Le th´eor`eme d’unicit´e, pos´e comme “Exercice” par Abel dans le Crelle Journal, vol. 2, p. 286, a
´et´e postul´e pour les fonctions holomorphes sans preuve rigoureuse par Riemann [1851, p. 28]. La d´emonstration facile suivante d´emontre, une fois de plus, la grande utilit´e des s´eries enti`eres.
Th´eor`eme 9.1 (unicit´e) Soient
Å
? et
ü
¼: deux fonctions holomorphes dans un ouvert > et
soit
D´emonstration. D’apr`es le Th´eor`eme 6.1, les deux fonctions sont analytiques dans un voisinage de . Apr`es une translation, nous supposons que¦¶ et nous consid´erons la diff´erence
Å
Nous devons d´emontrer que
5
¦|¶ pour tout . Supposons, par l’absurde, que ceci n’est pas vrai et soit
5
le premier coefficient non nul. Alors
Å
Le prolongement analytique est un principe, “vu” par Riemann, qui est devenu un point central de la th´eorie de Weierstrass. Il permet, entre autres, d’´etendre le th´eor`eme de l’unicit´e `a tout le domaine> .
Th´eor`eme 9.2 (prolongement analytique) Soient
Å
: holomorphe dans l’ouvert >
Å
et
ü
:
holomorphe dans l’ouvert >
ü
. Si l’intersection>
Å°¯
> ü
est connexe et si
Å
:ñ¦
ü
¼: dans un
disqueE V 6±?2>
ÅG¯
> ü
, alors (voir Fig. II.8)
Å
¼:¬¦
ü
¼: pour tout V#W>
ÅG¯
> ü È (9.3)
D´emonstration. Soit
¡
un point quelconque de >
Ų¯
> ü
. Par connexit´e, il existe un chemin
Ķ
reliant avec
¡
, c.-`a-d.,¼¶J¬¦| et Oe¦
¡
. Comme dans la d´emonstration du Th´eor`eme 8.2 nous posons
9
%׶ existe car
Å
ne peut pas ˆetre plus petit que . Par cons´equent,
9
FIG. II.8: Prolongement analytique; `a droite une illustration du cours de Riemann
44 Calcul int´egral et th´eorie de Cauchy Une situation typique du prolongement analytique est la suivante: soit ¼: donn´ee par une s´erie dans un disqueE V ƶJ ; par exemple,
:¦x ¬ ü
B
ÈEÈÈ . Nous prenons un point
#£E V ¼¶: et nous consid´erons la s´erie de Taylor de
: d´evelopp´ee autour de ce point (voir
le Th´eor`eme I.6.3). La s´erie ?¦
Cü ÈEÈÈ ainsi obtenue converge
certainement pour
Þ µ Þ
Ô³H
µ Þ Þ
. Mais, il est possible que le rayon de convergence de la nouvelle s´erie soit plus grand queH
µ Þ Þ
et converge donc dans un domaine plus grand. Pour la fonction de notre exemple et avec Ѧ
µ
¶ÀÈ*´ , la nouvelle s´erie poss`ede un rayon de concergence
H}¦é Eȵ´ .
La fonction : a ´et´e prolong´ee en dehors du disque initial, et ceci de mani`ere unique. Ce proc´ed´e peut ˆetre r´ep´et´e plusieurs fois et permet de remplir un domaine de plus en plus grand, jusqu’`a arriver, ´eventuellement, `a un bord naturel. L’unicit´e est garantie seulement si l’intersection du domaine >
Å
o`u la fonction est d´ej`a d´efinie avec le nouveau disque est connexe (un contre-exemple est le logarithme apr`es un contour de l’origine). Voir la Fig. II.8 pour un dessin historique illustrant ce phenom`ene.
Exemple 9.3 (fonction sans prolongement) Il existe des fonctions qui convergent dans un disque et qui ne permettent aucun prolongement en dehors de ce disque. L’exemple le plus simple est
ayant un rayon de convergenceH}¦º . ´Evalu´e enC! ¸ avec
ÌÔé proche de , cette s´erie donne pour la partie r´eelle (la figure montre la partie r´eelle au-dessus du disqueE
Å
etc. A part un nombre fini de termes, la s´erie devient` ¨ª{¦
5ȼ
ne peut donc pas prolonger la fonction
? en dehors du disque E
Å
¼¶J . Il paraˆıt paradoxal que
surtout les s´eries convergeant tr`es vite ont cette propri´et´e.
