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Cadrage théorique et propositions de recherche

3.2. Quatre propositions de recherche issues du croisement des littératures

Nous voyons que de nombreuses caractéristiques de la méta-organisation terri- torialisée peuvent agir sur les facteurs de la créativité organisationnelle des organi- sations créatives. Nous formulons ainsi quatre propositions de recherche permettant d’expliquer les effets des caractéristiques de la méta-organisation territorialisée sur les facteurs favorisant la créativité organisationnelle des organisations créatives. Ces propositions sont issues des résultats de notre croisement des grilles théoriques ; nous les utiliserons par la suite pour structurer nos résultats.

Tout d’abord, les organisations créatives ont besoin de ressources suffisantes dans le domaine de la tâche (Amabile, 1988) pour mener à bien leurs activités de création (Carrier et Gélinas, 2011 ; Sonenshein, 2014). Ces ressources peuvent être financières, matérielles, informationnelles et en temps. Les organisations créatives ont besoin de ces ressources pratiques pour survivre et doivent souvent être accompagnées par des partenaires extérieurs comme les institutions ou les entreprises privées. Dans cette situation, la méta-organisation peut jouer un rôle dans l’acquisition et le partage de ressources entre ses membres (Ahrne et Brunsson, 2005), surtout lorsqu’elle est localisée dans un espace défini. Le secrétariat délivre alors des ressources directes et indirectes (Berkowitz, 2016 ; Bor, 2013) aux organisations membres. Les organisations créatives peuvent ainsi échanger des ressources et profiter de celles que peut offrir la méta-organisation par le biais de son secrétariat.

Notre première proposition de recherche est que le secrétariat de la méta- organisation territorialisée peut apporter des ressources au� organisations créa-territorialisée peut apporter des ressources au� organisations créa- tives et leur permettre d’échanger des ressources entre elles.

Par ailleurs, les organisations créatives ont besoin de pouvoir permettre aux indi- vidus d’échanger et de décloisonner les pratiques, d’être en contact avec leur concur- rence, de pouvoir se démarquer tout en profitant de l’émulation générée par les effets de rassemblement et le réseautage entre organisations (Bérubé, 2015 ; Jacobs, 1969). Sur ces questions, la méta-organisation peut être efficace, notamment sur sa capacité à réguler les collaborations entre ses membres en interne et avec leurs partenaires en externe (Ahrne et Brunsson, 2010b). Par le biais de nouveaux standards adoptés par les membres (Malcourant et al., 2015), de nouvelles pratiques se développent et créent de la coopération et collaboration. De plus, la méta-organisation territorialisée établis- sant une proximité (Saxenian, 1994) entre les membres, les possibilités de rencontres, d’échanges et de réseautage augmentent significativement.

Notre deu�ième proposition de recherche est que la méta-organisation terri- torialisée permet – par des standards, une pro�imité territoriale et une régulation des collaborations internes et e�ternes – de faciliter les échanges et le réseautage entre organisations créatives, permettant ainsi une plus grande émulation entre elles.

Ensuite, le besoin d’autonomie et d’indépendance est essentiel à la créativité afin que chacun puisse explorer, inventer et imaginer sans être contraint par des éléments qui pourraient brider leur créativité (Daymon, 2000 ; Teipen, 2008). Il est alors essentiel pour l’organisation de déléguer les prises de décision, de limiter la hiérarchie et d’adop- ter une structure aplanie (Catmull, 2008 ; Ensor et al., 2001). L’organisation créative ne pourrait pas l’être si elle se voyait imposer des activités ou des fonctionnements allant à l’encontre de l’exploration nécessaire à la créativité. Pour cela, il est important que le contexte externe de l’organisation créative ne la prive pas de cette indépendance. C’est bien le cas de la méta-organisation qui confère à ses membres toute leur autonomie dès le départ grâce à l’adhésion volontaire (Ahrne et Brunsson, 2008). De par sa faible hiérarchie, le poids de ses membres identique dans la gouvernance et ses standards non contraignants émanant du consensus (Dumez, 2008 ; Kerwer, 2013), la méta-orga- nisation laisse à ses membres leur autonomie pour développer leur organisation et leurs activités comme ils l’entendent. Cependant, les standards peuvent également

être un obstacle à l’autonomie et l’indépendance en ce qu’ils peuvent mener à l’impo- sition de similarités et une homogénéisation des pratiques. Un trop fort développe- ment concurrentiel (Ahrne et Brunsson, 2010b) de la méta-organisation territorialisée peut aussi menacer l’autonomie des membres.

