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2.1. Structure des représentations syntaxiques

Chez les adultes, les représentations syntaxiques sont structurées de façon hiérarchique (Lidz, 2007). Les mots formant les énoncés sont organisés en syntagmes. Un syntagme est « un groupe de morphèmes ou de mots formant une unité dans la phrase » (Le Robert de poche 2009, 2008). Par exemple, dans la phrase (1), le syntagme verbal (SV) regroupe le verbe et son objet (SN1). L’objet du verbe est lui même est un syntagme nominal (SN1) regroupant un déterminant (D) et un deuxième syntagme nominal (SN2). Ce deuxième syntagme est constitué d’un nom (N) et d’un syntagme prépositionnel (SPrép), lui même composé d’une préposition (Prép) et d’un nom propre (Npropre)

(1) Le papa brosse le chien de Léa.

Il est possible de mettre en évidence cette structure en constituants syntagmatiques lors de l’application d’opérations syntaxiques telles que la pronominalisation ou le mouvement.

Par exemple, lors de la pronominalisation, le syntagme nominal SN1 [le chien de Léa]

(2a) forme une unité de traitement syntaxique. Ainsi, comme il est montré en (2b), la pronominalisation isolée d’un constituant contenu dans le syntagme nominal SN1 (i.e. : [le chien]) produit une phrase illicite (indiqué par le signe *), alors que la pronominalisation du SN1 [le chien de Léa] en entier produit une phrase syntaxiquement correcte.

(2) a. Le papa brosse le chien de Léa.

b. Le papa le brosse.

* Le papa le brosse de Léa.

De même, lorsque l’on applique un mouvement à cet énoncé [Le papa brosse le chien de Léa] afin de créer un nouvel énoncé [C’est le chien de Léa que le papa brosse] (3a), le déplacement isolé d’un syntagme se situant en dessous du SN1 dans l’arbre syntaxique produit des phrases illicites (3b).

(3) a. C’est le chien de Léa que le papa brosse.

b. * C’est le que le papa brosse chien de Léa.

* C’est le chien que le papa brosse de Léa.

Par ailleurs, la structure en constituants peut être détectée lors de l’examen de phrases

« ambiguës » telles que « Paul regarde l’homme avec les jumelles ». En effet, cette phrase possède deux interprétations différentes, sous-tendues par deux arbres syntaxiques différents. Une première interprétation consiste à penser que Paul a utilisé des jumelles pour voir l’homme. Cette interprétation dérive de l’arbre syntaxique (4). La deuxième interprétation, « ce qu’a vu Paul, c’est un homme qui avait des jumelles », dérive de l’arbre syntaxique (5). Ainsi, bien que les mots de cet énoncé soient toujours dans le même ordre linéaire, leur organisation hiérarchique change. Cette dernière définit l’interprétation qui sera attribuée à la phrase.

(4)

(5)

2.2. Principes de liage

Les relations syntaxiques, c’est-à-dire les relations entre les différents mots dans le contexte d’une phrase, sont définies à partir de cette représentation en arbre hiérarchique (Lidz, 2007).

Une d’entre elles est la relation unissant un réflexif2 ou un pronom à un antécédent dans la phrase. Cette relation ne peut être définie uniquement de façon linéaire (en considérant par exemple qu’un réflexif ou un pronom est lié à un référent le précédant directement), tel que nous le voyons dans les exemples suivants :

(6) a. La maman de Léa se coiffe.

b. La maman de Léa la coiffe.

En effet, dans la phrase (6a), le réflexif « se » réfère à « la maman de Léa », alors que dans la phrase (6b), le pronom « la » réfère à « Léa ». Cependant, la structure linéaire (l’ordre des mots) est la même dans ces deux phrases. Il est donc nécessaire de considérer les structures hiérarchiques sous-tendant ces phrases pour comprendre comment ces pronoms se réfèrent à un antécédent.

Il est indispensable à ce stade d’introduire la notion syntaxique de c-commande. Un nœud syntagmatique X (e.g., SN1) c-commande un autre nœud syntagmatique Y (e.g., Pronom) si et seulement si :

- Le premier nœud dominant X domine aussi Y - X ne domine pas Y

- X ≠ Y

Dans l’exemple (7), le premier nœud dominant SN1 est P, qui domine également le Pronom ; SN1 ne domine pas le Pronom ; SN1 ≠ Pronom. Le SN1 c-commande donc le Pronom.

(7) La maman de Léa la coiffe.

                                                                                                               

2

 

Sauf précision, l’élément anaphorique « se » sera désigné comme réflexif et les pronoms personnels tels que

« le » « la » comme pronoms.

 

Cette relation de c-commande permet de définir les liens unissant un réflexif, un pronom ou un expression référentielle à un référent, tels que formalisés par Chomsky (1981) sous le nom de principes A, B et C.

Le principe A définit qu’un réflexif doit être lié localement, c’est-à-dire qu’il doit être lié à un antécédent le c-commandant. Dans l’exemple (8) :

- « Léa » se situe trop bas dans l’arbre syntaxique pour c-commander le réflexif.

- « Marie » est hors du domaine local.

- « la maman » c-commande le réflexif.

« La maman » est donc le seul antécédent pouvant être lié au réflexif « se ».

(8) Marie dit que la maman de Léa se coiffe.

se = la maman, *Léa, *Marie

Le principe B définit qu’un pronom doit être libre dans son domaine local, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être lié à un antécédent le c-commandant dans son domaine local. Dans l’exemple (9), les expressions référentielles « la maman », « Léa » et « Marie » occupent les mêmes positions que dans l’exemple (8) :

- « Léa » ne c-commande pas le pronom.

- « Marie » est hors du domaine local.

- « La maman » c-commande le pronom, elle ne peut donc pas être liée.

« Léa » et « Marie » sont donc les référents potentiels pour le pronom.

(9) Marie dit que la maman de Léa la coiffe.

la = Léa, Marie, *la maman

Le principe C définit qu’une expression référentielle ne peut pas être liée, c’est-à-dire qu’un pronom ne peut pas référer à une expression référentielle qu’il c-commande. Dans l’exemple (10), « elle » c-commande les expressions référentielles « Léa » et « la maman ».

Ces expressions ne peuvent donc pas être liées au pronom « elle ».

(10) Elle dit que la maman de Léa la coiffe.

elle = Marie, *Léa, *la maman