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Un projet concernant une partie du champ de l'entrepreneurship

LE PROJET DE MODÉLISATION ET SES FONDEMENTS

A. Le projet de modélisation

2. Un projet concernant une partie du champ de l'entrepreneurship

Le champ est très hétérogène, aussi il nous faut déterminer avec rigueur la partie du champ qui va nous intéresser spécifiquement. Ce choix comporte nécessairement un arbitraire, en l'occurrence celui de l'expérience opérationnelle du chercheur, de ses centres d'intérêt et de la position de son organisme de rattachement au sein de l'Université de Grenoble (l'ESA). Pour un gestionnaire, il est essentiel que l'objet de recherche soit pertinent avec la réalité d'une demande sociale, c'est-à-dire qu'il recouvre un champ d'intervention naturel pour les acteurs susceptibles d'être les utilisateurs de cette recherche. Là encore, nous aurons recours, pour préciser la partie du champ de l'entrepreneurship à laquelle nous allons nous intéresser, à des schémas exposés dans la première partie de ce document (voir la figure 33 à la page 167).

514 Comme nous l'avons vu à la fin de la première partie, un modèle ou un expert en matière d'aide à la création

d'entreprise ne peut pas être omniscient au regard des environnements spécifiques de tous les projets de création d'entreprise. Ce choix de point de vue justifiera les options retenues pour la modélisation, notamment le fait que l'exploration des différentes configurations de l'environnement susceptibles d'avoir un impact sur le phénomène ne soit pas développée.

Entreprise nouvelle

Environnement

Processus Créateur

Notre objet de recherche, en s'inscrivant dans le champ de l'entrepreneurship, est la dialogique créateur/projet-entreprise nouvelle. Le créateur d'entreprise étant considéré

comme un acteur unique515, au sens où une seule logique de décision/action est mise en

oeuvre. Il s'agit de l'entrepreneur qui crée son entreprise et en détient la majorité du capital, ou du créateur minoritaire516 pouvant être considéré comme un leader incontesté, ayant une forte

légitimité517 durant le processus de création et de développement de l'entreprise. La logique

de l'acteur unique implique que l'entreprise créée n'ait pas de lien de dépendance à l'égard de fournisseurs ou de clients particuliers518. Pour préciser notre objet de recherche, nous

retrouvons les deux dimensions de la définition de la création d'entreprise dans le domaine de l'entrepreneurship : le créateur et son projet (en dialogique difficilement dissociable).

a) Le créateur

Le modèle proposé ne concerne pas les créations d'entreprise animées par des groupes

dépourvus d'un leader incontesté. La littérature concernant l'entrepreneurship traite,

presque toujours, de l'entrepreneur comme acteur unique. Mais les études empiriques montrent que la création d'entreprise par des groupes n'est pas exceptionnelle, surtout s'il s'agit de projets ayant une certaine envergure. Ce qu'elle ne nous dit pas (à notre connaissance), c'est la proportion et la dynamique de ces créations pour lesquelles il n'y a pas de leader repérable. Un effort de recherche dans cette direction semble souhaitable519. Notre

expérience personnelle nous laisse penser qu'elles ne sont pas fréquentes520, sans cependant

être négligeables. Une partie du modèle développé est probablement utilisable pour ces cas, cependant, les dynamiques

515 STRATEGOR (1988), p. 342.

516 Le reste du capital étant réparti entre plusieurs personnes physiques ou morales.

517 Ce choix exclut les créations de filiale, au sens juridique du terme, mais aussi la créations des entreprises,

contrôlée juridiquement par des personnes physiques qui sont en réalité des quasi-filiales : un actionnaire majoritaire (personne physique) contrôlant déjà plusieurs entreprises. Cette conception est, du reste, celle qui est retenue pour l'attribution des aides à la création d'entreprise par les pouvoirs publics.

518 La limite est parfois difficile à tracer. Une très jeune entreprise peut dépendre d'un client, sans pour autant que

celui-ci n'ait de visée particulière quant au contrôle de son fournisseur, la jeune entreprise ayant, par ailleurs, une politique active de diversification de sa clientèle. Nous retiendrons ce cas comme faisant partie de notre champ de recherche. Différents développements théoriques explorent ces problèmes : modèle de dépendance des ressources, contrôle exercé par les acteurs externes. Une synthèse de ces théories est présentée dans : Gérard KOENIG (1987).

519 MULLER-BOLING Detlef (1990).

520 Sur une cinquantaine de projets de création d'entreprise accompagnés à la Maison du Créateur de Valence, un

seul était le fait de trois personnes sur un pied d'égalité, deux autres étaient conduits par deux personnes ayant un passé de travail en commun important et enfin trois étaient animés par un couple.

Figure 33 . Détermination de l'objet de la modéisation

PMIsation juridique Croissance interne

Reprise d’entreprise Création ex nihilo

N o u v e a u t é Indépendance Aucune Totale Totale C r é a t i o n d e v a l e u r Individu

Importance de la valeur nouvelle créée Intensité de l’innovation

Pas de changement pour l’individu

Processus de changement pour l’individu

Importance du changement Pas de création de valeur nouvelle En trep ren eurs hip Dia logi que Ind ivid u/C réat ion de vale ur + + + _ _ _

Création de valeur nouvelle Forte croissance Innovation Technologies

avancées Dirigeant créateur Dirigeant Employé Employé Dirigeant Héritage Invitation Franchise Acquisition Création ex nhilo

Pas ou peu de création de valeur nouvelle

E s p a c e / t e m p s Secteur d’activité, zone géographique particulière…

Sexe, ethnie, parcours professionnel, âge…

Accession au poste de dirigeant par

:

Public et O.B.N.L.

d'un groupe et d'un individu sont très différentes comme nous l'indiquent les travaux de la psychologie sociale et de la théorie des organisations521.

