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L’étude des délibérations nous a permis de déduire que le projet Presqu’île n’est pas né dans l’arène municipale, mais probablement du côté du monde scientifique local. Nous avons vu dans le chapitre précédent que le projet Presqu’île contient dès le départ un projet scientifique, avec ses objectifs propres, définis séparément des « objectifs urbains » dès la convention d’étude foncière, dite convention cadre, à la fin de l’année 2007. Nous avons donc cherché ce projet scientifique qui aurait pu être à l’origine du projet Presqu’île, ce qui nous a amené très rapidement au projet GIANT, pour Grenoble Innovation for Advanced New Technologies, puisque de nombreuses sources, tant dans nos entretiens que dans les documents consultés, énoncent l’origine du projet de la Presqu’île à ce projet scientifique. Lorsque nous demandons au chargé de développement de la SEM quel est pour lui l’origine du projet Presqu’île, voici sa réponse : « Moi j’étais pas là au tout début mais Presqu’île est quand même très adossé à

l’alliance GIANT, qui est l’alliance de tous les scientifiques et universitaires de la Presqu’île : CEA, grands équipements, INP. Moi ce que j’en ai compris, c’est qu’à l’époque on était sur un espèce de campus de l’innovation. Il y avait à la fois la volonté de quelqu’un, qui a été assez déterminant dans le projet Presqu’île, c’est Jean Therme, le directeur de la recherche et de la technologie du CEA à l’époque, qui est un vrai visionnaire (…). Minatec a tellement bien marché qu’il s’est dit il faut que je développe le concept à une échelle plus grande, donc à l’échelle de tout le territoire de la Presqu’île, et pas uniquement Minatec et les nanotechnologies (…). Et deuxièmement, ils ont fait beaucoup de benchmarks à l’époque, ils se sont beaucoup inspirés des campus américains, notamment le MIT, dans une configuration assez semblable »46.

Site unique en Europe, le pôle de recherche en micro et nanotechnologies Minatec rassemble dix mille salariés, regroupés sur vingt hectares, sur lesquels on retrouve toutes les infrastructures nécessaires au bon développement de la recherche, de la formation des chercheurs, et de l’application aux industries (salles blanches, centres de recherche, nouvelle école d’ingénieurs, bureaux, salles de conférence, etc.). En effet, l’année de son inauguration (2006), une nouvelle étape est franchie avec l’idée de faire la même chose sur tout le territoire de la presqu’île : c’est le projet du campus GIANT. Il correspond à sept centres dits d’ « excellence » autour de trois plate-formes : les technologies de l’information et communication d’un côté, celles de l’énergie de l’autre, et enfin celles de la santé. La première plate-forme s’organise autour de Minatec, qui entre avec le projet GIANT dans une phase augmentée, Minatec+, en doublant sa superficie (Besson, 2011). La seconde autour du pôle GreEn-ER dédié aux transports innovants et aux nouvelles énergies et réunissant l’Institut Polytechnique de Grenoble, l’Université Joseph Fourier et des laboratoires. La troisième plate-forme, Nanobio, pour les technologies du vivant (biotechnologies et santé), en partenariat avec des industriels tels que l’entreprise Bio-Mérieux. Les acteurs partenaires du projet GIANT se rassemblent dans l’ « alliance GIANT » et sont au nombre de huit : le CEA, le CNRS, l’Université Grenoble Alpes, l’Institut Polytechnique de Grenoble, Grenoble Ecole de Management, l’installation de l’European Molecular Biology Laboratory, le Synchrotron (European Synchrotron Radiation Facility), l’Institut Laue-Langevin. De nombreux autres acteurs sont investis dans ce projet, en tant que financeurs ou partenaires industriels notamment47.

