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13.3.1 Etats induits par le métal dans le MgO (MIGS)

Le MgO formant un réseau cubique à faces centrées, la symétrie cubique est conservée pour un empilement épitaxié(001) de Cr/MgO. Comme isolant (gap de 7.5eV), le MgO ne comporte pas d’état électronique au niveau de Fermi. Néanmoins, des états évanescents à vecteur d’onde complexe et énergie dans le gap peuvent être solution de l’équation de Schrödinger dans l’isolant (Figure 13.8) [9, 162]. Les états itinérants métalliques (ici du Cr) se raccordent aux états évanescents de même symétrie dans le MgO, dont la densité d’état est donc maximale aux interfaces métal/MgO. Ces états formés dans la bande interdite, provenant de l’atténuation dans l’isolant d’états métalliques sont appelés MIGS (Metal Induced Gap States) [9, 162].

De même que pour le transport dans des hétérostructures sans conservation de symétrie, l’atténuation des fonctions d’onde dans l’isolant est minimale pour une direction normale à la surface, c’est-à-dire pour les vecteurs d’onde au centre de la zone de Brillouin de surface Γ. La Figure 13.9a qui montre l’atténuation des états de Bloch dans le MgO en fonction de la composante dans le plan kk du vecteur d’onde illustre ce phénomène [163].

13.3.2 Importance des symétries

Néanmoins, dans les empilements épitaxiés où la symétrie des fonctions d’onde est conser- vée, celle-ci influe sur leur taux d’atténuation dans l’isolant. L’amortissement dans le MgO est plus faible pour des fonctions d’onde de type électrons libres ou à caractère s marqué, qui comportent moins de nœuds dans le plan (001), que pour des fonctions d’onde de type d [9]. Dans la direction ∆ (normale à l’interface), le taux d’atténuation des fonctions d’onde des

Figure 13.8 – Diagramme de bande complexe du MgO dans la direction ∆. Les taux d’atté- nuation au niveau de Fermi des fonctions d’onde des différentes symétries, κ1, κ5 et κ0

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sont indiqués. D’après Dederichs et al. [162].

différentes symétries est déterminé par la structure de bande complexe du MgO [162, 164]. Les bandes de la structure électronique complexe forment des boucles qui relient les bandes de conduction et de valence de même symétrie, et le vecteur d’onde au niveau de Fermi donne le taux d’atténuation κ1, κ5 ou κ0

2 de l’onde évanescente de cette symétrie (voir Figure

13.8). On voit ainsi que κ1 < κ∆5 : les états de symétrie ∆1 sont donc plus faiblement

atténués dans la barrière que les états ∆5. Pour des barrières de MgO épaisses, les états de

symétrie ∆5 et ∆02 s’évanouissent et seuls les états ∆1 persistent à travers celle-ci : le MgO agit donc comme un filtre pour la symétrie ∆1.

La Figure 13.10 représente la densité d’état tunnel en Γ pour les différentes symétries des bandes volumiques majoritaires dans le Fe : les états ∆1 et ∆5 s’atténuent le moins

rapidement dans le MgO et peuvent donc être transmises à travers la barrière tunnel dans l’électrode réceptrice.

13.3.3 Rôle des états résonnants d’interface

A kk croissant, la transmission des fonctions d’onde à travers le MgO s’atténue en oscil- lant mais comporte des maxima locaux en quelques points chauds de la zone de Brillouin de surface. Pour les états minoritaires du Fe, par exemple, la transmission est maximale sur un anneau autour du point Γ [163]. Cette transmission importante d’états à kk non nul pro- vient de la présence d’états résonnants d’interface (états localisés situés dans le continuum des états volumiques) qui créent une forte densité d’état à l’interface (reproduite en Figure 13.9b), augmentant ainsi significativement la transmission tunnel pour certains kk [9, 162]. Selon ces calculs, dans le cas d’une hétérostructure épitaxiée comportant des interfaces symétriques, la formation d’états hybrides à partir des états résonnants d’interface peut permettre, dans les conditions de résonance, une transmission sans atténuation des électrons à travers la barrière

Figure 13.9 – a) Taux d’atténuation minimal des fonctions d’onde dans le MgO en fonction du vecteur d’onde dans la zone de Brillouin de surface. b) Densité spectrale des spins minoritaires pour la surface du Fe(001). D’après [163].

Figure 13.10 – Densité d’état tunnel pour les états de Bloch des différentes symétries pro- venant de la couche de Fe. Les états métalliques du Fe pénètrent dans le MgO, ceux de symmétrie ∆1 et ∆5 s’atténuent à un taux plus faible dans le MgO et se raccordent avec les états de Bloch de même symétrie dans l’autre électrode de Fe [9].

tunnel [162, 165].

Une connaissance détaillée des états d’interface, dont la contribution au transport tunnel peut être déterminante, est donc indispensable pour l’étude d’hétérostructures épitaxiées. Les états localisés de l’interface Fe/MgO ont fait l’objet de nombreuses études théoriques et expérimentales. A notre connaissance, il n’en existe aucune sur l’interface Cr/MgO, qui présente un intérêt en propre (spintronique avec des AF, voir chapitre 17.3.3) mais aussi dans l’objectif d’une comparaison avec d’autres systèmes [métal cc/MgO]. Afin d’interpréter les phénomènes de couplage dans nos systèmes comportant des interfaces Cr/MgO, nous avons étudié les propriétés de la structure électronique à l’interface Cr/MgO, dont les résultats sont rapportés dans le chapitre 15.

Chapitre 14

Caractérisation de la surface

Cr(001) et de l’interface Cr/MgO

Dans nos travaux, nous nous sommes concentrés sur l’étude de l’interface Cr/MgO et plu- sieurs raisons motivent ce choix. Tout d’abord, il est délicat d’étudier une surface de Cr(001) nue, car au contact de l’air, celle-ci se recouvre de contaminants, et le Cr se passive de manière non contrôlée par formation d’un oxyde Cr2O3. Cela modifie les propriétés électroniques de la surface par l’hybridation du Cr avec l’O, et ainsi potentiellement aussi ses propriétés magné- tiques. Il est donc très difficile d’observer une surface de Cr(001) propre, à moins d’effectuer les mesures sous vide, après de nombreux nettoyages de la surface (comme pour notre étude d’ARPES décrite au chapitre 7). En revanche, il est plus facile de contrôler les propriétés d’une interface, dans notre cas, l’interface Cr/MgO : le nettoyage s’effectue in-situ et assure la pureté de la surface avant dépôt du MgO ; les propriétés structurales et chimiques de l’in- terface peuvent être analysées in-situ par des techniques de surface (RHEED et Auger) ; et enfin, une fois la couche de MgO déposée, l’empilement peut être sorti à l’air sans risque de modifier les propriétés de l’interface, enterrée1. En outre, grâce aux études décrites dans le chapitre 8 sur le magnétisme de couches minces isolées recouvertes de MgO, nous avons établi que son interface avec le MgO ne modifie pas le magnétisme volumique de la couche isolée de Cr. D’autre part, hormis cette facilité à contrôler la nature de l’interface, l’étude du sys- tème Cr/MgO est également motivée par un intérêt scientifique, à savoir le transport tunnel dans des empilements épitaxiés métal/oxyde. Nous exposerons plus en détail les phénomènes mettant en jeu de tels systèmes métal bcc/MgO (comme Fe/MgO/Fe) dans la partie V.