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Progression de la réépithélialisation de plaies recouvertes de pansements

Chapitre 1 Introduction générale

3.2 Progression de la réépithélialisation de plaies recouvertes de pansements

Le but des études subséquentes a entre autres été de déterminer si la présence d’adipocytes dans un pansement pouvait jouer un rôle bénéfique sur le phénomène de réépithélialisation en comparaison avec un pansement composé uniquement de CSTA. Il est suggéré que les pansements adipeux pourraient sécréter plusieurs facteurs tels que la leptine qui seraient favorables au phénomène de réépithélialisation des kératinocytes. Au cours de cette première étude évaluant l’effet des pansements adipeux, la réépithélialisation a été suivie quotidiennement et des mesures de l’aire réépithélialisée ont été réalisées sur une période de six jours (Fig 3.6).

Figure 3.6 : Comparaison de l’aire ouverte des plaies en fonction du nombre de jour de guérison et selon le pansement utilisé (première étude). Une fermeture quasi-complète des plaies a été atteinte (n = 9 plaies par groupe aux jours 1 et 2, n = 3 aux jours 3 à 6). *, p < 0.0001, Test de Student non-pairé. Abréviation : Pans, Pansement.

D'abord, on note que pour les deux groupes expérimentaux la progression de la fermeture des plaies s'est déroulée de manière continue jusqu'à la fermeture quasi-complète de celles-ci. Contrairement à l'étude pilote où un plateau était observé graphiquement dès le quatrième jour de guérison, l'action d'avoir retiré les pansements quotidiennement pour la prise de photos semble avoir prévenu la cohésion du pansement à la plaie. La Méthode 2 a donc permis de comparer la progression de la guérison de plaies selon le pansement utilisé jusqu'à la fermeture complète, ce qui constitue une amélioration importante de la méthode expérimentale initiale.

Au deuxième jour de guérison, la surface ouverte des plaies est significativement plus petite lorsque la plaie est recouverte d’un pansement adipeux (46,1 ± 3,4%) que lorsque la plaie est recouverte d’un pansement composé uniquement de CSTA (53,7 ± 3,1%) (p < 0,0001, Test de Student non-pairé). Cette différence s’est dessinée dès le premier jour de guérison sans toutefois être significative (p = 0,0879). Cette tendance se dissipe à partir du troisième jour et les mesures d’aires sont similaires (p > 0,05, Test de Student non-pairé fait pour chaque jour) jusqu’à la fermeture presque totale des plaies au sixième jour de guérison. À noter qu’au moment de cette étude, les pansements biologiques fabriqués par auto-assemblage étaient constitués de l’empilement de deux feuillets cellulaires plutôt que de trois tel que dans la prochaine étude présentée.

Les profils de sécrétion de la leptine, du VEGF et de l’angiopoïétine-1 présentent les mêmes tendances que lors de l’étude pilote. La leptine et l’angiopoïétine-1 produites par les pansements adipeux sont respectivement 25 et 2,6 fois plus abondantes que les quantités produites par les pansements de CSTA. Le VEGF est à nouveau davantage retrouvé dans le milieu de culture des pansements de CSTA, tel qu’observé précédemment, de l’ordre de 2,4 fois plus. Les dosages réalisés lors de cette étude quantifiaient au jour 0 les molécules produites dans les 24 heures précédentes la mise en place des pansements sur les plaies dans un milieu sans sérum et sans phénol (Fig 3.7).

Figure 3.7 : Profil de sécrétion des pansements biologiques sur une période de 24 heures en milieu sans sérum et sans phénol. **, p entre 0,01 et 0,001, ***, p < 0,001. Test de Student non-pairé, n = 3 pour chaque molécule analysée. Abréviation : Pans, Pansement.

Plusieurs hypothèses ont été formulées après l’obtention de ces résultats pour tenter d’expliquer le changement de tendance dans les courbes de réépithélialisation des plaies après le deuxième jour de guérison. Elles ont par ailleurs guidé les choix de conditions expérimentales qui ont mené à la conception d’une deuxième étude sur la réépithélialisation de plaies en présence de pansements biologiques.

Premièrement, le nombre de cellules contenues dans un pansement était peut-être insuffisant pour qu’un effet soutenu puisse mener à des différences marquées dans la vitesse de réépithélialisation. Pour tenter d’augmenter la quantité de molécules actives produites (tels que le VEGF, la leptine, ...), les pansements de la deuxième étude ont été conçus avec trois feuillets cellulaires plutôt que deux, la prémisse étant que plus de cellules dans un pansement procurerait un effet plus notable sur la guérison.

