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Mesure de la déformation macroscopique par diffraction de rayons X

de rayons X

Les expériences de diffraction de rayons X ont été effectuées au Laboratoire SPMS à l’Ecole

Centrale, en collaboration avec B. Dkhil pour les mesures en température, et à l’Institut Jean Lamour à Nancy en collaboration avec S. Robert pour les mesures à température ambiante.

5.2.1 Dispositifs expérimentaux

Le diffractomètre du SP M S, équipé d’un cryostat fonctionnant à l’azote ou l’helium, possède une géomètrie 2 axes et ne permet donc de mesurer les pics de Bragg que dans un seul plan, défini par les deux angles de diffraction ω et θ. Celui de l’IJL est un diffractomètre 4 cercles eulérien, spécialement adapté à l’étude des couches minces, et qui peut également être utilisé comme réflectomètre.

Figure 5.2 – a) Construction d’Ewald montrant les conditions de diffraction sur le vecteur

~

Q=~kf-~ki pour un réseau cristallin (vecteur de réseau réciproque ~G). b) Schéma d’un diffrac-

tomètre 4 cercles.

Le rayonnement de la source à la longueur d’onde λ=1.540 56 Å qui correspond à la tran- sition électronique Kα1de l’anode en Cu est sélectionné en amont de l’échantillon grâce à un monochromateur. Le flux du faisceau incident, de taille latérale millimétrique, est d’environ 1010 photons/cm2/s sur l’échantillon (pour le diffractomètre du SPMS ).

Pour se placer en condition de diffraction, l’orientation de l’axe du détecteur par rapport à l’axe du faisceau incident et l’orientation de l’échantillon doivent être tels que le vecteur de diffraction ~Q coïncide avec un vecteur du réseau réciproque ( ~Q = ~Ghkl), comme le montre la

construction d’Ewald (Figure 5.2a). L’angle 2θ entre le faisceau incident et le faisceau diffracté est alors donné par la loi de Bragg :

où dhkl est la distance inter-réticulaire entre les plans (h k l) et n un entier. En géométrie eulérienne (Figure 5.2b), l’orientation de l’échantillon est gouvernée par les angles χ, φ et ω, qui permettent de placer celui-ci en condition de diffraction, c’est-à-dire d’aligner un de ces vecteurs du réseau réciproque avec le vecteur de diffraction : ~q = ~G. Nous avons précédemment

procédé à une description plus fournie des principes de la diffraction de rayonnements à laquelle on pourra se rapporter pour de plus amples détails [87].

Des expériences de diffraction par rayonnement synchrotron ont également été menées, principalement dans le but de mesurer les pics d’ondes de densité de charge, intimement liés à la structure magnétique. Nous reportons donc la description de ces autres expériences de diffraction de rayons X à la partie traitant des mesures magnétiques.

5.2.2 Mesures de diffraction effectuées

Nos mesures visent à déterminer les paramètres de maille dans le plan et hors plan des couches de Cr afin d’en déduire des paramètres quantitatifs pertinents pour la caractérisa- tion de couches, à savoir leur état de déformation et la distorsion tétragonale de la maille. Ces mesures constituent également un moyen de contrôler la bonne qualité cristalline des couches par la mesure des intensités et largeurs des pics de diffraction. Cette caractérisation à température ambiante a été menée de manière systématique sur tous les films minces déposés. Pour cela, nous avons mesuré les positions des premiers pics structuraux du réseau réci- proque du Cr : pics 002, 101, 202, 103 et 301 (la somme h + k + l doit être paire pour que le facteur de structure de ce cristal cubique centré soit non-nul). Bien que le Cr massif possède un réseau de symétrie cubique, dans nos films minces, la maille du réseau est quadratique à cause des contraintes épitaxiales. A partir de la distance inter-réticulaire dh0l calculée grâce

à la position en 2θ de chaque pic, nous avons calculé pour chaque position le paramètre de maille ah0l extrapolé pour une maille cubique :

ah0l = √ h2+ l2 dh0l = s h2+ l2 h2/a2+ l2/c2 (5.2)

Pour nos couches où la distorsion tétragonale est faible (les paramètres de maille dans le plan

a et hors plan c sont très proches), on peut montrer que ah0l suit une évolution linéaire avec

le paramètre h2/(h2+ l2) qui représente le sinus au carré de l’angle ψh0l que fait la direction

[H0L] avec la normale au film [00L] (voir encart de la Figure 5.3). L’intersection de cette droite avec l’axe vertical (en ψ = 0) donne le paramètre hors plan c, et l’intersection avec l’axe horizontal le paramètre dans le plan a (comme l’illustrent les Figures 5.3). Grâce à ce procédé, il est possible de mesurer le paramètre dans le plan avec une précision accrue par le plus grand nombre de pics mesurés (et même de donner une barre d’erreur sur sa valeur).

