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Avant la sortie au grand jour du projet GIANT et du projet de renouvellement du polygone scientifique à la fin de l’année 2007, ni l’enclavement des scientifiques sur la Presqu’île ni l’absence de densité et de liaison de ce territoire au reste de la ville n’étaient considérés comme des problèmes publics. C’est l’arrivée de ces projets qui posent de facto une vision de la ville en défaveur de la communauté scientifique. Le polygone devient un « quartier » sur lequel on applique le même regard que des quartiers d’habitation. Il apparaît alors nécessaire de le relier au reste de la ville par des transports, et de l’équiper pour mettre de la vie dans un espace jusqu’alors réservé à la recherche, aux apprentis chercheurs et aux industriels.

La réponse de la ZAC prend ainsi tout son sens, mais qu’en est-il de la réponse du projet scientifique GIANT ? Il s’avère que la façon dont il a été cadré l’amène à être lié au développement économique de Grenoble et sa région. La tactique est la suivante : à l’heure des grands projets de soutien à la recherche technologique des années 2000, Grenoble est sommée de se positionner pour rester compétitive. La solution : soutenir financièrement la recherche technologique, à même de contrer les risques de crise de l’emploi ou d’insécurité économique à l’avenir pour le territoire. L’injonction à la compétitivité économique et l’association compétitivité économique/recherche technologique est en effet le moteur de l’adhésion au projet. Aucune autre alternative n’est envisagée, comme l’atteste l’intervention de Geneviève Fioraso au conseil municipal du 19 novembre 2007, soit le jour de la délibération du projet du polygone scientifique :

« Si l’on refuse ce type de projets structurants, au même titre que Minatec, Minalogic,

Tenerrdis, Lyon Biopôle Rhone-Alpes, si l’on refuse de valoriser nos atouts en poursuivant un développement fondé sur l’innovation, alors il faut me dire comment on va financer la solidarité. (…) C’est plus facile de faire de l’idéologie en sachant que la majorité va, de toutes façon, conduire les développements que l’on condamne, contribuant ainsi à dégager les ressources

nécessaires à la solidarité. »71

En complément, nous avons choisi d’intégrer l’argumentaire de Marc Baïetto 72,

rapporteur du conseil départemental du 9 novembre 2007 portant sur les projets GIANT et du polygone scientifique. Nous sommes ici à la seconde délibération portant sur ces projets, qui ont été présentés la première fois au conseil départemental le 18 octobre 2007, puis leur vote reporté au 9 novembre à la demande des élus. Voici la façon dont est présentée la situation pour justifier le soutien du Département à ces projets, dans laquelle nous avons surligné les éléments qui font selon nous écho à la construction du problème :

« Minatec et l’Alliance ont permis de développer de l'emploi et de donner à l'Isère un

rayonnement international en matière de recherche et de développement. Pour rester dans la compétition des meilleurs mondiaux, le Conseil général pourrait réaffirmer que : (1) l'Isère doit être en progrès perpétuel, à l'écoute des évolutions et des innovations repérées dans l'ensemble du monde ; (2) elle doit plus que jamais miser sur son potentiel de recherche, son enseignement supérieur, l'esprit d'innovation de ses entreprises, et sur la capacité des chercheurs, des enseignants, des entrepreneurs et des décideurs publics à travailler ensemble ; (3) elle doit miser sur son cœur d'excellence, la microélectronique, mais aussi sur les domaines qui peuvent être développés en liaison avec la microélectronique: biotechnologies et énergies nouvelles notamment, en s'appuyant en amont sur les outils de recherche fondamentale de l'institut Louis Néel et des grands équipements européens ; (4) elle doit diffuser son savoir-faire dans le tissu des PME et dans les secteurs d'activités qui peuvent en tirer une valeur ajoutée. Compte tenu de ces orientations, je vous propose de soutenir le projet "Giant" présenté par le CEA, avec le soutien de nombreux autres partenaires et de souligner le caractère visionnaire de ce projet industriel et technologique comme sa capacité à s'intégrer de façon ouverte dans un environnement urbain rénové. »

71 Intervention de Geneviève Fioraso, extraite du document intitulé « additif au compte-rendu de

la séance du Conseil municipal du 19 novembre 2007, délibération n°39-A028 », issu du dossier des archives municipales à la côte 3211W23 [consulté le 16/07/2018]

72 1er vice-président du Conseil Général délégué à l’aménagement des territoires, des transports

L’argumentaire apparaît comme une suite logique rythmée par des relations de cause à effet jamais explicitées : Il faut être en progrès perpétuel ; la marche du progrès est dictée par les produits de la recherche technologique ; donc il faut donner aux chercheurs tous les moyens pour qu’ils produisent ces produits ; ces moyens passent par la coopération entre la recherche, l’enseignement supérieur, l’industrie, et les pouvoirs publics (coopération nécessairement tournée vers les seules filières de la microélectronique, des biotechnologies et des énergies nouvelles) ; ces moyens passent aussi par l’aide à la diffusion de ces produits, probablement via l’accueil d’entreprises clientes ou les appels à projets pour créer de la demande sur ces produits. Ainsi, la boucle est bouclée, le secteur de la recherche technologique est productif, et l’Isère est compétitive. Ce jour là, l’assemblée départementale valide trois éléments : les objectifs du projet, la participation financière du Département (plus de 20 millions d’euros répartis entre le volet enseignement supérieur et le volet recherche du treizième CPER), l’engagement du Département à soutenir dans les actes la recherche en lançant un « appel à projet innovant, de préférence dans

le domaine des transports », c’est à dire en finançant des démonstrateurs industriels.73