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CHAPITRE I : MISE AU POINT CONCEPTUELLE

II .LE CONCEPT DE PROJET URBAIN

1. L’APPARITION DE LA NOTION DE PROJET URBAIN

1.2. LE PROJET URBAIN

Ce pendant, la réflexion sur le projet urbain est en cours; il s'agit d'un concept et d'une manière d'agir en formation, qui marque un moment de transition entre la manière traditionnelle de penser l'urbanisme et une nouvelle approche, moins figée et plus ouverte aux transformations et aux débats

L’idée de projet urbain englobe en effet de nouvelles exigences dont la prise en compte des différentes temporalités de la ville :

• temps longs de l’histoire de la ville,

• temps plus courts de la décision politique ou de la spéculation,

• temps de l’opération urbaine.

Face à ces nouveaux enjeux, comment se définissent les pratiques professionnelles? Comment peuvent se situer les sciences sociales ? Que peuvent-elles apporter tant au sein de processus de conception profondément transformés qu’en tant qu’outils réflexifs et critiques?

Les auteurs, urbanistes, architectes, philosophes, historiens ou encore sociologues affinent la notion de projet urbain, en intégrant ses dimensions temporelles, spatiales, territoriales, ses implications quant au patrimoine comme à la mémoire, et ses représentations sociales. Ils interrogent les pratiques professionnelles, les rôles modifiés du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage dans le contexte actuel de la politique de la ville.

Dans l'ensemble des pays européens, les démarches d'aménagement urbain connaissent aujourd'hui des transformations importantes. La crise du paradigme du " plan " fondé sur un modèle prévisionnel et une démarche linéaire, et le recours accru

au dispositif du " projet urbain ", relèvent en particulier d'une transformation globale de la dynamique et des usages de la ville. Or, on peut en effet constater que la réflexion sur les rapports entre les sciences sociales et celles de la construction a été à l'ordre du jour chaque fois que l'on assistait à une réorganisation urbaine et territoriale: les villes et les campagnes de l'après guerre, les banlieues des années 60, les friches industrielles dans les années70….

Il s'agit donc ici de définir schématiquement les conditions socio-historiques particulières du projet urbain depuis les années 1980 afin de préciser dans quel contexte s'inscrit aujourd'hui l'articulation entre analyse sociale et aménagement de la ville.

1.2.1. LES DYNAMIQUES TERRITORIALES

La floraison de recherches et de réalisations se plaçant sous la bannière du projet urbain est d'abord indissociable de quelques dynamiques sociales et matérielles globales : l'impossibilité de séparer la ville de son territoire, le développement d'une urbanisation et d'une urbanité diffuses.

Ces dynamiques constituent à la fois l'effet et la cause de nouvelles façons d'habiter, de pratiques accrues de mobilité et de redéfinition des relations entre espaces privés et publics. Ce phénomène, désigné par la notion de "métropolisation" ou de "ville dispersée", rend problématique la définition des territorialités des individus et des groupes sociaux.

Dans ce contexte, il est légitime de parler d'une crise de lisibilité de la ville, en ce sens qu'il n'y a pas de correspondance univoque entre types d'espaces et pratiques sociales. Dans une société dans laquelle la mobilité des personnes et des informations constitue un des caractères essentiels, cette transformation du territoire se conjugue avec de nouvelles pratiques sociales. Celles-ci organisent une société réticulaire,

dans laquelle les liens sociaux se construisent moins sur des relations de proximité que sur des affinités regroupant des personnes spatialement dispersées.

L'aménagement urbain se trouve par conséquent confronté à la difficulté d'attribuer une fonction spécifique à une portion d'espace, ainsi que de prévoir les pratiques qui pourront l'investir dans le temps. Dans ce contexte, l'aménagement urbain ne peut se

définir comme une simple localisation de fonctions - ce qui relève d'un urbanisme fonctionnaliste- et requiert la spatialisation de la vie sociale.

De façon corrélative, les pouvoirs publics tendent à développer des politiques qui relèvent d'une logique qui aurait été attribuée il y a encore quelques années au fonctionnement de l'économie privée.

Situés dans un contexte de compétition interurbaine de plus en plus affirmée, nécessitant pour leur réalisation la mobilisation de capitaux privés plus importants, les projets urbains procèdent ainsi d'une logique de l'image, du spectaculaire et de la séduction. A des degrés divers, allant de la présence d'une architecture "griffée" à de simples plaquettes de présentation. La communication représente aujourd'hui une dimension constitutive du projet urbain. Celle -ci vise la création d'un consensus autour du projet, afin de ne pas exposer l'opération financière à des risques excessifs et tend à transformer les destinataires en "clients" à qui l'espace urbain est censé fournir une "offre" variée d'usages.