Deuxièmement, les pansements étant en contact indirect avec le milieu de culture et exposé à l’air durant plusieurs jours, peut-être y aurait-t-il une dégradation des pansements au fil du temps, en particulier pour les pansements adipeux. Pour vérifier cette hypothèse, une condition expérimentale dans laquelle les pansements sont remplacés par de nouveaux tous les deux jours a été ajoutée. Cette condition a pour but de vérifier la tendance observée précédemment, c’est-à-dire que les pansements adipeux semblent accélérer la fermeture de plaies en début de guérison seulement. Cette condition permet aussi de s’approcher de la réalité clinique, où les pansements sont généralement changés plus fréquemment qu’à tous les six jours. Ce groupe expérimental veut également valider l'hypothèse de travail selon laquelle le sécrétome des pansements adipeux est favorable à la réépithélialisation. Bref, en réduisant l’impact d’un possible épuisement cellulaire (en utilisant régulièrement un pansement neuf), un pansement qui contient plus de cellules actives à un temps donné devrait favoriser une fermeture des plaies plus rapide. Notons que puisque ce genre de groupe expérimental demande de produire trois fois plus de pansements qu’à l’habitude pour un même nombre de plaies, il a été choisi que la condition serait réalisée seulement pour évaluer des pansements adipeux.

Des conditions expérimentales ont également été ajoutées à titre de groupes de contrôle dans cette deuxième étude. Dans le but de comparer les pansements adipeux et les pansements de CSTA au type de pansement actuellement utilisé en clinique, des pansements composés de fibroblastes dermiques ont été conçus (la faisabilité d’étudier les effets de pansements faits de fibroblastes dermiques a d’ailleurs déjà été évaluée lors de l’étude pilote). De plus, des plaies non recouvertes d’un pansement ont été ajoutées à l’étude à titre de contrôle comparatif.

La deuxième étude a donc été conçue en incluant cinq groupes expérimentaux. Cette étude avait pour but de vérifier si la présence de pansements faits de CSTA ou de pansements adipeux influencerait favorablement la réépithélialisation de plaies reconstruites in vitro comparativement à des pansements faits de fibroblastes dermiques. Malheureusement, des problèmes d’ordre technique (abordés dans la section 3.3 et le Chapitre 4) ont privé l’étude de la condition évaluant l’effet de pansements faits de CSTA. La progression de la guérison pour chaque groupe est présentée à la Figure 3.8.

Figure 3.8 : Progression de la réépithélialisation en fonction du groupe expérimental à l’étude (deuxième étude). Les cellules utilisées pour former tous les types de pansement proviennent du même patient (N = 1). *, p< 0,05, comparaison de Pans. Adipeux Ch.2JVs Pans. Fibroblastes ou Pans. Adipeux. #, p< 0,01, comparaison de Sans Pansement Vs Pans. Fibroblastes ou Pans. Adipeux. Two-way ANOVA suivi de post-tests de Bonferroni, n = 7 plaies par groupe du jour 0 à 3 et n = 5 plaies du jour 4 à 6 pour les plaies sans pansement et les pansements de fibroblastes, n = 4 plaies du jour 0 à 3 et n = 3 plaies du jour 4 à 6 pour les pansements adipeux et adipeux changés aux 2 jours (Ch.2J). Abréviation : Pans, Pansement.

L’analyse statistique utilisée a été un Two-way ANOVA suivi de post-tests de Bonferroni pour comparer chacun des groupes avec tous les autres. Ce type d’analyse permet de comparer chacun des groupes à tous les jours de guérison tout en considérant l’ensemble de la courbe de progression du groupe donné. Aux premier et deuxième jours de guérison, aucune différence n’a été observée entre les groupes (p > 0,05, post-tests de Bonferroni pour toutes les comparaisons possibles). Des différences significatives entre les groupes expérimentaux ont toutefois été observées à partir du troisième jour où l’aire des plaies sans pansement (25,3 ± 4,5%) était significativement plus petite que celle des plaies

recouvertes d’un pansement de fibroblastes (35,3 ± 3,1%) ou d’un pansement adipeux (35,1 ± 9,2%) (p < 0,01, post-tests de Bonferroni pour toutes les comparaisons). De plus, au quatrième jour, les plaies recouvertes d’un pansement adipeux changé tous les deux jours (Ch.2J) (12,7 ± 5,2%) étaient significativement plus petites que les plaies recouvertes d’un pansement de fibroblastes (21,6 ± 3,5%) ou d’un pansement adipeux demeuré en place depuis le début de la guérison (23,0 ± 9,1%) (p < 0,05, post-tests de Bonferroni pour les deux comparaisons). Aux deux derniers jours, aucune différence n’a été observée (p > 0,05, post-tests de Bonferroni pour toutes les comparaisons possibles) puisque les aires à refermer étaient devenues minimes (< 10,0% d’aire ouverte pour tous les groupes).