Le th´eor`eme suivant montre que pour une fonction holomorphe l’image d’un ensemble ouvert est ouvert (on dit que l’application est ouverte). Cette propri´et´e topologique a ´et´e d´ecouverte dans un cadre plus g´en´eral par L.E.J. Brouwer dans les ann´ees 1910, et d´emontr´ee de fac¸on ´el´ementaire par Sto¨ılow (1938) et H. Cartan.
Pour mieux comprendre cette propri´et´e, ´etudions d’abord la fonction
ü £ ü de la Fig. II.9 (voir aussi [HW, p. 295]) qui est infiniment
-diff´erentiable mais pas holomorphe. Pr`es de chaque point
Å ¦ ¤
Å Å o`u la matrice jacobienne est inversible, l’application est un diff´eomorphisme local. Par cons´equent, pour tout voisinage¼ de
Å
l’image
P¼¸ est un voisinage
de
Å . Examinons alors les points o`u la matrice jacobienne est singuli`ere : ces points forment une courbe2, le long de laquelle cette application forme un “pli”. Si on choisit un point
9
sur cette courbe, l’image d’un disque> centr´e en
9
sera pli´e `a cet endroit, et ne sera pas ouverte.
2Pour l’exemple de la Fig. II.9 cette courbe est donn´ee par la formule½D
{¾-¿ÀGÁV¾Â¿»ÃAÁVÄ-¿Å
Æ
Ç8{Èƾ-¿ÃmÁ
È
Calcul int´egral et th´eorie de Cauchy 45
Th´eor`eme 9.4 (th´eor`eme de l’image ouverte) Soit> un ouvert et
? une fonction holomorphe
qui est nulle part localement constante. Alors pour chaque ouvert¼:?2> l’image P¼¸ est ouverte (on dit que est une “application ouverte”).
D´emonstration. Soit ¼³?Ë> et
Å
#@¼ un point avec
X
Å
Ì(¦ ¶ . La fonction est localement biholomorphe pr`es de
Å
(Corollaire I.7.7) et par cons´equent
Å est un point int´erieur de P¼¸ . Il reste `a consid´erer les points
9
¼: n’est pas localement constante. Dans un voisinage d’un tel point, la fonction
:
s’enroule, similairement `a la fonction 5 , que nous avons ´etudi´e dans le Chapitre I (voir Fig. I.5).
L’ensemble
U¼½ contourne totalement le point
¼
9 (voir Fig. II.10) et est donc ouvert.
−1 1
FIG. II.10: Illustration de la preuve du Th´eor`eme 9.4, Í ¦ ѶÀÈ*Î2# ¾#
µ 9 ü µ
La preuve rigoureuse utilise les s´eries : apr`es des translations, nous supposons
9 ¦ ¶ et
suffisamment petit, Y
¡ Å
v
¡ ü ü
¾ÈEÈÈ peut ˆetre ´ecrite comme ¬
Å
ü ü
ÈEÈÈH 5
(utiliser la s´erie binomiale) et la fonction : de (9.5) devient
La fonction ¼: est donc la composition d’une fonction biholomorphe¨m¼: et de la fonctionÍÙ5 bien connue. Notre inspiration g´eom´etrique est donc v´erifi´ee et chaque point proche de
9
g¦¶
poss`ede pr´eimages de
: qui sont proche de .
46 Calcul int´egral et th´eorie de Cauchy
II.10 Exercices
1. Consid´erons le demi-disqueÆ,¿·òjÛhôÁPÇPò ü á¬ô ü$Ð Ó,ÛôÑs,Ì . Donner un chemin continˆument diff´erentiable par morceaux qui d´ecrit le bord de cet ensemble.
2. Donner deux param´etrisations ´equivalentes mais diff´erentes de l’ellipse
¿·òÛhô.ÁjÇ ò ü
Ê ü á ô ü
ü
¼Ó p
3. D´emontrer en d´etail que la longueur d’une courbe est ind´ependente de la param´etrisation (consid´erer des chemins qui sont continˆument diff´erentiables par morceaux).
4. Calculer la longueur d’arc de la cyclo¨ıde á ¿à Á ¼¿ à ÉùëXïð à Á<áóí%¿Ó É1éhê,ë
à Á pout Ð à Ð
àÑ
. Dessiner cette courbe.