La complexité des montages financiers et le nombre d'acteurs impliqués dans les projets incitent donc à créer des instances collectives de concertation. Contrairement aux démarches mises en place dans les années 60 et 70, ces instances procèdent ce pendant davantage d'une visée pragmatique que d'un projet de démocratisation de l'urbanisme. Il reste que le projet urbain peut devenir, dans certains cas, un "projet de cité ", autrement dit, un processus qui implique véritablement ses destinataires dans la définition et le développement des opérations, et qui ne se dissout pas en une opération de marketing urbain.

Ces nouvelles relations entre puissance publique et acteurs privés conduisent ainsi à une redécouverte des enjeux politiques et sociaux de l'action urbaine. La substitution progressive à laquelle on assiste de l "intérêt général" - renvoyant à un idéal communautaire - par l"intérêt collectif" - résultant d'une négociation et d'un compromis pose en effet à nouveaux la question de la dimension politique du projet.

La grande diversité dans les démarches du projet urbain, s'explique d'une part, par la diversité des contextes de production du projet en Europe, et constitue d'autre part la réponse à un phénomène global, à savoir la complexité.

Face à la complexification des organisations territoriales et des stratégies d'acteurs, les instruments et les démarches de la planification traditionnelle (processus linéaire qui va du programme au projet, séparation des phases de l'analyse et du projet) se révèlent inadéquates. Aux transformations sociales et matérielles qui affectent la ville, correspondent donc des transformations des dynamiques du projet urbain, et plus particulièrement des modalités de la conception.

1.2.2. DES METHODES NOUVELLES

Les phénomènes urbains contemporains mettent en cause la séparation de la "conception" en deux phases: le "programme" et le "projet". Le concept de programme tend à être remplacé par un processus de conception récursif.

Un tel processus est mis en place lorsqu'au programme est substitué la formulation d'une situation problématique. L'objectif de l'intervention n'est pas ici prédéterminé, mais découvert en fin de processus. L'élaboration de l'opération est à cette fin conçue comme une recomposition incessante de variables au moyen de "scénarios". Il s'agit de créer des formes de coordination entre les acteurs qui permettent de constamment faire retour et réorienter l'opération en cours. Le processus de conception peut être dans ce cas assimilé à une spirale permettant de réajuster les objectifs au fur et à mesure de l'avancement de l'opération.

L'adoption de ce principe de récurrence vise en particulier à prendre acte de l'évolution des usages, des désirs et des besoins. Ce fonctionnement est observable dans la multiplication récente des chartes, formes de contrat entre acteurs publics, privés et techniques. Le projet urbain créerait ainsi les conditions d'une meilleure harmonisation des temporalités de la ville, les temps des usages et de la production de l'espace urbain.

Le programme de tradition fonctionnaliste, qui découlait d'un diagnostic sur l'état présent de la ville, tend dans ce contexte à être remplacé par une énonciation de finalités à projeter dans le futur. Le projet sert alors à formaliser ces finalités, en leur donnant corps au moyen de l'aménagement de l'espace.

Temporalité récursive, énonciation de finalités, "chartes" pour la coordination des acteurs… ces différents changements dans la façon de procéder en aménagement urbain présentent la caractéristique de correspondre à un processus ouvert. Le projet

urbain n'est plus censé fournir de solutions achevées, mais mettre en place un processus de résolution des questions urbaines. Il devient ainsi le cadre d'un potentiel d'actions.

Cette évolution méthodologique renvoie directement aux dynamiques territoriales décrites auparavant. Dans l'impossibilité d'associer, d'une manière univoque, un espace à une activité, il s'agit d'aménager l'espace comme un ensemble de virtualités. L'espace est, en d'autres termes, conçu comme un réservoir de pratiques, et le travail de l'aménageur consiste à créer les conditions spatiales pour leur permettre de s'actualiser.

Concevoir l'espace urbain en tant qu'ensemble de virtualités suppose dans plusieurs projets récents une attention accrue à ses caractères sensibles. L'"expérience" de l'espace y devient source du projet. L'actualité d'une démarche paysagère, par exemple, réside dans le fait de mobiliser un concept, le paysage, qui renvoie à une expérience esthétique et sensible de la ville. Concevoir l'espace urbain en termes de paysage vise à lui donner une "identité perceptible" visuelle, sonore, tactile. De telles approches conduisent également à un élargissement du concept de qualité, qui ne se rapporte plus aux seuls caractères des aménagements, mais aussi, à travers l'étude de leur appropriation, aux usages des dispositifs architecturaux. Les modalités de réappropriation des espaces bâtis permettent, pour leur part, d'appréhender cette qualité des aménagements dans un temps long qui inclut les reconversions et les réaffectations successives.

Enfin, dans une perspective semblable et en opposition à la séparation entre "analyse" et "projet", s'est développée ces dernières années la pratique du projet descriptif, c'est-à-dire d'un projet qui naît de l'observation et de l'écoute de l'existant. Ce type de démarche fait écho au développement de la description dans les sciences sociales, c'est-à-dire d'une attitude qui plutôt que de recourir à des schémas interprétatifs préexistants, tente de rendre compte de la logique interne d'une action telle qu'elle se donne à voir (ou à entendre...) dans la pratique sociale ordinaire.