conséquence du principe de la libre circulation des idées. L’absence de protection des idées était considérée naturelle au Moyen-Âge car les connaissances étaient un don de Dieu selon l’adage scentia donum Dei est, unde vendi non potest221. Le droit d’auteur était inconnu à cette époque car la question de la création d’œuvres nouvelles ne présentait pas la même urgence que la circulation des œuvres déjà existantes222. Le paradigme a été renversé depuis cette époque avec l’introduction du copyright puis du droit d’auteur mais l’idée d’assurer la circulation des idées nous est parvenue et s’est notamment traduite par la reconnaissance d’un droit à effectuer des citations.

136. La convention de Berne a ainsi introduit l’exception de citation à l’article 10.1. L’exception internationale dénote une prise en compte des intérêts du public et de la liberté d’expression des tiers à l’auteur223. Seront licites les citations « tirées d’une œuvre, déjà rendue licitement accessible au public, à condition qu’elles soient conformes aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but à atteindre ».

      

221

« La science ne peut être vendue car elle est un don de Dieu ». Traduction par I. DIU, E. PARINET, « Histoire des auteurs », op. cit, p. 103.

222

Les chansons de gestes du début du Moyen-Âge, comme la chanson de Rolland, sont le fruit d’une tradition populaire qui ne laisse pas de place à la prééminence d’un auteur. Le 12e siècle voit le grand retour des textes latins classiques avec les copies et les commentaires de Virgile, Stace et surtout Ovide. Voir A. LAGARDE, L. MICHARD, « Moyen-Âge », Bordas. Les quelques auteurs qui émergent individuellement comme Chrétien de Troyes restent relativement rares, d’autant que la création est censée être infusée par Dieu et que l’auteur contemporain est ‘un nain juché sur des épaules de géants ». Voir E. DIU, E. PARINET, « Histoire des auteurs », op. cit., p. 29 - 30 et 32 - 33.

223

137. Le critère de la parution licite ne présente pas de difficulté particulière. Il permet d’interdire le contournement du monopole de l’auteur par le droit de citation qui pourrait vider, au moins en partie, l’œuvre non encore divulguée de sa substance - et donc de sa valeur économique. Les citations d’œuvres non divulguées licitement seront ainsi illicites. La logique de webring est donc étendue aux exceptions. Les critères de conformité aux bons usages (1) et de mesure justifiée par le but à atteindre présentent en revanche plus de difficultés (2).

1) Les bons usages

138. La citation doit être conforme aux bons usages et doit être justifiée par le but à atteindre224. Le critère de la conformité aux « bons usages » a été introduit lors de la révision de Stockholm de 1967225 réformant la convention de Berne226. L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle227 souligne que l’utilisation du pluriel amène à se référer à ce qui est « couramment accepté » et à ce qui est « normalement admissible», ce qui impose une lecture vivante de la convention en fonction du contexte de l’interprétation. Il s’agira donc pour les tribunaux de statuer in concreto et en équité en fonction des faits de l’espèce228. L’interprétation faite par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle n’a cependant qu’une valeur informative et en aucun cas obligatoire. Il ne s’agit donc que d’un guide et les États membres restent libres d’interpréter le critère. Ni la France ni les Etats-Unis n’ont modifié leurs législations sur ce point.

      

224

Article 10.2 de la convention de Berne.

225

Guide de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (Acte de Paris, 1971), Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, Genève, 1978, p.67.

226

Article 10.1 de la convention de Berne.

227

Guide de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (Acte de Paris, 1971), Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ibid., p.67.

228

Guide de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (Acte de Paris, 1971), Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ibid., p.67.

139. En droit américain, une modification était inutile car le safe harbor de fair use permet de statuer in concreto et de retenir pour valide ce qui est normalement accepté229. Le caractère souple du safe harbor de fair use se situe donc dans la même approche que celle adoptée pour le critère des bons usages.

140. Le droit français n’a pas intégré ce critère en droit interne alors que l’article 5.3(d) de la directive 2001/29/CE l’a intégré. Un ersatz existe néanmoins. En effet, l’article L. 122-5 3° du Code de la propriété intellectuelle énonce que l’auteur ne peut interdire, sous réserve que soient cités le nom de l’auteur et la source « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». Les citations doivent en outre être incluses dans une œuvre citante230 conformément à l’article L. 122-5 du CPI qui se trouve moins restrictif que la directive 2001/29231 qui la limite aux usages critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information en ayant recours à des œuvres déjà publiées. Ce critère n’est pas mentionné par de nombreux pays232 car il s’agit d’un critère évident étant donné que la citation est « destinée à étayer un propos233 ». Le législateur français considère donc que les bons usages sont limités à certains usages limitativement énumérés. Cette approche ne constitue qu’un équivalent partiel du critère de bons usages de la convention de Berne car le législateur français n’a pas intégré la dimension dynamique et évolutive qui était au cœur du critère international. Le droit français se distingue donc du droit international et du droit américain par sa position statique.

141. La jurisprudence française, à l’inverse des juges américains, a eu l’occasion de se saisir de la question du recours à une exception au droit d’auteur pour la création d’une ancre.

      

229

G. JOYCE, M. LEAFFER, P. JASZI, T. OCHOA, M. CARROLL, « Copyright Law », LexisNexis, 9e édition, 2013, p. 863.

230

L’œuvre citante n’a cependant pas besoin d’être une œuvre protégée par le droit d’auteur : Voir : CJUE, C-145/10, 1er décembre 2011, Eva-Maria Painer c. Standard VerlagsGmbH, à 130.

231

La directive ne mentionne que la fin de critique ou de revue.

232

Pour un exemple de pays qui la partage voir l’article 70 de la loi italienne (legge del 22 aprile 1941, n°633).

233

A. LUCAS, « L’exception de citation », in ALAI, Les Frontières du Droit d’Auteur : ses limites et exceptions, 14-17 septembre 1998, p. 120.

Le Tribunal de Grande Instance de Nancy234 a ainsi pu retenir la légalité d’ancres constituées de citations d’articles. En l’espèce les ancres reprenaient les premières lignes d’articles de journaux ainsi que les titres et la source. Elles proposaient parfois un résumé de quelques lignes. Le jugement énonce que les liens permettent au journal de « remplir la mission d’information et de pluralisme de la presse ». Cette solution se place dans le sillage de l’arrêt Microfor235 - dont la solution a ainsi été réintroduite alors qu’elle avait été abandonnée à la suite de l’entrée en vigueur de la directive sur les bases de données236 - qui avait retenu qu’un index comportant la mention de titres d’œuvres ne porte pas atteinte au droit d’auteur. La Cour de cassation avait ainsi considéré qu’il s’agit de citations justifiées par le caractère d’information de l’œuvre. La très grande majorité des ancres pourra donc bénéficier de l’exception de citation dans la mesure où un site internet pouvant contenir plusieurs ancres d’hyperliens il y a lieu de la qualifier d’œuvre citante. Ce critère traditionnel du droit français a néanmoins été écarté par l’arrêt Painer237 de la CJUE qui a qualifié de citation un extrait d’une œuvre protégée qui ne se trouvait pas au sein d’une œuvre citante. Cette solution est surprenante car elle ne permet plus de faire le départ entre la simple citation et la contrefaçon d’un extrait, alors que Desbois avait souligné qu’il fallait que l’œuvre citante puisse « survivre