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I.4. Les nanotubes de carbone

I.4.5. Propriétés électriques des nanotubes de carbone

I.4.5.1. Propriétés de conductivité des nanotubes de carbone

En plus de leurs propriétés mécaniques intéressantes, les nanotubes de carbone présentent également des propriétés de conduction électrique particulières. Comme nous l’avons vu précédemment leur structure en font de bons conducteurs électriques. Suivant leur chiralité, les SWNTs peuvent être soit métalliques, soit semi-métalliques ou semi-conducteurs [Hamada] et deux tiers d’entre eux, à l’issue de la synthèse, auront un comportement métallique. Les MWNTs, quant à eux, sont tous métalliques. Les nanotubes de carbone peuvent supporter une forte densité de courant de 100 MA.cm-2 [Wei] et ont une résistivité de l’ordre de 10-4Ω.cm dans le cas des MWNTs, en comparaison celle du cuivre est de 10-6 Ω.cm. L’avantage des nanotubes réside en fait dans leur faible densité couplée à leur grande anisométrie, qui diminue la quantité de charge à incorporer pour rendre le matériau conducteur, ce qui permet d’atteindre un très faible seuil de percolation. Ainsi, une des applications les plus prometteuses pour les nanotubes de carbone est l’apport de la conduction électrique dans les polymères en utilisant une très faible quantité de nanotubes tout en conservant les propriétés de la matrice polymère.

I.4.5.2. Effet des nanotubes de carbone sur la conductivité des nanocomposites

Le potentiel des nanotubes de carbone comme charge conductrice a été mis à profit dans un grand nombre de matrices polymères. Les seuils de percolation électrique les plus bas obtenus pour chacun des types de nanotubes de carbone sont les suivants : pour les composites contenant des SWNTs, il est de 0.002wt% [Seoul]. Pour ceux contenant des MWNTs, les seuils vont jusqu’à 0.0018wt% [Kim 2005].

L’état de l’art nous permet aussi de montrer quelles sont les caractéristiques des nanotubes de carbone qui influencent la conductivité dans les composites.

Tortuosité/Structure

Pour une même matrice polymère, le type de nanotubes (SWNTs ou MWNTs) ainsi que le traitement (purification ou oxydation) ne semblent pas beaucoup influencer les maxima de conductivité électrique. D’autre part, Bauhofer et al., qui ont réalisé une étude exhaustive des propriétés de conduction de composites polymère - nanotubes de carbone [Bauhofer], remarquent que les MWNTs non enchevêtrés donne des conductivités bien supérieures à celles obtenues avec des MWNTs enchevêtrés. En effet, plus les nanotubes de carbone ont une tortuosité importante, plus le rapport d’aspect est diminué, ce qui donne un seuil de percolation plus élevé.

Rapport d’aspect

En théorie, pour des MWNTs de diamètre environ 10 nm et de longueur environ 1 µm, soit un rapport d’aspect de 100, le seuil de percolation est de l’ordre de 0.7wt%. Pour des SWNTs, de diamètre de l’ordre du nanomètre, le seuil de percolation est inférieur et est autour de 0.1wt%. Expérimentalement, différents rapports d’aspect de nanotubes ont été testés et le seuil de percolation obtenu comparé. Ainsi, Bryning et al. [Bryning] montrent que, pour deux types de composites à matrice époxy avec des SWNTs fabriqués de deux façons différentes par le procédé HiPco (High Pressure carbon monoxide) [Nikolaev] et par ablation laser [Guo], le seuil de percolation résultant est inférieur pour les SWNTs élaborés par ablation laser que par HiPco. La différence entre ces deux types de nanotubes réside dans leur rapport d’aspect puisqu’il est de ~150 pour les SWNTs HiPco et de ~380 pour les SWNTs par ablation laser. De plus, Bai et al. trouvent un rapport huit entre les seuils de percolation des MWNTS dans une matrice époxy lorsque la longueur des MWNTs varie de 1 µm à 50 µm [Bai]. Ce paramètre a donc une très grande importance sur la conductivité des composites

polymère/nanotubes et il faut donc privilégier les nanotubes de carbone ayant un fort rapport d’aspect pour obtenir des composites conducteurs.

