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Modification de la structure de bande volumique par le MgO

Les résultats concernant exclusivement la structure volumique du Cr ont été décrits dans le chapitre 9 pour l’échantillon de Cr nu et pour certaines mesures de l’échantillon de Cr recouvert de MgO. Mis à part l’absence de certains marqueurs de l’ordre AF pour l’échantillon de Cr nu, on s’attend à ce que la présence de MgO en surface du Cr ne perturbe pas la structure de bande volumique du matériau (d’autant moins que le Cr n’est pas oxydé à l’interface). Les résultats présentés dans le chapitre 9 pour les deux échantillons sont en bonne conformité qualitative avec la structure de bande théorique.

Néanmoins, les mesures effectuées en émission normale (pour différentes énergies de pho- tons incidents) sur le Cr/MgO montrent des dispersions qualitativement différentes de celles du Cr, dont nous allons essayer d’expliquer la cause dans cette partie.

15.2.1 Observations

Sur la Figure 15.5a en émission normale et polarisation s, la bande volumique ∆5 est bien

visible, ainsi que sa partie supérieure près du niveau de Fermi au niveau du gap en X, vers 33 eV. Cependant, ces deux points mis à part, cette cartographie pour la direction ∆ pour le Cr/MgO est qualitativement différente de celle du Cr nu (en Figure 9.5b page 82). D’une part, une forte intensité est visible près du niveau de Fermi à partir de 65 eV, qui ne provient pas de l’état localisé ∆1 puisque seule la symétrie ∆5 est détectée en polarisation s. D’autre part,

un transfert d’intensité à partir de l’énergie de liaison de la bande volumique ∆5 vers les plus

faibles énergies de liaisons est observé dès 60 eV et particulièrement apparent à 95 eV. Cette évolution est en désaccord avec la dispersion de la bande ∆5 calculée, et mesurée pour le Cr :

le transfert d’intensité observé ici commence à une valeur de k001 de 0.12ΓX (en utilisant la

valeur de V0 du Cr) très éloignée du point X, et le minimum d’énergie de liaison (qui devrait correspondre au point X) est en 0.86ΓX. Le spectre obtenu pour le Cr/MgO diffère donc nettement de celui attendu d’après la structure de bande volumique du Cr.

Afin de déterminer l’origine de ces bandes supplémentaires, nous avons examiné la disper- sion dans le plan (selon [¯110]) à différentes énergies de photons incidents (les cartographies à 71 et 101 eV sont représentées en Figures 15.5b et c). Il est attendu que la dispersion à 71 eV ressemble sensiblement à la dispersion selon ΓM (le point Γ est atteint pour une énergie in- cidente de 65 eV) : les bandes Σ sont effectivement identifiées (lignes noires). De même pour la dispersion à 101 eV, proche du point X (situé à 106 eV), les bandes S caractéristiques du gap sont visibles (lignes noires).

Grâce à la cartographie 15.5b, on peut remarquer que l’intensité située près du niveau de Fermi en k¯110=0 correspond à une bande formant une parabole renversée selon k¯110 qui

ressemble très nettement à celle de la cartographie 15.5c, et donc à la bande supérieure S du gap en X. De même le transfert d’intensité vers les énergies de liaison autour de Eb ≈0.4 eV en110=0 peut être rapproché de l’existence de la bande S inférieure, telle que sur la cartographie

15.5c près de X. La Figure 15.5c comporte elle aussi, outre les bandes S, une bande linéaire repliée au niveau de Fermi qui n’est pas sans rappeler la bande Σ3 de la dispersion selon ΓM . Ainsi, les deux cartographies pris à des k001 éloignés (presque 12 ZB) sont très ressemblantes et montrent la superposition des dispersions caractéristiques selon ΓM et XR. Pour le Cr recouvert de MgO, il semble donc y avoir un effet de perte de résolution en k001de la dispersion des états volumiques (visible également en polarisation p, et à 370 K). Ce fait établi, nous

Figure 15.5 – Mesures en fonction de l’énergie de photons incidents prises pour l’échantillon Cr/MgO à 150 K, en polarisation s. a) Dispersion le long de la normale (direction ∆). La notation EV ∆5 indique la présence d’un état volumique ∆5 (seule symétrie autorisée), no- tamment près du niveau de Fermi (traits pointillés rouges). Les pointillés noirs indiquent les énergies de photons auxquelles correspondent les cartographies b et c. Les Figures b) et c) représentent les dispersions selon la direction [¯110] dans le plan du film. Les bandes atten- dues pour ces valeurs de k001 (aux énergies hν=71 eV et 101 eV) sont représentées en noir, les bandes supplémentaires en couleur.

allons en proposer une interprétation.

