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Le choix du paradigme constructiviste ou de la modélisation des systèmes complexes

LE PROJET DE MODÉLISATION ET SES FONDEMENTS

A. Le projet de modélisation

3. Le choix du paradigme constructiviste ou de la modélisation des systèmes complexes

"Un paradigme n'explique pas, mais permet l'explication"529

Accompagner un entrepreneur tout au long de sa démarche, suppose que soient prises en compte la dynamique et les spécificités de sa personnalité, de ses savoir-faire, de ses ressources mobilisables et de son projet situé dans des environnements multiples. Le but de l'accompagnement n'est pas de prédire la réussite ou l'échec, mais de favoriser la réussite de l'entrepreneur. D'une certaine manière, il s'agit d'un moyen artificiel530 pour favoriser et rendre

plus sûre la création d'une entreprise. Aussi, l'accompagnateur ne peut pas se contenter de restituer au créateur des régularités statistiques "naturelles". Notre projet de recherche nous

527 Essentiellement du fait de leur faible taille ultime.

528 Dans l'hypothèse où le projet n'a pas avorté, ni subi un échec précoce. 529 MORIN Edgar (1980), p. 354.

530 Notre intention n'est pas de prôner un assistanat du créateur, ce qui est très éloigné de notre pensée, mais de

mettre l'accent sur le paradigme de l'artificiel.

impose de tenter de comprendre et d'agir sur le phénomène en prenant en compte sa complexité531.

A l'aide du tableau suivant, Le Moigne532 résume les différences entre les modèles analytique

classique et systémique de la complexité533 :

Tableau 5. Système compliqué et système complexe (Le Moigne)

POUR COMPRENDRE. et donc donner du sens à

Un SYSTEME COMPLIQUE Un SYSTEME COMPLEXE

on peut le on doit le

SIMPLIFIER MODELISER

pour découvrir son pour construire son

INTELLIGIBILITE INTELLIGIBILITE

(explication) (compréhension)

Mais en SIMPLIFIANT (= MUTILANT) un SYSTEME COMPLEXE on DETRUIT A PRIORI son INTELLIGIBILITE

Notre projet n'est pas d'augmenter le stock des connaissances locales, empiriques et contingentes, mais de tenter "d'enrichir des connaissances actives"534, de produire des formes

articulées dans un modèle systémique complexe se référant à une problématique particulière, forcément contingente.

531 Il s'agit en fait d'un pari pascalien. Pour notre problème, il n'est naturellement pas possible de démontrer que le

paradigme de la complexité soit supérieur au paradigme classique. Opter pour la complexité, c'est tenter de construire des outils ayant une utilité pour l'intervention, mais c'est aussi contribuer à la recherche se situant dans le paradigme classique en proposant une vision synthétique du processus de création (une théorie qualitative). Renoncer au paradigme classique, c'est prendre le risque que l'homme puisse un jour devenir le démon de Laplace... (dans 10 000 ans ?)

532 LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 11.

533 Dans le même ordre d'idée, Miller et Mintzberg écrivent : "Synthesis forms the basis of practitioner's

perception: It must precede, condition, and inform his analysis. Disjointed analysis by itself provide only glimpses of fragments, whose context-free states obscure their meaning. Findings may be statistically

significant, but not conceptually so. They become elusive, float away, inhibit rather than foster understanding. The fewer the fragments and the more distant one from another on the invisible canvas, the more difficult it is to get a realistic image of that canvas - to make any sense of things".

MILLER Danny et MINTZBERG Henry (1988), p. 523 ; Voir aussi : ATLAN Henri (1979), chapitre 4.

534 LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 8.

Nous aurions pu, par exemple, décaler notre problématique en direction des organismes financiers, avec pour but de proposer un modèle susceptible d'aider à la décision d'attribution de crédits aux jeunes entreprises. Il devenait, peut-être, possible de considérer le système comme compliqué dans un espace-temps considéré. En le simplifiant : des relations statistiques suffisamment significatives pourraient expliquer et donc permettre de prévoir la réussite ou l'échec d'un cas particulier avec une probabilité d'erreur plus ou moins satisfaisante pour le "client"535. Telle n'est pas notre ambition.

Notre démarche de modélisation est directement inspirée par les travaux portant sur la complexité, notamment par ceux de Le Moigne. Nous utiliserons la synthèse méthodologique qu'il propose dans son ouvrage : "La modélisation des systèmes complexes"536. Le schéma

suivant qui en est directement inspiré, présente la systémographie conçue comme "la procédure par laquelle on construit des modèles d'un phénomène perçu complexe, en le représentant délibérément comme et par un système général"537.