Orientation

Dans le cas de charges sous la forme de fibres tel que les nanotubes de carbone, l’orientation est un paramètre important pour le seuil de percolation et ainsi pour la conductivité dans les matériaux composites. Nous avons vu, d’après la théorie de la percolation, que plus les nanotubes sont orientés et plus le seuil de percolation est haut. Du et al. montrent que pour des composites PMMA/SWNTs, il existe une orientation critique des nanotubes de carbone pour laquelle la conductivité décroît rapidement [Du]. Une distribution isotrope des nanotubes de carbone conduit ainsi à une conductivité assez proche de l’optimum.

Dispersion

La dispersion des nanotubes dans les composites est également un paramètre influençant le seuil de percolation. Deux visions coexistent concernant l’état de dispersion des nanotubes fournissant le seuil de percolation le plus bas. La vision la plus répandue est que les nanotubes individualisés ont un rapport d’aspect plus important que les agrégats de nanotubes et donnent un seuil de percolation plus bas. La seconde vision rapporte qu’une légère agrégation diminue les seuils de percolation. Ainsi dans les travaux de Vigolo et al. et Schilling et al., les auteurs montrent qu’à concentration suffisante en tensioactif, des interactions attractives de déplétion ont lieu entre les faisceaux, entraînant une agrégation de ceux-ci et une diminution du seuil de percolation [Schilling, Vigolo]. Bryning et al. et Martin et al. observent dans les résines époxy que les dispersions où les nanotubes de carbone se sont réagrégés présentent des seuils de percolation plus bas [Bryning, Martin]. D’autre part, Bauhofer et al. concluent, après avoir répertorié un grand nombre d‘exemples, que les bonnes dispersions impliquant un gainage du polymère autour des nanotubes, n’engendrent pas les meilleures conductivités [Bauhofer]. Certains procédés comme la réagrégation par cisaillement empêchent d’ailleurs la formation d’une couche de polymère isolante sur le nanotube ou réduisent au moins son épaisseur.

Influence des nanotubes modifiés chimiquement

Il est reconnu que la fonctionnalisation covalente des nanotubes de carbone interrompt la conjugaison-π à longue portée le long des nanotubes et réduit donc la conductivité électrique des nanotubes individualisés. Pourtant, plusieurs chercheurs rapportent une amélioration de

la conductivité pour des nanotubes fonctionnalisés. En effet, Valentini et al. soulignent que les SWNTs fonctionnalisés par des fonctions amines favorisent la migration des charges intrinsèques dans des matrices époxy, ce qui contribue à la conductivité totale [Valentini]. Tamburri et al. rapportent que la fonctionnalisation des SWNTs par des groupements –OH et –COOH augmente la conductivité dans les polymères, tels que le (1,8-diaminophtalène), d’un facteur 90 et 140 respectivement. Tandis que lors de l’incorporation de nanotubes de carbone non fonctionnalisés, la conductivité n’est augmentée que d’un facteur 20 par rapport au polymère seul [Tamburri]. Il semblerait que les effets négatifs de la fonctionnalisation soient contre balancés par l’amélioration de la dispersion qu’apporte cette fonctionnalisation.

Effet de la matrice sur les propriétés électriques des composites

Un grand nombre de matrices polymères ont été testées à ce jour et une partie est recensée par Bauhofer et al. [Bauhofer]. En comparant les conductivités de matrices différentes, il semble que l’influence de la matrice ainsi que le procédé de fabrication ont plus d’influence que le type de charges incorporées.

En résumé, pour tirer au mieux partie de la conductivité des nanotubes dans un composite, il est clair que les nanotubes doivent avoir le plus grand rapport d’aspect possible. Leur dispersion doit être de bonne qualité pour éviter la formation d’agrégats au sein de la matrice polymère. Le plus souvent, cela passe par un bon recouvrement des nanotubes par un agent dispersant (tensioactif, polymère) qui aura alors tendance à créer des barrières isolantes entre les nanotubes. Il y a donc là une réelle difficulté à franchir pour atteindre de bonnes propriétés électriques et aujourd’hui encore, de nombreuses équipes se confrontent à ce problème. Un des objectifs de ce travail consiste à tenter d’apporter une solution, et nous verrons dans le chapitre II qu’il est possible de parvenir à un bon compromis entre état de dispersion et conductivité.