15.2.2 Interprétation : rôle des MIGS

La perte de résolution en k001 pourrait être imputable à une modification du travail de sortie du matériau par la présence d’une couche de MgO en surface. La rugosité de la couche de MgO à l’échelle du faisceau incident (50 µm) pourrait engendrer une distribution de travail de sortie selon l’épaisseur locale du MgO. Néanmoins, ce genre d’effet n’est pas observé puisque pour l’échantillon de Cr/MgO, le travail de sortie reste bien défini et très proche de sa valeur dans l’échantillon de Cr nu. En outre, une large distribution de valeur de φ (qui n’aurait pas de justification physique), serait nécessaire pour expliquer cette perte de résolution sur une demie zone de Brillouin.

Nous proposons que les caractéristiques particulières des dispersions expérimentales ob- servées pour une couche de Cr recouverte de MgO proviennent de l’existence de MIGS dans le MgO (voir section 13.3). Aux énergies de photons utilisées (entre 20 et 100 eV), les photo- électrons détectés proviennent des tout derniers plans près de la surface (3MC pour la surface de Cr nue). Lorsque le Cr est recouvert de MgO, ce sont donc les états électroniques dans le MgO et proches de l’interface dans le Cr (profondeur d’échappement électronique de moins de 2MC) qui contribuent le plus à l’intensité détectée (voir Figure 7.4 en page 56). Les énergies de liaison examinées dans notre étude se situant dans le gap de l’isolant, aucun état intrin- sèque au MgO n’est visible. En revanche, les états induits par le métal dans le MgO sont susceptibles d’être détectés, d’autant plus que les profondeurs sondées sont faibles (moins de 2MC dans le Cr) c’est-à-dire pour des énergies de photons à partir de 60 eV.

Figure 15.6 – a) Contribution à l’intensité détectée pour une bande volumique, provenant des différentes profondeurs dans l’échantillon, en fonction de l’énergie de photon incident hν. Seules la dépendance de la profondeur d’échappement des photons en fonction de hν et l’atténuation de la bande ∆5 dans le MgO (κ=0.81 Å

−1

[9]) sont pris en compte. b) Evolution du poids des MIGS dans l’intensité détectée, en fonction de hν.

La participation des MIGS au signal détecté pour le Cr/MgO permet d’expliquer deux principales caractéristiques observées sur les spectres, à savoir la superposition des dispersions, provenant d’une perte de résolution en k001, et l’accentuation de l’effet pour les énergies

de photons supérieures à 60 eV. Pour les fonctions d’onde de part et d’autre de l’interface Cr/MgO, la composante dans le plan du vecteur d’onde est conservée, mais non la composante

normale à l’interface. En outre, les MIGS étant très localisés près de l’interface Cr/MgO (onde évanescente dans le MgO) de même qu’un état de surface, ils ne doivent pas présenter de dispersion par rapport à la normale à l’interface. Les MIGS peuvent contribuer aux bandes détectées en émission normale (kk=0) mais aussi plus faiblement à la dispersion aux faibles kk. D’ailleurs, la présence d’états résonnants (EI1 et EI2) à des kk et des énergies de liaison

proches de ceux des bandes volumiques observées doit favoriser leur transmission dans le MgO. Les bandes situées près du niveau de Fermi et en centre de zone sont néanmoins les mieux transmises dans le MgO, ce qui explique la bande intense ∆5 détectée près du niveau

de Fermi (en Figure 15.5a).

La plus grande sensibilité des mesures aux états présents dans le MgO quand l’énergie de photons hν augmente, qui se traduit par une intensité plus forte pour la bande près du niveau de Fermi, peut s’expliquer par l’évolution de la profondeur d’échappement des électrons en fonction de leur énergie cinétique. Quand l’énergie des photons incidents augmente, le signal détecté provient de profondeurs plus faibles dans l’échantillon, et la contribution des interfaces et de la couche de MgO se renforce. D’autre part, la présence de MIGS qui s’atténuent exponentiellement dans le MgO favorise également la contribution des régions dans le MgO situées près de l’interface. En conséquence de ces deux effets combinés, il apparaît dans la Figure 15.6 que le poids des MIGS dans le signal détecté double entre 20 et 60 eV, puis reste constant. Cela concorde avec l’accentuation de l’effet de perte de résolution en k001 observé à partir de 60 eV.

Nous attribuons donc les caractéristiques des spectres mesurés pour le Cr/MgO à la su- perposition d’un signal provenant des états métalliques de la couche de Cr (comme pour l’échantillon de Cr nu) et d’états évanescents (MIGS) dans le MgO.

15.3

Conclusions sur la structure électronique de surface et