Pour le créateur, il doit s'agir d'un projet ayant les caractéristiques suivantes :

- la nouveauté : le fait que le créateur entreprenne, pour la première fois, une telle aventure ou, pour le moins, que son expérience de la création d'entreprise ne soit pas directement transposable (certains métiers, essentiellement dans le domaine du commerce et de l'artisanat, favorisent les créations à répétition qui pourraient être assimilées, pour l'entrepreneur, à des stratégies de croissance) ;

- la faible réversibilité : le créateur s'investit totalement dans son projet, la création de son entreprise doit être un véritable choix de vie ; cela exclut les créations qui sont le moyen, pour un salarié, d'exercer une activité complémentaire marginale522 ;

- enfin, le créateur ne doit pas être déjà à la tête d'une entreprise. La nouvelle création, qui peut être totalement indépendante juridiquement, pourrait alors être considérée comme une diversification.

b) Le projet-entreprise nouvelle

L'entreprise créée doit être indépendante. Nous avons déjà abordé ce point, mais il faut

ajouter que nous avons choisi d'exclure la création d'entreprise franchisée (ou assimilée) de notre champ d'étude. Autrement dit, la nouvelle entreprise doit principalement entretenir des relations du type marché avec ses différents partenaires.

Nous avons exclu de notre champ de recherche les créations de micro-entreprise qui

sont, essentiellement, pour le créateur un moyen de créer son propre emploi523. Bien que

certains aspects du processus de création de ces entreprises soient proches de ceux que nous allons tenter de représenter, il n'y a pas naissance d'une réelle dialogique entre l'individu et l'objet qu'il a créé, même, si d'un point de vue juridique, il y a apparition d'une personne

521 Nous adopterons le modèle de l'acteur unique, comme étant la décision d'un système politique externe dirigé,

en reprenant les concepts développés par Mintzberg. MINTZBERG Henry (1986).

522 Les limites sont parfois difficiles à cerner. Certains entrepreneurs créent leur entreprise tout en restant salarié,

de façon à tester une idée ou un marché, avec la ferme intention de saisir l'opportunité et de s'investir totalement si l'entreprise paraît rentable.

523 Les toutes petites entreprises représentent l'immense majorité des entreprises créées, telles qu'elles sont

recensées par l'INSEE. Julien et Marchenay proposent une typologie intéressante des PME.

JULIEN Pierre-André et MARCHESNAY Michel (1987) ; voir également : BRUYAT Christian et HUMBLOT Thierry (1990).

morale nouvelle. Cependant, il est difficile d'affirmer, a priori, que de telles entreprises ne croîtront pas, mais cela reste l'exception.

Nous n'avons pas retenu les reprises d'entreprise ou les créations, au sens juridique du

terme, qui sont en fait des reprises d'activités (d'actifs et de clientèles) existantes524. Nous ne

retiendrons, dans ce que Cooper et Dunkelberg525 appellent "l'événement entrepreneurial",

que la partie création d'entreprise au sens stricte. Il doit y avoir une double nouveauté : nouveauté pour le créateur et nouveauté de l'entreprise.

L'entreprise créée doit avoir comme perspective une certaine pérennité. Certaines

entreprises sont créées pour réaliser des affaires délimitées dans le temps, ce sont des supports juridiques d'opérations ayant un caractère temporaire qui s'insèrent dans une stratégie ou un projet plus vaste d'un ou de plusieurs acteurs. Notre travail concerne la naissance, souhaitée durable, d'une nouvelle entité économique.

Enfin, nous ne traiterons pas spécifiquement des créations d'activité se situant sur le secteur

non marchand526, ni de celles qui ont une composante politique marquée (non strictement

économique), pour lesquelles les acteurs sont multiples. Le modèle de décision de l'acteur unique ne pouvant pas s'appliquer d'une manière réaliste. Le tableau suivant résume ces développements :

Tableau 4. Le domaine de validité du modèle

Forte validité du modèle proposé Faible validité du modèle proposé

Acteur unique Groupe ou coalition

Acte non répétitif, unique Opération habituelle

Forte implication personnelle Faible implication

(faible réversibilité) (forte réversibilité)

Créateur salarié ou sans emploi Créateur patron d'entreprise

Entreprise indépendante Entreprise dépendante

PME ou plus Micro-entreprise

Activité nouvelle Reprise d'activité

Pérennité recherchée Opération temporaire

Secteur privé marchand Pas de but lucratif, non marchand

Economique Politique

524 Là encore les limites sont "floues". Un entrepreneur pourra choisir de reprendre une activité existante en ayant

pour but de lui donner rapidement une dimension nouvelle.

525 COOPER Arnold et DUNKELBERG William (1986), p. 67.

526 Sont également exclues, les créations de société financière qui sont des supports juridiques de holding...

La cible visée peut paraître restreinte : la plupart des créations d'entreprise, telles qu'elles sont recensées par les appareils statistiques nationaux, échappe à notre modèle527. Cependant, les

créations d'entreprise retenues constituent la cible privilégiée des structures et des dispositifs d'aide et d'accompagnement à la création d'entreprise. C'est pourquoi notre objet de recherche nous semble pertinent avec une demande sociale.

c) Horizon temporel pris en compte

La dialogique créateur/projet-entreprise nouvelle s'inscrit dans un processus et, donc, dans le temps. En tenant compte de notre problématique, nous avons pris en compte l'horizon

temporel qui est habituellement pertinent avec les dispositifs d'accompagnement :

depuis le moment où un individu envisage de créer une entreprise, jusqu'à ce que l'entreprise créée528 puisse être considérée comme établie : généralement 2 à 3 ans après sa création

juridique. Nous reviendrons plus précisément sur ce point au chapitre VI.