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Chapitre 1 : Contexte et état de l’art

1.3.3. Les nanoparticules de silice multifonctionnelles

1.3.3.3. Propriétés et applications

L’utilisation de nanoparticules fonctionnelles est un domaine en pleine expansion. Les nanoparticules de silice constituent une catégorie particulièrement intéressante, principalement du fait de la biocompatibilité de ce matériau, de sa transparence de l’UV au proche infrarouge et de sa grande stabilité physico-chimique. De plus, comme cela a déjà été mentionné, la surface de la silice est facilement fonctionnalisable, ce qui est généralement une étape indispensable pour les applications en biotechnologie. Enfin, la synthèse par microémulsion inverse permet de contrôler efficacement la taille des nanoparticules de silice et d’obtenir des NPs de taille inférieure à 50 nm, une propriété importante en biotechnologie

pour des applications in vivo84, 85. Ci-dessous, nous allons exposer quelques propriétés principales des NPs fonctionnalisées et les applications que s’en déduisent.

- Résonance localisée des plasmons de surface

Il s’agit d’un phénomène physique propre aux nanostructures métalliques telles que Au, Ag, Cu, etc., dont l’une des dimensions au moins est nanométrique. Il peut donc s’agir de nanosphères, nanobâtonnets, ou encore de nanoprismes, mais aussi de films de quelques nanomètres d’épaisseur. Cette résonance est une oscillation cohérente des électrons de surface excités par la lumière. C’est une onde à caractère évanescent, son amplitude décroît exponentiellement avec la distance par rapport à l’interface. La résonance se produit lorsque la fréquence de vibration des électrons correspond à celle de la lumière incidente. Lorsque cette résonance se produit, l'énergie de la lumière incidente est transférée dans les nanomatériaux, ce qui entraine une augmentation du coefficient d’extinction correspondant à la longueur d'onde69. Cette résonance localisée des plasmons de surface présente une application directe comme capteur. Par exemple, des clusters d'argent intégrés dans de la silice poreuse, montrant une résonance localisée importante et sensible aux deux explosifs nitroaromatiques et nitroaliphatiques, sont préparés par le procédé de microémulsion inverse. La performance de cet hybride est due à la combinaison de l'accumulation d'explosifs nitrés dans la silice poreuse et de l'interaction des groupements d'argent avec ces explosifs nitrés. Il en résulte une détection très sensible et sélective des explosifs nitrés par les changements de l'intensité de l'extinction de la résonance localisée des plasmons de surface des clusters d'argent incorporés dans la matrice de silice86.

- Absorption des rayons UV

Une partie de la population est de plus en plus exposée au rayonnement UV du soleil, ce qui peut entrainer des endommagements de sa peau d’où la nécessité de développer des produits cosmétiques ayant une forte capacité de protection. Comme déjà mentionné, des NPs de ZnO, de TiO2 et de CeO2 sont souvent utilisées comme matériaux anti-UV en raison de leur transparence optique élevée dans le domaine du visible et de leurs capacités à absorber les rayons UV. Cependant, quand ils sont utilisés dans le domaine des cosmétiques, la surface doit être parfois modifiée avec des matériaux « inertes », notamment les NPs de CeO2 qui présentent des propriétés photocatalytiques et un indice de réfraction élevé ; il est possible par exemple de réduire ces deux facteurs simultanément en déposant une couche d’épaisseur contrôlée de silice à la surface de nanocristaux de CeO287. Par ailleurs, Wang et al.70 ont synthétisé du ZnO@SiO2 ; ils ont diminué avec succès leurs activités en photocatalyse ce qui permet leurs applications comme anti-UV durables, sûrs, et non réactifs dans les matières plastiques, les revêtements, et d'autres produits.

- Fluorescence

L’encapsulation d’un nombre important et varié de luminophores dans des nanoparticules de silice est une des activités les plus étudiées dans ce domaine. Tous les types connus de luminophores ont pu être encapsulés dans de la silice, ce qui en fait une matrice de choix.

*Les « quantum dots » (QDs) qui sont des nanocristaux de matériaux semi-conducteurs (ZnS, CdSe, PbSe, etc.). Le confinement quantique des excitons du matériau entraîne l’apparition de niveaux d’énergie discrets. Il en résulte des propriétés de

luminescence avec des intensités très élevées et une couleur d’émission qui dépend directement de la taille des nanocristaux46, 53, 88.

*Les clusters métalliques71, 89, 90 qui sont un groupement fini d’atomes métalliques directement liés entre eux. C’est dans cette catégorie que nous trouvons les clusters d’éléments de transition qui seront une partie intégrante des travaux de cette thèse.