Figure 34. La systémographie d'un phénomène complexe

535 Dans ce cas, le modèle proposé doit être plutôt "conservateur". L'erreur qui consiste à refuser un financement

à une jeune entreprise qui réussit en définitive, ne condamne pas la banque à ne jamais entretenir un courant d'affaires avec elle par la suite. Alors qu'à l'inverse...

536 LE MOIGNE Jean-Louis (1990). 537 LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 28.

Le modélisateur, doté d'un projet et d'un point de vue qui lui est propre, construit un (des) modèle(s) représentant le phénomène tel qu'il le perçoit dans ses différents environnements. Construction par correspondance isomorphique538 avec le système (en) général539, c'est-à-

dire avec le savoir accumulé en matière de modélisation des systèmes complexes, et pour nous, plus particulièrement, des systèmes de décision(s)/action(s). Construction par homomorphisme avec le phénomène qui nous préoccupe : le processus de création d'entreprise, en utilisant le savoir accumulé dans le domaine de l'entrepreneurship, du management stratégique... et l'expérience pratique que nous avons de l'appui à la création d'entreprise.

Notre projet est de construire un modèle ou un système général canonique tel que le définit Le Moigne : "pour représenter un phénomène complexe, on le représente comme et par un système, système assez général et stable pour que l'on puisse rendre compte de tous les types de complexité que l'on pourra considérer ; système canonique en ceci qu'il intègre l'axiomatique conjonctive"540. Ce modèle ayant pour fonction d'être à son tour un appareil à

systémographier des situations particulières ayant trait à des processus de création d'entreprise dans une perspective d'intervention, d'être un générateur de modèles instrumentés.

Nous utiliserons la méthode axiomatico-inductive541, tout au moins "à minima"542 :

"L'important, pour la qualité du raisonnement modélisateur est la capacité à se référer à un corps d'axiomes explicitement exprimés. Quel que soit le modèle établi, ne devrait-on pas, par probité intellectuelle, préciser les axiomes que l'on a retenus pour argumenter le raisonnement par lequel on l'a construit"543

538 "(...) isomorphisme comme correspondance bijective, telle qu'à tout élément de l'ensemble d'arrivée (le modèle)

correspond un élément et un seul de l'ensemble de départ (l'objet) ; et réciproquement : la correspondance est transitive, réflexive et symétrique. Homomorphisme : correspondance surjective telle qu'à tout élément de l'ensemble d'arrivée corresponde au moins un élément de l'ensemble de départ, sans que la réciproque soit vraie : correspondance transitive et réflexive, mais non symétrique".

LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 77.

539 D'après Le Moigne, le système général a les propriétés suivantes : "(...) un objet qui, doté de finalités,

fonctionne, se structure et évolue dans un environnement". LE MOIGNE Jean-Louis (1977), p. 79.

540 LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 38.

541 Inductive ou inférentielle. Pierre Delattre écrit : "Il existe, me semble-t-il, trois grandes manières d'élaborer des

modèles : la méthode analogique, la méthode hypothético-déductive, et ce que je propose d'appeler, faute de mieux, la méthode axiomatico-inductive".

DELATTRE Pierre, Préface in BRUTER C.P. (1984), p. 5 ; voir aussi sur l'approche axiomatique : DE LEEUW A.C. (1982).

542 "A minima", dans la mesure où il ne s'agit pas de formulations mathématiques. La cohérence des inductions

est, dans une axiomatique de type littéraire, forcément sujette à des interprétations multiples.

543 LE MOIGNE Jean-Louis (1990), p. 37.

De plus, rendre explicite les axiomes qui sous-tendent un tel modèle, permet d'envisager des tentatives de validation ou de réfutation partielles et d'en souligner les incohérences éventuelles.

Figure 35. Le modèle canonique comme un appareil à systémographier

Modèle canonique Théories Hypothèses Observations Descriptions et généralisation Test Remise en cause Modèles instrumenté s Mise en œuvre des modèles et observations

T

TTEEERRRRRRAAAIIINNN

Réalisme ontologique

Réalisme ontologique

Positivisme, réductionisme

Réalisme

Réalisme

phénoménologique

phénoménologique

Modèle canonique du processus de création d’entreprise