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Extrait146 :

Antennes & GSM, nocifs ou pas ?

Tous cobayes ? Le citoyen ignore souvent que les prouesses technologiques mobiles ont un prix : une élévation continue du niveau d’exposition aux champs électromagnétiques. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous vivons jour et nuit, 365 jours par an, dans un environnement saturé de micro-ondes. Aucune technologie ne s’est imposée aussi rapidement à un niveau mondial, ce alors que sa nocivité fait débat pour certains et est démontrée pour d’autres. Ainsi se dégage l’impression étrange de participer bon gré mal gré à une expérience grandeur nature, dont nous sommes les cobayes. Il existerait actuellement un débat sur la possible nocivité du GSM et des antennes relais. Pour ce qui est du GSM il faut savoir que le débat est clos pour les pédiatres, médecins et scientifiques. Il ne fait pour eux aucun doute que l’utilisation du GSM (et Iphones, tablettes, téléphone sans fil DETC, certains “baby-phone”, etc.), particulièrement par ou pour les enfants, est nocive. Seuls les fabricants, les opérateurs, les médias et trop de décideurs politiques continuent de “douter” malgré les preuves apportées par un nombre croissant d’études sérieuses et reconnues. Pour ce qui est des antennes relais, le débat est toujours en cours et plus délicat, car dans ce cas, même ceux qui font le choix de peu ou ne pas utiliser de GSM se voient imposer un rayonnement électromagnétique continu, de jour comme de nuit. Mais ici aussi un nombre croissant d’études scientifiques démontrent un impact indéniable des antennes sur le sommeil et la santé des populations voisines.

Dans les différents domaines technologiques, de l’automobile à l’aéronautique, l’innovation et le progrès passent par l’économie et un impact moindre sur l’environnement. Les technologies mobiles et les ………..

146 Extrait de : Association Bruxelles grONDES, Antennes & GSM, nocifs ou pas? [En ligne].

opérateurs représentent un enjeu trop important pour leur permettre d’échapper à cette logique.

Le déploiement de nouvelles technologies mobiles ne représente pas un progrès quand elles provoquent une augmentation objective des pollutions urbaines déjà nombreuses.

Introduction

Cela fait maintenant plus d’une vingtaine d’années que la téléphonie mobile s’est installée en Europe, amenant avec elle son lot de controverses et de polémiques. Celles-ci furent particulièrement vives dans les années 2000147, mais elles n’ont jamais véritablement cessé depuis. Autour de l’implantation de nouvelles antennes relais nécessaires à la téléphonie mobile, de nombreux groupes d’habitants se mobilisent aujourd’hui encore, inquiets pour les risques pour leur santé dont ils ont entendu parler.

La crainte exprimée est celle d’une pollution. L’environnement est-il pollué par ces ondes ? Y a-t-il un risque à vivre près d’une antenne ? Doit-on craindre pour la santé ? Celle de ses enfants ? Quels sont les risques de ce brouillard électrique, cet « electrosmog » dont on entend parler ?

En cherchant sur Internet des informations sur les ondes des antennes, les citoyens curieux et inquiets peuvent facilement trouver des associations militantes148 déjà anciennes maintenant, qui se sont créées autour de la question des antennes de téléphonie mobile et regroupent électrosensibles (souvent abrégés « EHS »)149, citoyens inquiets, militants ………..

147 Pour une chronologie du débat en France, on consultera principalement : Olivier Borraz, Michel Devigne, et Danielle Salomon, Controverses et Mobilisations Autour Des Antennes Relais

de Téléphonie Mobile, Centre de Sociologie des Organisations, 2004.

148 Les principales associations françaises sont : Robin des Toits, Priartem, Electrosensibles.org, Une terre pour les EHS, Next-Up, Criirem. En Belgique : Démobilisation, Beperkdestraling, Teslabel, Bruxelles grONDES. Voir en fin de thèse pour la bibliographie complète, reprenant les sites Internet des principales associations.

149 Comme nous le montrerons dans la suite, la définition même de l'électrosensibilité (ou

Electrohypersensibilité, abrégé EHS) est en soi un enjeu. Sur le site des « Robin des Toits » elle est définie comme : « pathologie handicapante dont le développement est en accélération rapide et

dont le principal contributeur est le groupe de technologies du type Téléphonie Mobile, dont font partie l’UMTS, le WIFI, le WIMAX, le BLUETOOTH, etc… » (voir: Robin des toits,

L'électrosensibilité: EHS et SICEM [en ligne] http://www.robindestoits.org/L-electrosensibilite-EHS-et-SICEM_r55.html (page consultée le 20/11/2015)), tandis que l'OMS insiste dans sa définition sur le fait que les personnes se déclarant elles-mêmes souffrir de cette pathologie attribuent leurs symptômes à la présence d'ondes (« EHS is characterized by a variety of