A partir de ces paramètres de la maille quadratique, nous obtenons directement la distor- sion tétragonale T=(c-a)/aCr, où aCr est le paramètre d’équilibre du Cr, et les déformations

dans le plan k et hors plan ⊥. Nous avons quantifié les contraintes et la pression équi-

Figure 5.3 – Exemples de détermination des paramètres de maille dans le plan et hors plan grâce à la mesure des différents pics de diffraction (pour une couche recuite à 800˚C et 650˚C).

déformations : σk = E k+ ν1 − ν − ν2 (5.3) σ⊥ = E 2νk+ (1 − ν)1 − ν − ν2 (5.4) Péq = −(2σk+ σ⊥) (5.5)

Avec E le module de Young et ν le module de Poisson, pour le Cr massif [8]. Cette estimation constitue évidemment une approximation assez sommaire, d’une part parce que les pressions ainsi calculées sont très élevées et sortent donc du cadre de l’élasticité linéaire applicable pour les faibles contraintes, et d’autre part parce que nous prenons comme valeurs de référence (E,

ν, aCr) les valeurs de ces paramètres dans le matériau massif. Cela fournit néanmoins une

estimation d’une pression "équivalente" dans nos films grâce à laquelle nous pouvons comparer les propriétés structurales de nos couches avec celles d’autres travaux antérieurs [46, 47, 55]. La détermination et comparaison systématique des paramètres structuraux est la clé de la reproductibilité de nos échantillons (et de leur phase magnétique), les contraintes jouant un rôle capital pour l’ordre magnétique observé dans nos couches minces, comme le démontrent les études sur des couches de différents états de contrainte menées dans les chapitres 11 et 12. 5.2.3 Mesures de réflectivité de rayons X

Grâce au diffractomètre modulable de l’IJL, des mesures de réflectivité sur les hétérostruc- tures comportant plusieurs couches de différentes épaisseurs ont également été effectuées. Il s’agit d’un balayage aux petits angles selon la direction [00L] du réseau réciproque. En ajus- tant la courbe de réflectivité obtenue (et en particulier les oscillations de différentes périodes) par un modèle structural de l’empilement, les épaisseurs et rugosité de chaque couche (à l’échelle de la longueur de cohérence du faisceau, de quelques dizaines de nm) sont extraites. Cela complète donc aussi à plus grande échelle l’étude par microscopie électronique.

Chapitre 6

Caractérisation magnétique des

couches

Un élément central de ce travail est l’étude du magnétisme du Cr en couches minces. Contrairement aux cas des matériaux ferromagnétiques où l’ordre magnétique peut être fa- cilement examiné par des mesures de magnétométrie (par effet Kerr, VSM ou SQUID), sa caractérisation dans des matériaux antiferromagnétiques est beaucoup plus délicate. La tech- nique principale adaptée à l’étude d’un ordre antiferromagnétique est la diffraction de neu- trons. Nous verrons néanmoins que son utilisation pour des films minces est complexe (faible intensité du signal, logistique de la mesure) et ne peut en aucun cas fournir une caractérisa- tion systématique. Des méthodes d’étude indirecte de la phase magnétique peuvent alors être employées : la diffraction par rayonnement synchrotron qui offre une résolution bien meilleure (pour le vecteur de propagation) mais qui nécessite également une logistique importante. Des mesures de transport sur les couches apportent beaucoup moins d’information mais ont l’avan- tage de pouvoir être effectuées de manière routinière. Nous présenterons dans cette partie les spécificités de chaque technique et leur apport pour nos travaux.

6.1

Détermination de la phase magnétique par diffraction de

neutrons

Cette thèse s’étant effectuée en cotutelle entre l’IJL à Nancy et le LLB au CEA Saclay, il est naturel que la diffraction de neutrons en représente une technique clé, et que les expé- riences aient été pour la plupart effectuées dans ce laboratoire d’accueil, en collaboration avec A. Bataille et A. Gukasov. Nos séries de mesures ont été réalisés sur le diffractomètre de mo- nocristaux 6T2 au LLB, et pour une expérience à haut champ (135kOe) sur le diffractomètre D23 de l’ILL, en collaboration avec E. Ressouche.

