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lourdeurs démocratiques »

À ce stade nous savons que lorsque le projet GIANT a été révélé à la fin de l’année 2007, il était déjà élaboré. Les principaux acteurs impliqués dans ce qui sera ensuite le projet Presqu’île s’étaient déjà consultés, avaient mis en place tout un programme qui incluait leurs différentes contraintes et besoins, et avaient pratiquement terminé de trouver les financements qui allaient avec. Comme le témoigne l’intervention de Geneviève Fioraso au Conseil Municipal du 19 novembre : « Nous sommes très en amont et ce n’est pas si fréquent, nous avons voulu anticiper

en demandant à Claude Vasconi, architecte urbaniste, de donner une cohérence à un territoire, celui du Polygone Scientifique, (…) au moment où les scientifiques, les collectivités, ont des projets structurants et souvent partenariaux dans le secteur scientifique, économique,

73 Les démonstrateurs industriels sont des produits testés pour la première fois, qui servent de

prototype. Dans le cadre du projet Presqu’île, le département finance des transports « innovants » et des panneaux photovoltaïques ayant pour fonction de séparer phoniquement la presqu’île de l’autoroute

universitaire et des transports. La vision créative et ambitieuse que nous propose Claude Vasconi aujourd’hui est donc le résultat d’une réflexion d’ensemble et partenariale. » Le projet GIANT et

le projet de renouvellement du polygone scientifique n’ont donc pas attendu la concertation, celle-ci n’est venue que les valider et opérer quelques affinages74.

Dès lors, par quelles instances, et de quelles façons se sont donc décidés les contenus des projets ? Il ne nous a pas été possible de découvrir cela par des données empiriques, mais le rapport remis au PUCA sur l’économie de la connaissance à Grenoble nous met sur la piste de l’existence de réunions discrètes, facilitées par des accès directs et des relations privilégiées entre les acteurs scientifiques, des élus et techniciens de la municipalité, et les nombreux acteurs aux intérêts liés à la mise en œuvre de ce projet.

Dans ce rapport il est écrit qu’« un accord tacite existe entre les élus de la Ville de

Grenoble, les élus des municipalités de banlieue et leurs homologues de l’instance communautaire : le développement économique n’a pas besoin d’une gouvernance qui soit trop formellement organisée à l’échelle de l’agglomération, mais au contraire d’une forme de gestion du développement économique qui se fasse autrement (…), principalement au gré des projets et des relations interpersonnelles entre élus et dirigeants des organismes économiques ou technologiques. Cette esquisse de gouvernement local du développement économique permet notamment aux acteurs locaux de s’affranchir des lourdeurs démocratiques – telles celle que représente le délai de plusieurs mois qu’impose la consultation, au préalable du lancement d’un projet d’aménagement, de l’assemblée communautaire de La Métro – qui sont jugées inadaptées aux attentes des investisseurs économiques, tant par les élus que par les acteurs économiques et technologiques locaux. La régularisation politique des actions dédiées au développement économique par le vote démocratique se fait donc après-coup, une fois le projet lancé grâce à d’autres leviers : conventions et chartes d’objectifs pour organiser le financement, concessions

74 « Ce sont de grandes orientations qui nous sont proposées (…) avant d’engager une

concertation avec tous les acteurs concernés, qui nous permettra d’affiner ce pré- projet », Geneviève Fioraso, extrait de son intervention lors de la délibération n°39 A028 du

conseil municipal du 19 novembre 2007 issu du document « Additif au compte-rendu de la séance du conseil municipal. Archives municipales »

des opérations à des structures opérationnelles ad hoc de type SEM, etc. » (p.91)

Compte tenu de nos données actuelles qui confirment que les projets GIANT et du polygone scientifique n’ont pas été élaborés dans les arènes classiques des institutions, nous pouvons supposer qu’ils l’ont été, comme l’affirment les chercheurs du PACTE, dans des arènes informelles facilités par la proximité entre les acteurs. De plus, dès 2008, la façon dont a été définie la gouvernance du projet Presqu’île renvoie selon nous à ce qui est décrit comme une aversion pour les « lourdeurs démocratiques ». D’abord, parce que les partenaires institutionnels travaillent séparément des élus de la mairie depuis la deuxième phase de concertation. Mais c’est surtout l’analyse de comptes rendus des comités de pilotage, consultés aux archives municipales, qui paraît confirmer l’hypothèse des réunions informelles et en dehors des régulations politiques traditionnelles. En effet, dans le compte-rendu du Comité de pilotage partenarial Presqu’île scientifique/GIANT du 6 octobre 2008, Jean Therme « souligne », à propos du point d’avancement de l’opération campus, « que deux écueils sont à éviter : ré-éclater le projet en

deux universités (1) et le décrochage des organismes de recherche dans des organisations plus rigides (2) ». Plus loin, à propos du pilotage du projet , « Geneviève Fioraso rappelle que le travail du comité de pilotage doit se faire dans la confiance réciproque, sur le modèle du comité de pilotage du projet Minatec, à la fois souple et efficace : pas de création d’une structure juridique, collectif d’acteurs avec convention cadre, comité de pilotage partenarial qui décide des grandes orientations assisté d’un comité opérationnel resserré »75.

Ces extraits nous permettent d’éclairer la quantité insuffisante de données empiriques que nous avons sur la façon dont ont été élaborés le projet GIANT et celui du polygone scientifique. En effet, ils précisent en quelque sorte de quelle façon les acteurs pilotes du projet souhaitent s’organiser entre eux. Si d’un côté Jean Therme et Geneviève Fioraso rappellent en 2008 qu’ils ne veulent pas d’organisation rigide, mais souple et efficace, comme pour le pilotage de Minatec,

75 Compte-rendu du Comité de pilotage partenarial Presqu’île scientifique/GIANT du 6 octobre

2008, p.3, dossier des archives municipales de Grenoble « Presqu’île scientifique, réunions des comités de pilotage et enquête publique relative au projet de révision simplifiée du PLU : ordres du jour, comptes rendus, dossier de création, délibérations du conseil municipal, extrait du registre » Côte 3178W 445 [Consulté le 16/07/2018]

et que de l’autre des chercheurs développent le constat d’une « esquisse de gouvernement local

du développement économique » à Grenoble reposant sur une « forme de gestion (…) au gré des

projets et des relations interpersonnelles entre élus et dirigeants des organismes économiques ou technologiques », alors nous considérons que nous sommes dans le cadre d’une construction fermée du projet urbain, dans les mains du CEA, des acteurs municipaux essaimés du CEA, et des partenaires du projet GIANT qui deviendra celui de la Presqu’île.

C. Une mise à l’agenda entre le modèle de l’anticipation et de la mobilisation par le