*Les nanocristaux up-conversion91 qui sont à base d’ions lanthanides inclus dans des

nanocristaux inorganiques et qui sont particulièrement intéressants, car ils peuvent émettre à une longueur d’onde plus courte que la longueur d’onde d’excitation. Ils sont donc capables d’être excités et d’émettre dans le proche infrarouge.

*Les pigments organiques92-94 qui sont des luminophores moléculaires ; ils présentent des spectres d’émission fins avec des rendements quantiques proches du 100% dans le visible. De plus, ils sont liés par des liaisons covalentes avec la matrice de silice. Leurs principaux inconvénients sont la perte de luminescence à cause de la photodégradation de la molécule et ceux émettant dans le proche infrarouge ont un rendement très faible.

Lorsqu'ils sont combinés avec la silice, les composites fluorescents obtenus sont doués de nouvelles propriétés, telles que la stabilité chimique et thermique, la biocompatibilité... Leurs principales applications couvrent l’imagerie, les capteurs, la diode d'émission de lumière (LED), etc. La LED est une application directe des matériaux luminescents. Li et al.95 ont préparé des nanocomposites de CdTe@SiO2 et ils ont fabriqué une seule électrode LED avec eux. La LED a une meilleure stabilité.

La Figure 1.18 montre que ces nanoparticules sont généralement constituées d’un cœur très riche en luminophores, auquel s’ajoute parfois une écorce de silice protectrice. Le fait d’appliquer cette écorce de silice supplémentaire permet d’exalter les propriétés de luminescence des pigments et d’obtenir des intensités comparables à celles obtenues avec des QDs de semi-conducteurs. Des tests de non-toxicité ont été effectués sur des souris. Wiesner

et al. ont obtenu, en 2011, l’autorisation de l’U.S. Food and Drug Administration pour réaliser

ces tests sur des humains96. Cette autorisation constitue une avancée considérable pour le développement des nanobiotechnologies, car il s’agit des toutes premières nanoparticules inorganiques avec des diamètres inférieurs à 10 nm à être testées in vivo sur le corps humain aux Etats-Unis.

Figure 1.18 : Un aperçu de la polyvalence des NPs fluorescentes core-shell de silice : illustrations de particules à simple et double émission ainsi qu’un nano-shell d’or encapsulant des core-shell sont présentés au centre de la figure par contre sur la périphérie on trouve différentes applications telles que la bio-imagerie, le transport des

- Catalyse

Étant donné que la silice obtenue par le procédé sol-gel est poreuse et très stable même à des hautes températures, elle constitue un support idéal pour des catalyses hétérogènes. De plus, la silice est un acide faible ce qui la rend idéale pour des catalyses acides. Wang et al. ont utilisé du MoO3@SiO2 comme catalyseur. Ces composites présentent des activités catalytiques durables et peuvent être utilisés cinq fois sans désactivation remarquable. L’amélioration de la performance catalytique a été attribuée à la structure unique et la taille ultra-petite de ces nanocomposites97.

- Propriétés magnétiques

La combinaison de la silice avec des matériaux magnétiques est largement étudiée. En tant que matériaux superparamagnétiques, les oxydes de fer tels que la maghémite (γ-Fe2O3), la magnétite (Fe3O4), ou autres spinelle de type MFe2O4 (M= Co, Mn, etc.) ont été exploités. A noter qu’à température ambiante, ces matériaux sont généralement ferromagnétiques à l’état massif, mais deviennent superparamagnétiques lorsqu’ils sont à l’échelle nanométrique98. Ils ont une utilité potentielle comme agents de contraste pour l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ou médiateurs colloïdaux pour les traitements magnétiques et hyperthermies du cancer99, 100. Chen et al.101 ont synthétisé des nanoparticules core-shell de Fe3O4@SiO2 et ils ont étudié leur application en tant qu’agent de contraste IRM. Le signal IRM est un signal électromagnétique qui est détecté et permet de créer une image. Les principaux paramètres qui assurent le contraste d’une image IRM sont les temps de relaxation T1 et T2. Le temps T1 est le temps de relaxation longitudinal ou temps de relaxation spin-matrice, il est lié aux transferts d’énergie depuis les spins des protons vers leur environnement. Le temps T2 est le temps de relaxation transversal ou temps de relaxation spin-spin, il est lié aux transferts d’énergie entre les spins de protons adjacents. Chen el al. ont prouvé la possibilité d’utiliser ces Fe3O4@SiO2 en tant qu’agent de contraste en T2 ; leur rôle est de diminuer le T2 et dans ce cas on parle de contraste négatif (zones ciblées plus sombres). D’autre part, des composés à base de gadolinium (III) paramagnétiques102

sont utilisés en tant qu’agent de contraste en T1 et ont pour effet de diminuer ce temps, nous parlons alors de contraste positif (zones ciblées plus claires).