5. Int´egrer la fonction¾¿ÀÁ?¼ i \ sur les deux cheminsá
Å ¿à
6. SoitÒÔÓ le bord (avec une param´etrisation qui est continˆument diff´erentiable et orient´ee positivement) d’un ensemble compactÓ=Õ Ø× . Son aire est donn´e par
aire¿ÓîÁù¼ àÓ
í
Ö
À
Àp (10.1)
D´emontrer ce r´esultat d’abord pour un triangle et ensuite pour une union finie de triangles (par exem-ple, un rectangle).
7. `A l’aide de la formule (10.1) calculer l’aire de l’ensemble fini limit´e par la courbe á ¿à Áw¼ÇR.¿ à Á i ³ (pour Ð à Ð
àÑ
) o`u R.¿à Á?¼ÓKá U ëvïð à . Faire un dessin.
Quel aire repr´esente l’in´egrale ¿
à
í%Á!ÄÅ ð À À si l’on int`egre sut tout l’intervalle Ú,Û
àÑ
Ý. 8. En vous aidant du calcul de
ð À
Indication. Montrer que¾¿ÀÁ ¼¿ÀKá}Ê^Á!ÄÅ poss`ede une primitive sur le disqueÎWV¿),Á avecRþ¼ÏÈÊÈ. 9. En utilisant les techniques famili`eres pour le calcul dans+- , calculer les primitives pour:
À i \ h Û À i \ Û À ü
ëvïð ¿<ÀÁp
10. Siá est l’arc de courbe de l’´equation ô ¼ ò B É U òü5áÏ<,òîÉ`Ó joignant les points ¿Ó,ÛÜÓ,Á et ¿
à Û U Á, trouver la valeur de
ð Ó à À ü á}<,í%À
12. En utilisant la formule de Cauchy pour l’int´egrale ð À ÄÅ À o`uá et le contour d’une ellipse, montrer la formule
Calcul int´egral et th´eorie de Cauchy 47 13. En s’inspirant du calcul des int´egrales de Fresnel (Exemple 4.3) d´emontrer que
7
Indication. Utiliser la substitutionò1¼ à ü dans l’int´egrale de l’exercice 13.
15. Soit Ê ¼ ò
Consid´erons une courbe ferm´eeá autour du segment ÚÊ^Û=Ý, orient´ee positivement, et satisfaisant les conditions pour pouvoir appliquer la formule de Cauchy. Pour une fonction¾¿ÀÁ qui est holomorphe dans l’int´erieur de la courbe et dans un voisinage de la courbe, d´emontrer que
Û?D¿·òÁ Ô#¼
est un polynˆome de degr´e~ qui satisfaitÛ?D¿·ò
5
ÁV¼H¾¿·ò
5 Á pour3s¼,ÛÜÓ,Û-p-p-pvÛZ~ (polynˆome
d’inter-polation; voir le cours “Analyse Num´erique”).
16. Soit¾¿ÀÁ holomorphe dansÎ V ¿),Á et soitá ¿à Á ¼¸Ë i ³ , Ð à Ð
en d´ependance de la position deÊ et par rapport au cercleá .
17. SoitýÕ Ø× ouvert et ý . Si ¾¯ÔýßÖ Ø× est continue dansý et holomorphe dansý Ù Æ Ì , alors
¾¿ÀÁ est holomorphe dans toutý .
Indication. D´emontrer que la fonctionÿ ¿À[ÁwÔ#¼H¿ÀVÉ
Á¾¿ÀÁ est Ø× -diff´erentiable en et donc aussi
dansý . Appliquer ensuite le Th´eor`eme 6.1 `a la fonctionÿ ¿À[Á. 18. Soit¾¿ÀÁ holomorphe dansÎ V ¿),Á avecRþÒÓ . Calculer les int´egrales
ð
Ý de deux mani`eres diff´erentes et en d´eduire les formules
Ó
19. Les nombres de Bernoullij
5
sont les coefficients de la s´erie
À
En utilisant le Th´eor`eme de Cauchy–Taylor et le r´esultat de l’exercice 17, d´emontrer que le rayon de convergence de cette s´erie estRÕ¼
àÑ
. 20. D´emontrer que la fonction
¾¿ÀÁ?¼
est holomorphe dans le disqueÎWV,¿),Á avecRl¼d<
Ñ
. En d´eduire que les nombres de Bernoulli satisfont pour3 Öx ,
48 Calcul int´egral et th´eorie de Cauchy 21. Diff´erentiation num´erique d’une fonction holomorphe. Si¾¿ÀÁ est holomorphe dans le disqueÎWV[¿ Á
et si u Ë u R , on a que
¾ .5 0¿ Áó¼
3 0 àÑ
Ë 5 ü
9
¾¿
á1Ë
i ³ Á i Ä 5
³À à p
D´emontrer que l’approximation num´erique
¾L.