6.1.1 Configuration de l’expérience

Le diffractomètre 6T2 (Figure 6.1), situé dans le hall réacteur du LLB, utilise des neu- trons thermiques et possède une configuration 4 cercles ou bras levant, l’une étant associée à un dysplex (pour le refroidissement de l’échantillon), l’autre à un cryoaimant permettant d’atteindre des champs magnétiques de 70kOe.

Figure 6.1 – Diffractomètre 6t2 en configuration 4 cercles.

La longueur d’onde du faisceau de neutrons incidents (non polarisés) est fixée à une valeur de λ=2.345 Å grâce à un monochromateur en graphite pyrolithique, et des filtres additionnels permettent d’éliminer complètement (partiellement sur D23) l’harmonique en λ/2 et partielle- ment celle en λ/3. L’inconvénient de ce filtrage est de réduire le flux incident sur l’échantillon d’un facteur 2, celui-ci atteignant alors 106-107 neutrons/cm2/s. En aval de l’échantillon, le rayonnement diffracté est détecté grâce à un détecteur 2D ("Position Sensitive Detector") de 128×128 pixels de large. Ceci permet donc d’obtenir des coupes bidimensionnelles de l’espace réciproque pour chaque orientation de l’échantillon. Le diffractomètre D23 est lui équipé d’un détecteur ponctuel.

Du fait de la grande profondeur de pénétration des neutrons (et donc de leur faible in- teraction avec la matière), il est judicieux d’utiliser des échantillons comprenant une grande quantité de matière, afin de détecter en sortie un signal diffracté d’intensité suffisante. En cela, la diffraction de neutrons n’est pas une méthode idéale pour l’étude de couches minces, dont la quantité de matière est par définition faible (à cause de leur faible épaisseur). Néanmoins, il existe des moyens de circonvenir cet handicap, le premier étant de recourir à des échan- tillons de grande surface (substrat de 3cm×3cm), et d’empiler et coaligner les 9 échantillons de 1cm×1cm obtenus après clivage de l’échantillon initial. Malgré ce stratagème, les intensi- tés diffractées restent faibles, et pour identifier ces faibles signaux magnétiques, nous avons recours à des techniques de traitement d’image qui exploitent le caractère tridimensionnel des taches de diffraction (obtenues grâce au détecteur 2D) [89].

De plus amples détails sur le montage expérimental et la technique de diffraction neutro- nique sont rapportés dans notre travail précédent [87].

6.1.2 Informations sur la phase magnétique

La diffraction est sensible à la périodicité structurale et magnétique d’un cristal [90]. L’information structurale provient d’une interaction complexe entre le neutron et le noyau

atomique, et l’information magnétique de l’interaction dipolaire entre le moment magnétique du neutron et le moment magnétique de l’atome. Dans nos travaux, nous nous sommes concen- trés exclusivement sur l’information magnétique.

L’intensité magnétique détectée pour un vecteur de diffraction ~q dans une structure ma-

gnétique ordonnée possède 3 dépendances principales : d’une part, comme pour la diffraction de rayons X, les conditions de Bragg doivent être remplies, i.e. ~q doit être un vecteur du

réseau réciproque magnétique. Si ~G est un vecteur du réseau réciproque structural et ~Q le

vecteur d’ordre de la structure magnétique, il vient ~q = ~G + ~Q. D’autre part, la diffraction

de neutron n’est sensible qu’à la composante du moment magnétique µ(~q) perpendiculaire

au vecteur de diffraction. Par exemple, lorsque que l’on examine une zone près du nœud 001 du réseau réciproque, seules les composantes de moment dans le plan (001) peuvent être détectées. Enfin, l’intensité est proportionnelle au nombre de spins qui diffusent de manière cohérente, c’est-à-dire à la taille des domaines magnétiques cohérents (et au volume total de l’échantillon).

Figure 6.2 – Pics de Bragg magnétiques observés selon les phases magnétiques présentes dans un film mince de Cr. L’ODS peut être commensurable (C) ou incommensurable, et dans ce cas transverse (T) ou longitudinale (L). Toutes les phases sauf L↑ et C↑ possèdent deux

domaines équivalents en ~Q ou en ~S, ce qui est pris en compte dans les intensités fournies

(proportionnelles au moments du Cr en phase incommensurable µI ou commensurable µC). Le cas où aucune intensité n’est présente à la position considérée est indiqué par une croix ×. Dans le cas du Cr (réseau cristallin cubique centré) dans une phase AF commensu- rable, le vecteur d’ordre de la structure magnétique est un vecteur du réseau réciproque ( ~Qcom= ~G<100>). Des pics correspondant à cette phase magnétique sont donc obtenus pour

les vecteurs de diffusion1 :

~

q = ~Ghkl+ ~G<100> (6.1)

Les premiers pics magnétiques, qui seront ceux que nous examinons dans nos expériences, sont donc situés aux nœuds 100, 010 et 001 du réseau réciproque, interdits pour le signal

structural. De plus, grâce à la mesure de ces différents pics magnétiques, la direction des moments (orientés préférentiellement selon les axes <100> dans le Cr) peut être déterminée : la détection d’une tache de diffraction en 001 indique en effet la présence de domaines où la polarisation de l’ODS est orientée dans le plan (001) du film.