La particularité de ces matériaux, qu’ils soient superparamagnétiques ou paramagnétiques est qu’ils ne possèdent pas d’aimantation spontanée à température ambiante, mais lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique extérieur, ils acquièrent une aimantation dirigée dans le même sens que le champ magnétique. Lorsque le champ magnétique extérieur est retiré, le matériau perd son aimantation, sans présenter d’aimantation rémanente. L’avantage des matériaux superparamagnétiques est qu’ils présentent une susceptibilité magnétique beaucoup plus grande que les matériaux paramagnétiques.

- Multifonctionnels

Les recherches sur des matériaux multifonctionnels prennent de plus en plus d’importance. Sur la base de la simplicité de la méthode de microémulsion inverse pour les composés à base de silice, les composites intégrant de multiples fonctions au sein du même système ont gagné de plus en plus d'intérêt.

La combinaison des propriétés la plus étudiée est celle des propriétés magnétiques et luminescentes. Mou et al. ont développé des NPs de Fe2O3@SiO2-FITC81. Ceci a permis de

rend efficace pour marquer les cellules Hela (Figure 1.19 (a)). Les propriétés de luminescence permettent de localiser une cellule ; quant aux propriétés magnétiques, elles sont utilisées pour détruire localement les cellules cancéreuses. De plus, Grasset et al.103 ont synthétisé des billes de silice bifonctionnelles à base de clusters d’éléments de transition, ayant la particularité d’émettre dans le proche infra-rouge, et des particules superparamagnétiques γ-Fe2O3. De même Aubert et al. ont fait des systèmes dérivés, mais toujours à base de clusters23 (Figure 1.19 (b)). Ces NPs bifonctionnelles seront étudiées en détail au cours de ce manuscrit au chapitre 2 pour améliorer ces systèmes qui ont déjà été synthétisés dans le but d’avoir une meilleure reproductibilité, de grandes quantités et performances.

De nombreux articles ont également été publiés sur des particules de silice bifonctionnelles encapsulant des luminophores et des nanoparticules plasmoniques. Ceci peut augmenter l’intensité d’émission de 2 à 1000. Ce processus est connu sous le nom de Surface Enhanced Fluorescence (SEF)104. Les rendements quantiques et les temps de vie se trouvent alors augmentés. La distance entre les luminophores et les NCs plasmoniques doit être parfaitement contrôlée au risque d’éteindre l’émission ; c’est dans ce but qu’un enrobage de silice peut servir d’espaceur entre les différents composants105

.

Figure 1.19 : (a) Image de microscopie confocale des cellules HeLa du Fe3O4@SiO2-FITC81. (b) Cliché MET de NPs de γ-Fe2O3-Cs4[Re6S8Br6]@SiO223.

Aspect fondamental de la luminescence des lanthanides

1.4.

1.4.1. Les terres rares

Les terres rares englobent le groupe des lanthanides (notés de façon générale Ln) constitué des quinze éléments situés sur une même ligne allant du lanthane (Z=57) au lutécium (Z=71), auxquels s’ajoutent l’yttrium (Z=39) et le scandium (Z=21) (Figure 1.20). Il est à noter que le prométhium n’existe pas sous forme naturelle, car c’est un élément instable et radioactif issu de la fission du noyau d’uranium 92U.

Figure 1.20 : Les terres rares dans la classification de Mendeleiev.

Le terme « terres rares » tire son origine de leur découverte au XIXéme siècle et signifie « minerais rare ». Cette dénomination est erronée, les terres rares sont des métaux plutôt abondants dans l’écorce terrestre comparé à d’autres métaux fortement utilisés.

Le problème semble être la sur consommation plutôt que l’abondance. Par exemple, la terre rare la moins abondante, le thulium, est 8 fois plus abondante que l’argent et 150 fois plus que l’or. Le cérium, terre rare la plus abondante, se trouve à des teneurs supérieures à celles du cuivre, du cobalt ou du plomb. Aujourd’hui, la Chine produit 95% de l’offre mondiale en terres rares (Figure 1.21).

Figure 1.21 : La part de la production mondiale de la Chine et les principaux domaines d’applications106.