Notre troisième proposition de recherche est que l’adhésion volontaire et la gouvernance méta-organisationnelle hétérarchique et égalitaire, ainsi que les standards non contraignants émanant du consensus permettent au� organisa- tions créatives de garder leur autonomie et leur indépendance à la condition que cesdits standards ne mènent à une imposition de similarités et à une homogénéi-à une homogénéi-une homogénéi- sation des pratiques et que la méta-organisation territorialisée évite de se déve- lopper en concurrence de ses membres.

Enfin, les organisations créatives ont besoin de bénéficier d’une réputation créa- tive pour pouvoir continuer leur activité dans un contexte politique et économique dif- ficile. Cela passe notamment par la publicisation de leur activité et le maintien de leur statut auprès des partenaires (Bérubé, 2015). Les organisations créatives peuvent voir en la méta-organisation une structure privilégiée pour accéder à cette réputation créa- tive. Car faire partie d’une méta-organisation, c’est partager une identité (un « nous ») et avoir le statut de membre (Ahrne et Brunsson, 2008, 2010b ; Dumez, 2008), ce qui peut s’avérer bénéfique pour la réputation créative de l’organisation. La méta-organi- sation peut jouer un rôle de promotion de la créativité de ses organisations membres par l’influence qu’elle possède sur son environnement (Ahrne et Brunsson, 2010b ; Berkowitz et Souchaud (2017) ; elle peut également faire en sorte de conserver cette réputation en maintenant des règles contraignantes à l’entrée (Dumez, 2008) pour effectuer une sélection des futurs membres de la méta-organisation et ainsi protéger le statut privilégié de membre.

Notre quatrième proposition de recherche est que l’identité commune, l’in- fluence sur l’environnement, les règles contraignantes à l’entrée et le statut de membre conféré par la méta-organisation territorialisée peuvent aider les organi- sations créatives à maintenir et à développer une réputation créative.

Dans ce troisième chapitre, nous avons développé deux configurations organisationnelles qui pourraient correspondre à notre compréhension des friches culturelles : les collectifs créa- tifs (Aubouin et Coblence, 2013 ; Simon, 2009) et les clusters créatifs (Landry, 2000 ; Suire, 2005). Les collectifs créatifs expliquent l’organisation née de la vision commune des acteurs, mais ne proposent ni une structuration en relation avec les pouvoirs publics, ni une structure interne du système d’acteurs solide sur le long terme. Quant aux clusters créatifs, ils permettent en effet une structuration en relation avec les pouvoirs publics, mais ne présument pas nécessairement d’une vision commune des acteurs ou d’une structure interne solide. Ces deux propositions de configurations organisationnelles, bien qu’intéressantes sous plusieurs aspects, ne réussissent pas à décrire l’organisation effective des friches culturelles.

Nous avons donc proposé de comprendre la configuration organisationnelle de la friche culturelle par le biais du concept de méta-organisation territorialisée (Ahrne et Brunsson, 2005, 2008 ; Gadille et al., 2013). Ce concept nous permet de mieux cerner les logiques organisation- nelle et stratégique qui se jouent au sein de la friche culturelle, tout en répondant aux trois éléments de compréhension des friches culturelles : (1) une vision commune dès la création, (2) une capacité d’être en relation avec les pouvoirs publics grâce à une influence sur l’envi- ronnement institutionnel et (3) la méthode du consensus et une structure interne du système d’acteurs solide par le biais d’une gouvernance collaborative accompagnée d’un secrétariat de gestion des affaires courantes.

Nous avons alors proposé une question de recherche informée par la littérature étudiée aux chapitres 2 et 3. Cette question est : comment les caractéristiques de la méta-organisa- tion territorialisée influencent-elles les facteurs favorisant la créativité organisationnelle des organisations créatives ? Pour répondre à cette question de recherche, nous avons tout d’abord opéré un croisement des deux ensembles de littérature. Ainsi, nous avons cherché à savoir quelles caractéristiques de la méta-organisation territorialisée pouvaient avoir un effet sur les facteurs favorisant la créativité organisationnelle des organisations créatives. Grâce à cet exercice, nous avons pu proposer quatre propositions de recherche correspondant aux zones de croisement des littératures. Ces propositions vont nous aider à cadrer l’analyse de notre ter- rain de recherche, pour proposer des éléments de réponse à notre question de recherche.

Épistémologie

et méthodologie