Dans le cas du Cr sous phase incommensurable, le vecteur d’ordre est le vecteur de pro- pagation de l’ODS ~Qincom=(1±δ) ~G<100>. La signature magnétique associée à cette phase

consiste donc en des pics satellites situés de part et d’autre des positions interdites pour la diffraction nucléaire :

~

q = ~Ghkl+ (1 ± δ) ~G<100> (6.2)

L’emplacement dans le réseau réciproque des différents pics associés au réseau structural, à l’onde de densité de spin et l’onde de densité de charge a été illustré en Figure 1.6 page 8.

Nous fournissons dans la Figure 6.2 une table de vérité qui récapitule quels pics magné- tiques sont détectés en fonction des phases magnétiques présentes. La donnée et l’intensité relative des pics présents permettent ainsi de déterminer les domaines antiferromagnétiques présents dans la couche.

Cette analyse par diffraction de neutrons des domaines antiferromagnétiques dans les couches de Cr est au cœur des études menées sur l’influence de paramètres intrinsèques (dopage, distorsion tétragonale) et externes (champ magnétique) sur le magnétisme du Cr dans les chapitres 10, 11 et 12. Elle constitue également la pierre angulaire de la mise en évidence du couplage tunnel dans les hétérostructures Cr/MgO/Cr (au chapitre 18).

6.1.3 Traitement de données

Des coupes tridimensionnelles de l’espace réciproque peuvent être explorées grâce aux cartographies bidimensionnelle effectuées pour différentes orientations de l’échantillon. Pour nos expériences, nous avons examiné les zones situées autour des nœuds 100, 010 et 001 du réseau réciproque. A cause du petit volume diffractant de nos échantillons et de la faiblesse des moments magnétiques du Cr, les signaux magnétiques à détecter sont très faibles. Les temps d’exposition pour chaque orientation de l’échantillon sont typiquement de 60 s, et un balayage complet autour d’un nœud du réseau réciproque prend donc environ 2h (en comptant le temps de déplacement des moteurs). En dépit de ces longues durées d’acquisition, les signaux sont néanmoins de faible intensité : typiquement, la présence d’une tache de diffraction est ainsi caractérisée par l’impact moyen de 0.25 neutron supplémentaire par pixel du pic, et ce pour un temps d’intégration de 60s. Afin de détecter de tels signaux, il est indispensable de tirer profit du caractère tridimensionnel de la mesure de la tache de diffraction.

La détection des faibles taches de diffraction s’appuie sur des techniques de traitement d’image appliquées aux données tridimensionnelles après acquisition, grâce auxquelles le contraste de ces pics peu intenses est nettement renforcé (jusqu’à un facteur 35) [89]. Dans un premier temps, une étape de pré-traitement consiste à transformer le bruit de fond intrin- sèquement poissonnien en un bruit blanc gaussien par une transformation d’Anscombe (voir la référence [89]). Dans un second temps, les données tridimensionnelles sont convoluées avec un filtre similaire aux pics à détecter et dont la taille est optimisée afin de faire ressortir les faibles signaux. Ce filtre est construit grâce à une fonction de résolution, fonction laplacien de gaussien calculée avec les paramètres de résolution instrumentaux. Grâce à ce traitement, un masque des zones comportant des pics magnétiques est formé, et l’intensité de chaque pic

est extraite des données brutes par la sommation de l’intensité (corrigée du bruit de fond) au niveau des masques. Les cartographies du réseau réciproque que nous présenterons dans les parties suivantes représentent les données filtrées (où le contraste est fortement réhaussé).

Cette procédure a été appliquée à toutes les données 3D enregistrées sur le diffractomètre 6T2. Pour les données linéaires obtenues sur le diffractomètre D23 de l’ILL, nous avons effec- tué de simples sommes intégrées sur les pics magnétiques.

La diffraction de neutrons fournit des informations sur l’ordre magnétique en volume. Afin de connaître la structure magnétique de nos couches au niveau des interfaces, nous avons utilisé la réflectivité de neutrons polarisés, analogue magnétique de la réflectivité de rayons X.