Globalement, la surface des plaies recouvertes d’un pansement adipeux changé tous les deux jours s’est réépithélialisée de 10% de plus que les plaies recouvertes d’un pansement adipeux ou fait de fibroblastes après quatre jours de guérison. Ceci pourrait signaler que les propriétés sécrétoires favorables à la guérison dont disposeraient les pansements adipeux se dégradent avec le temps. De plus, il est envisageable que dans un environnement de culture favorable comme celui utilisé dans ce modèle, les plaies sans pansement se refermeraient plus rapidement que les autres conditions expérimentales en absence du poids exercé par les pansements sur les plaies (voir Discussion). Pourtant, les plaies recouvertes d’un pansement adipeux remplacé aux deux jours se sont refermées aussi rapidement que celles sans pansement, signalant possiblement un effet provenant du pansement (p > 0,05, post-tests de Bonferroni pour tous les jours comparés).

Le profil sécrétoire des pansements triples utilisés lors de cette étude a été évalué dans des conditions différentes de celles présentées précédemment. La période de culture faite dans les heures précédentes la mise en place des pansements sur les plaies a été réalisée dans du milieu adipogénique pour tous les types de pansements plutôt que du milieu sans sérum et sans phénol. Les dosages ont été faits après une période de 48 heures (Fig 3.9).

Figure 3.9 : Profil de sécrétion des pansements biologiques sur une période de 48 heures en milieu de culture pour adipocytes. **, p entre 0,01 et 0,001, ***, p < 0,001. One-way ANOVA suivi de post-tests de Bonferroni, n = 3 pour chaque molécule analysée. Abréviations : Pans, Pansement.

Les valeurs obtenues suivent les mêmes tendances statistiques que dans les deux analyses réalisées précédemment. Toutefois, l’ampleur des valeurs et les différences numériques entre les groupes varient légèrement pour les trois molécules analysées. Pour la leptine, des quantités un peu plus importantes de la molécule sont détectées par ELISA dans les milieux de culture des pansements de fibroblastes et de CSTA. En comparaison avec l’étude pilote où la quantité de leptine détectée pour ces deux types de pansement était à peu près nulle (1,9 ± 0,4 ng/mL pour les pansements de fibroblaste et 1,5 ± 0,3 ng/mL pour les pansements de CSTA dans l’étude pilote), les pansements de fibroblastes et de CSTA auraient sécrétés plus de leptine dans un milieu de culture pour adipocytes en 48 heures que dans un milieu sans sérum et sans phénol (13,2 ± 6,5 ng/mL pour les pansements de fibroblaste et 9,9 ± 3,4 ng/mL pour les pansements de CSTA dans la

deuxième étude). Cette différence d’amplitude de la leptine est à peu près nulle pour les pansements adipeux, les valeurs étant à peu près similaires (46,6 ± 6,7 ng/mL pour les pansements adipeux de l’étude pilote et 48,0 ± 4,6 ng/mL pour les pansements adipeux de la deuxième étude). Les conditions de prélèvements étant similaires et les populations cellulaires utilisées étant les mêmes dans l’étude pilote, il est justifié de questionner l’effet qu’a pu avoir le milieu de culture adipogénique sur les résultats obtenus. De plus, le fait que les pansements soient composés de trois feuillets cellulaires plutôt que deux comme dans l’étude pilote aurait pu expliquer la présence de quantités de leptine supérieures dans les analyses de la deuxième étude pour tous les groupes, mais la valeur obtenue pour les pansements adipeux est pourtant similaire. Les valeurs obtenues pour les dosages du VEGF et de l’angiopoïétine-1 diffèrent également. Une baisse de la quantité d’angiopoïétine-1 d’environ 70% est notée pour les trois types de pansements. Pour le VEGF, cet écart est d’environ 30% pour les pansements de fibroblastes et de CSTA tandis que la valeur est comparable pour les pansements adipeux.

La troisième étude avait pour but de comparer les mêmes conditions expérimentales que la deuxième étude réalisée. L’objectif premier était d’obtenir des résultats pour des plaies recouvertes de pansements de CSTA puisque ce groupe n’était pas disponible dans la deuxième étude à cause d’ennuis techniques. Malheureusement, ces mêmes ennuis techniques ont empêché de retirer toute donnée sur la réépithélialisation des plaies dans la troisième étude. Le sujet sera abordé dans à la section 3.3 et dans le Chapitre 4.

3.3 Caractérisation de l’impact des pansements biologiques sur