47 La communauté université Grenoble Alpes (INP, UGA, CNRS, Inria, Université Savoie Mont

Blanc, Sciences Po Grenoble, ENSAG, Grenoble Ecole de Management, ESAD, Irstea), des grandes entreprises (BioMérieux, Schneider Electric, Siemens, STMicroelectronics, SEM MINATEC Entreprises), des autorités publiques (Etat, Région Rhone Alpes, Métro, Ville de Grenoble, SMTC), des centres de compétitivité (MINALOGIC, Tenerrdis, Digital Campus, Medic@lps, Lyon Biopôle), des Agences de développement régionales (AEPI, ARDI), ainsi que des industriels à travers des partenariats (Toyota, IBM, Sanofi-Aventis, BioMérieux, Schneider Electric, BioXtal, NovartisVAccines, Renault, SEB). Source : GIANT, « GIANT : 30 000 hommes et femmes construisent ensemble un campus de rang mondial » [En ligne]

Le lien entre Minatec et GIANT est confirmé à de maintes reprises par différentes sources. D’abord, c’est ce qu’explique le directeur du CEA lui-même dans le film Une presqu’île

d’avance, réalisé par Thierry Mercadal en 2017 : « En 2006 tous les bâtiments Minatec sont livrés, l’idée de GIANT c’est de prendre le modèle Minatec de village d’innovation, et de transformer le village d’innovation en un grand campus d’innovation dans lequel il y aura six objets comme Minatec »48. Ceci est aussi la lecture de chercheurs du laboratoire PACTE qui rédigent en 2013 le rapport de la plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines, sur l’économie de la connaissance à Grenoble. Ils écrivent : « Le projet GIANT Presqu’île constitue

la suite urbanistique de l’expérience immobilière Minatec »35. Le compte-rendu du conseil

général du 18 octobre 2007 portant sur le « Plan métropolitain pour des déplacements au service

du développement économique et de la qualité de la vie » stipule même un débat sur le projet

suivant : « Giant : le développement post-Minatec à partir du polygone scientifique »49.

Tout porte à croire que le projet urbain de la Presqu’île est donc bien la poursuite de Minatec à une échelle plus grande, et que c’est un travail de benchmarking qui a abouti à l’idée du projet GIANT, qui a ensuite été intégré à un projet urbain porté par la ville de Grenoble. Pour certains, GIANT et la Presqu’île ne forment qu’un seul projet : le chercheur Raphaël Besson parle du projet GIANT/Presqu’île dans sa thèse sur les systèmes urbains cognitifs (2012), et même des comités de pilotage du projet en 2009, consultés aux archives municipales, qui s’intitulent « Copil Presqu’île scientifique/GIANT »50. Pour notre part, nous maintenons une URL : http://www.giant-grenoble.org/fr/les-acteurs-qui-soutiennent-le-projet-giant/ [Consulté le 15 septembre 2018]

48 Jean Therme, directeur de la recherche technologique du CEA, extrait de Thierry Mercadal,

Une Presqu’île d’avance, produit en 2017 [En ligne] URL :

https://www.youtube.com/watch?v=pJv49Ju7Xx8 [Visionné le 20 juin 2018]

49 Extrait du compte rendu de la délibération n°2007 DM3 L 4d03, à la séance du conseil général

du 18 octobre 2007, p.4

50 « Copil 9 mars 2008 » et « Copil 22 juin 2008 », Dossier des archives municipales « Presqu’île

scientifique, réunions des comités de pilotage et enquête publique relative au projet de révision simplifiée du PLU : ordres du jour, comptes rendus, dossier de création, délibérations du conseil municipal, extrait du registre » Côte 3178W 445 [Consulté le 16/07/2018]

distinction entre le projet scientifique GIANT et le projet urbain de la Presqu’île, bien que l’un ait impulsé l’autre, car il nous sera plus facile de comprendre l’articulation entre les deux et la façon dont GIANT s’est fondu à un projet plus large. C’est en effet la mise sur agenda du projet GIANT qui nous intéresse désormais, puisqu’elle précisera la façon dont s’est élaboré le projet Presqu’île, ce qui nous permettra de saisir le rôle de la SEM.