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14.2.1 Propriétés chimiques Oxydation à l’interface ?

Nous avons établi qu’il est possible d’obtenir une surface propre de Cr, sans contaminant. Néanmoins il est possible que l’ajout d’une couche de MgO modifie les propriétés électroniques du Cr, par hybridation du Cr avec l’oxygène (bien que le magnésium soit fortement électropo- sitif). Afin d’examiner une éventuelle oxydation locale du Cr à l’interface avec le MgO, nous avons étudié par spectroscopie XPS l’influence de l’ajout de MgO sur un échantillon com- portant une monocouche de Cr déposée sur une couche tampon de Fe sur substrat de MgO. Dans cet empilement, le signal du Cr provient uniquement de sa surface ou de l’interface Cr/MgO. Ces mesures ont été comparées à celles enregistrées sur un empilement identique MgO//Fe/Cr(1ML) à la surface duquel une monocouche d’O a été intentionnellement déposée. Le spectre XPS large (Figure 14.4) permet d’identifier les seuils 2p du Fe et du Cr, présents avant et après dépôt du MgO. La couche recouverte de MgO présente également le pic Auger caractéristique de l’oxygène, ainsi que les seuils 1s du Mg et de l’oxygène. Une mesure plus précise autour du seuil du Cr montre l’absence de différence notable sur le doublet de pics 2p1/2 et 2p3/2 (niveaux séparés par le couplage spin-orbite) après ajout de MgO sur la surface du Cr (voir Figure 14.5). Ceux-ci conservent même énergie de liaison (et même séparation), même largeur et intensité analogue (le pic 2p1/2 est légèrement plus faible). Pour comparaison, la mesure sur la couche de Cr recouverte d’oxygène affiche un net décalage en énergie du doublet de pics, une largeur de pics accrue et la présence d’un pic satellite à 598 eV. Ce spectre est conforme à ceux reportés dans la littérature pour l’oxyde de Cr le plus répandu, Cr2O3, où le Cr est à son degré d’oxydation III.

Le spectre enregistré pour le Cr recouvert de MgO est donc semblable à celui du Cr nu, et très différent de celui du Cr oxydé. On peut donc en conclure, que, à la sensibilité chimique de la mesure XPS près, le Cr n’est pas oxydé à l’interface avec le MgO et est donc chimiquement identique au Cr sur une surface de Cr nue.

Tenue au recuit

Pour les hétérostructures où le MgO joue le rôle de barrière isolante entre deux films métal- liques, il peut être nécessaire de recuire l’empilement complet (comprenant donc la couche de MgO) après dépôt de la couche métallique supérieure. Il est donc intéressant d’examiner l’in- fluence du recuit sur l’état chimique du Cr à l’interface. Nous avons donc recuit l’échantillon précédent MgO//Fe/Cr(1MC)/MgO à des températures croissantes et examiné l’influence de ce traitement thermique sur le seuil du Cr mesuré in-situ par XPS. Comme le démontre la Figure 14.6, il n’y a pas de changement notable sur le doublet de pics jusqu’à 450˚C. Pour les températures supérieures à 450˚C, les pics décroissent en intensité sans toutefois se décaler en énergie, et aucun satellite caractéristique de l’oxyde n’apparaît. La décroissance des pics

Figure 14.4 – Spectre XPS sur l’échantillon MgO//Fe/Cr(1MC) recouvert ou non de MgO, permettant d’identifier les espèces chimiques en présence et l’absence d’O sur la surface de Cr nue (énergie des photons incidents hν=1494eV).

Figure 14.5 – Spectre XPS enregistré au seuil 2p du Cr montrant le doublet électronique

Figure 14.6 – Evolution avec la température de recuit du seuil 2p du Cr à une interface Cr/MgO.

de Cr peut être attribuée à l’interdiffusion du Cr et du Fe à haute température, hypothèse corroborée par la croissance avec la température de recuit des pics du seuil 2p du Fe.

Il apparaît donc qu’il n’y a pas d’oxydation du Cr pendant un recuit à haute température, et que l’interface Cr/MgO est stable vis-à-vis des traitements thermiques au moins jusqu’à 450˚C.

14.2.2 Rugosité de l’interface

La rugosité à grande échelle de l’interface peut être mesurée par réflectivité de rayons X sur nos empilements épitaxiés. L’évolution de la réflectivité en fonction du vecteur d’onde Q est représentée en Figure 14.7 pour une couche mince de Cr déposée sur substrat de MgO et recouverte d’une couche protectrice de MgO. On observe deux battements, celui de basse fréquence correspondant à la couche supérieure de MgO de faible épaisseur, et celui de haute fréquence à la couche de Cr, plus épaisse. A partir de la décroissance de la courbe et de l’atténuation des oscillations en fonction du vecteur d’onde, l’on peut déduire la rugosité des différentes couches (à leur interface supérieure). Le modèle structural utilisé pour l’ajustement fournit donc, en sus des épaisseurs précises des couches, la rugosité (en moyenne quadratique) de la couche de Cr. Celle-ci est faible (4.2 Å soit environ 3MC de Cr) par rapport à l’épaisseur de la couche, et est partiellement imputable à la rugosité intrinsèque du substrat (3 Å soit 1.4MC de MgO).

Comme en atteste le suivi par RHEED du recuit de la couche de Cr après dépôt, le traitement thermique permet de lisser considérablement la surface et d’augmenter la taille des terrasses atomiques : pour une couche non recuite, la rugosité moyenne de l’interface atteint 25 Å, alors qu’à 500˚C, elle est réduite à 5.3 Å et entre 650˚C et 800˚C, à 3 Å.

A une échelle plus locale, les micrographies de l’interface Cr/MgO comme celle de la Figure 14.8 attestent de la qualité structurale de l’interface Cr/MgO : la couche de MgO (ici une couche épaisse, relaxée) croît avec une faible densité de défauts sur le Cr. En plus des dislocations d’interface qui seront discutées dans le paragraphe suivant, nous avons mis

Figure 14.7 – Spectre de réflectivité enregistré sur un empilement MgO//Cr/MgO et ajus- temet des paramètres structuraux.

en évidence sur la figure des dislocations coin relaxées sous forme de marches atomiques à l’interface. Elles définissent un ilôt central de 15.7 nm.