écologistes, etc. Leurs sites Internet font le relais de nombreuses préoccupations pour la santé : l’exposition aux ondes électromagnétiques pourrait provoquer des troubles du sommeil, des céphalées, des troubles de l’humeur, des difficultés à se concentrer, voire des maladies d’Alzheimer et des cancers du cerveau. Ils dénoncent les méfaits des ondes sur les plantes, les oiseaux, les insectes. Ces militants150 dénoncent des manipulations de la part des lobbies de l’industrie du téléphone mobile, pointent du doigt de nombreuses études et rapports, qui, de signes en preuves, font état des dangers de la téléphonie, des manipulations de l’industrie, des histoires de scandales similaires (les méfaits des ondes radars « connus depuis longtemps », l’amiante, le tabac, etc.), mais aussi de débats éthiques, des réflexions sur les changements de société qu’a provoqué la généralisation de l’usage du portable, et de témoignages de ceux qui souffrent des ondes. Les militants anti-ondes tentent ainsi d’ouvrir le débat afin de ne pas le cloisonner à la seule question sanitaire qui, nous le montrerons, mobilise l’attention médiatique.

A l’opposé dans l’espace polémique que nous étudierons dans ce chapitre, les porte-paroles des opérateurs de téléphonie mobile sont unanimes : il n’y a aucun risque avéré pour la santé, les antennes de téléphonie sont sûres, et aux faibles niveaux d’ondes qu’elles déploient, il n’y a strictement aucun danger pour la santé. Au contraire, la téléphonie mobile présente de nombreux avantages, et permet de sauver des vies, en permettant de localiser une victime d’un accident ou de prévenir les secours, etc.

Très peu d’études sociologiques se sont confrontées à la question des ondes et de ses militants « antis ». Le sujet est pourtant complexe, au sens que Guattari donne à cette expression dans Qu’est-ce que l’écosophie ?, à savoir un problème qui ne se laisse pas simplifier, qui perd des éléments importants si on le réduit. La controverse ne se limitant pas à une simple discussion technique sur la dangerosité, et les problèmes touchant aux acteurs dans la définition même de leur corps et de leur mal-être, il est difficile de bien en parler. C’est le pari que nous voudrions tenter dans ce travail : ne pas trancher sur la controverse, mais tenter de qualifier certaines de ses composantes, en les déployant toutes ensemble, afin de montrer comment elles s’articulent, selon une logique propre. Nous pensons qu’une des raisons pour lesquelles le problème reste « étrange », ne suscitant pas beaucoup d’intérêt de la part des sociologues des controverses, est justement son caractère ………..

Electromagnetic fields and public health [en ligne]

http://www.who.int/peh-emf/publications/facts/fs296/en/ (page consultée le 20/11/2015). Le chapitre 3 de cette thèse sera dédié à cette question particulière de l'EHS.

150 Nous les appellerons « militants » de manière générique, regroupant dans cette catégorie les citoyens inquiets, lanceurs, d'alertes, médecins, malades EHS, écologistes, et tout qui s'investit à un degrés ou un autre contre le téléphone portable. Nous spécifierons bien entendu si nécessaire de qui il est question, et montreront à quel point cette distinction entre des militants et des industriels doit être complexifiée.

transversal et machinique : il ne s’agit de le réduire ni à un problème technique, ni à un problème économique, ni à un problème social, ni à un problème de santé, ni à un problème mental, etc. Nous montrerons que l’organisation de cette polémique, la manière dont les différents éléments la composent, est elle-même un enjeu important, qui mérite d’être compris à partir de ce concept de machine. Le constat de Guattari trouve ici pour nous toute sa portée, comme nous le soutiendrons.

Dans cette partie, nous proposons de redéployer la polémique autour de l’implantation des antennes de téléphonie mobile. Nous commencerons par décrire l’histoire de la polémique autour des ondes, et plus brièvement la manière dont s’est rejouée à nouveaux frais cette polémique à Bruxelles autour de la « 4G », la quatrième génération des standards de la téléphonie mobile. Nous étudierons ce que dit la sociologie des controverses autour de ce type de technologies et des mobilisations citoyennes. Nous prolongerons alors certaines des critiques de Guattari sur la manière dont sont traitées par la sociologie les problématiques écologiques autour de ce cas. Cela nous amènera à interroger l’objet « ondes » sous un éclairage un peu différent de celui de la sociologie des controverses, pour nous plonger dans le régime de savoir qui est mis en jeu dans la question sanitaire autour des ondes, en déployant les critiques des militants et des scientifiques qui les ont rejoints. Nous nous interrogerons ensuite sur ce que peut bien vouloir dire l’idée d’approcher ce problème sous l’angle du Socius et du Mental. Cela nous amènera à déplier la problématique des ondes à travers une série de thématiques propres à Félix Guattari. Nous ne prétendons pas faire un travail de sociologie, mais bien éclairer de manière écologique ce qui nous semble les caractéristiques spécifiques de ce problème de pollution et de santé, non pour le faire parler pour d’autres problèmes (en qualifiant par exemple celui-ci pour toutes les controverses sociotechniques), mais en le faisant parler de et pour lui-même. Il ne s’agira donc pas de présenter le cas des « ondes » comme un cas particulier qu’on peut déduire d’un cas général, mais comme un cas particulier avec son fonctionnement propre : dans un vocabulaire guattarien, dire qu’une situation est un cas particulier de machine, ce n’est encore rien dire du tout, il importe encore de spécifier comme fonctionne cette machine particulière.