5 0 ¿ Á à 3 0
á Ë 5 Û ÄÅ
l
8:9
¾¿
á1Ë i
³ãâ
Á i Ä 5
³ãâ avec à l ¼
àÑ
n
á
donne le r´esultat exact siá Ò3 et si¾¿ÀÁ est un polynˆome de degr´eu 3wá á .
22. Pour la fonction¾¿À[Á ¼À ü áÀâÉÓ calculer le maximum de Ⱦ¿ÀÁ;È dans le disque ÈÀÑÈ Ð Ó . 23. Consid´erons la fraction rationnelle
-V¿ÀÁ ¼
ÓKá
Å
B À

üB
ÀKá
Å
w À ü p
En appliquant le principe du maximum sur un demi-disque Æ,ÀÐÇ ReÀ Ð ,ÛÐÈÀÑÈ Ð -VÌ avec un- tr`es grand, d´emontrer que
È-V¿ÀÁ;È Ð Ó pour ReÀ Ð »p
24. Soit¾¿ÀÁ holomorphe dansÎWV,¿),Á . Pour Ð Ë u R , on d´efinit
ä
¿·ËÍÁ Ô#¼Gñ!#c Ⱦ¿ÀÁ;ÈhÇÐÈÀÑÈC¼ Ë p
Montrer que la fonction˹ÞÖ ä ¿·ËÍÁ est continue et croissante. Elle est strictement croissante si et seulement si¾¿ÀÁ n’est pas une constante.
25. Soit¾¿ÀÁ une fonction holomorphe dans le disqueÎ
Å
¿),Á . Montrer qu’il existe un entier positif~ tel
que¾¿Ó o#~£Áe¼Ó o,¿~ á à Á .
26. Sur le disqueÎ
Å
¿),Á consid´erons la fonction d´efinie par la s´erie
¾¿ÀÁ?¼
7
58:9 3 ü ÀC5åp
D´eterminer le domaine maximal o`u¾¿ÀÁ peut ˆetre prolong´ee comme fonction analytique. Donner la valeur de¾¿
à Á de ce prolongement.
Indication. En d´erivant l’identit´e ¿ÓâÉÀÁ ÄÅ ¼°ÓKáÀâá}ÀÜüKá}À
B
áp-p-p deux fois, essayer d’exprimer
la fonction¾¿ÀÁ comme fraction rationnelle.
27. Soit¾¿ÀÁ ¼À ü É U À á
à
. Calculer explicitement les images¾¿ýÁ pour les disques ouverts
ý°¼Î
9O
`
¿Ó,Á et ý¼Î
Å
¿Ó»p
@
Áp
Montrer dans chacun des cas que¾¿ýÂÁ est ouvert.
Indication. Ecrire¾¿ÀÁ sous la forme¿ÀâÉ ÁüKá , et le bord deý sous la forme ásËP¿à Á i ³ . 28. D´emontrer le “principe du maximum” `a l’aide du th´eor`eme de l’image ouverte.
Chapitre III
Singularit´es et fonctions m´eromorphes
“Les singularit´es sont extrˆemement importantes car on peut en tirer quelque chose en analyse complexe, cette branche des math´ematiques qui ´etudie les fonctions d´efinies sur un domaine du plan complexep-p-p” (www.techno-science.net, Astrophysique) Des fonctions r´eelles avec des singularit´es nous sont famili`eres (cours Analyse I), par exemple,
E»O ,
¯
°Å±
»O ,
¯
°²±
# E»C( , etc. Pour des fonctions complexes, l’´etude des singularit´es est tr`es
diff´erente et on peut obtenir des classifications int´eressantes qui ne sont pas possibles dans le cas r´eel. Les singularit´es jouent un rˆole important dans le calcul des int´egrales (r´esidus).