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Propriétés magnétiques : détection de l’ODS et de l’ODC

Le seul moyen de caractériser complétement la phase magnétique de nos films de Cr (vecteur de propagation, polarisation) est la diffraction de neutrons (se référer à la section 6.1). Une partie des renseignements (orientation de l’onde et valeur précise de la période de modulation) pourra également être extraite de mesures par diffraction de rayons X, qui portent néanmoins sur l’onde de densité de charge et non l’onde de densité de spin.

8.4.1 Diagramme de phases magnétiques et anisotropie par diffraction de neutrons

En diffraction de neutrons, à partir des cartographies du réseau réciproque du Cr autour des nœuds 100 et 001, on identifie clairement 2 pics autour de 100 en 10±δ et un pic près de 001 en 001+δ (Figures 8.9). Les nœuds 100 et 001 sont interdits pour la diffusion nucléaire par les règles d’extinction dans notre réseau cc. Le pic symétrique de 001+δ dans la cartographie autour de la position 001 est dissimulé par le pic parasite intense situé en 0 0 0.97, qui provient d’impuretés dans le substrat. Ce pic parasite est toujours observé dans tous les échantillons. Des filtrages à toutes températures ne font ressortir aucun autre pic magnétique que ceux-là.

Figure 8.9 – Cartographie du réseau réciproque du Cr par diffraction de neutrons pour une couche mince de référence, à 60K. a) Coupe selon (010) autour du noeud 100. b) Coupe selon (010) autour du noeud 001.

On peut ainsi en déduire que la seule phase magnétique présente dans nos couches est une phase d’onde de densité de spin incommensurable, se propageant selon la direction [001], c’est-à-dire la normale à la surface de l’échantillon. La mesure des intensités des pics en

fonction de la température permet en outre de déduire que l’onde de densité de spin est transverse au-dessus de 80K (donc que la polarisation ~S est dans le plan selon les directions

[100] ou [010]), puis qu’elle cohabite avec une ODS longitudinale (avec ~S et ~Q selon [001]) à

basse température. A températures intermédiaires, nos films sont donc mono- ~Q, avec ~Q selon

[001] mais pluri- ~S : deux domaines de polarisation coexistent, celle-ci pouvant être orientée

indifféremment selon les 2 axes <100> dans le plan.

Pour ce film de 200 nm de Cr, on obtient une valeur du paramètre d’incommensurabilité

δ de 0.047 unités de réseau réciproque (u.r.r.) à 60 K (soit Q=0.953u.r.r.), ce qui correspond

à une période d’un peu plus de 21 mailles de réseau réel.

Il en est de même pour tous les échantillons analogues (déposés avec les mêmes paramètres de dépôt), couches de référence ou couches inférieures de tricouche découplées : seule une phase d’ODS incommensurable se propageant hors plan est observée, et toujours avec une période proche de la valeur volumique de 0.048u.r.r. Aucune autre phase d’ODS (avec une période ou une orientation différente) ou commensurable n’est observée. Cela est un indicateur fort de la bonne qualité cristalline de nos films, obtenus par la méthode de croissance décrite dans la section 8.1, puisque l’apparition d’une phase commensurable dans le Cr en couche mince est fréquente pour une trop grande quantité de défauts cristallins [48](voir Figure 3.1 en page 22).

8.4.2 Evolution thermique de la période par diffraction de rayons X

Par diffraction de rayons X (décrite en section 6.3), on mesure les pics d’onde de densité de charge à ±2δ des pics structuraux, dont on extrait l’évolution de QODS=1-δ u.r.r. en fonction

de la température, pour un film de 85nm (Figure 8.10). Comme pour l’ODS observée en dif- fraction de neutrons, les satellites sont visibles selon les directions [001] du réseau réciproque, ce qui confirme l’orientation hors plan de la modulation.

Figure 8.10 – Evolution du vecteur de propagation Q de l’ODS en fonction de la température pour le Cr volumique [16] et pour un film mince de 85nm. On a également représenté les valeurs de Q correspondant à un nombre entier de périodes de l’ODC dans l’épaisseur.

A basse température, dans ce film, Q vaut 0.9553 u.r.r (soit un peu plus de 22 mailles de réseau réel), il y a donc environ 13 périodes d’ODS dans l’épaisseur du film (ou 26 périodes d’ODC)1. La période des modulations reste bloquée à cette valeur jusqu’à 160 K (contre 80 K pour le Cr volumique) avant d’évoluer de manière analogue à ce dernier [16].

Il y a donc deux différences importantes dans l’évolution thermique de Q dans le Cr en film mince par rapport au Cr volumique : le blocage de Q à une valeur plus élevée, et à partir d’une température plus haute. Ces phénomènes pourraient être attribués à un ancrage du réseau cristallin du film sur le substrat à basse température qui gèlerait l’onde de contrainte et l’onde de densité de charge à une période fixée lorsque le paramètre du MgO est constant. Cependant, ce n’est pas le cas ici puisque dans la direction hors plan, la déformation thermique est assez proche de celle du Cr volumique (voir Figure 8.4, avec un plateau dans son évolution ne survenant que vers 80 K et non 160 K.

Une autre explication invoquerait la quantification des périodes d’ODC dans l’épaisseur du film tel que décrite dans la section 3.3.1. Dans la montée en température, l’évolution en Q relevée ne correspond cependant pas à des sauts d’une période d’ODC supplémentaire dans l’épaisseur du film. La rugosité des interfaces doit en effet contribuer à un élargissement des pics et à un peuplement progressif des différents modes. Celui-ci ne serait pas détectable avec la résolution expérimentale dont on dispose (contrairement à l’étude reportée par Kummamuru

et al. [82]).

Des effets de quantification des ODS dans nos couches sont néanmoins tout à tout à fait probables. La stabilisation de la période de l’ODS à une température plus haute que dans les films minces et à une valeur plus élevée est expliquée par le modèle développé par Osquiguil

et al. (décrit dans la partie 3.3.1) [81]. Nous apporterons une preuve supplémentaire de la

validité de leur modèle de quantification des périodes d’ODS dans la section 11.2.2.