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Conception du modèle de guérison des plaies in vitro adapté à l’étude de

Chapitre 1 Introduction générale

3.1 Conception du modèle de guérison des plaies in vitro adapté à l’étude de

Un modèle de guérison des plaies conçu in vitro par la technique d’auto-assemblage a été développé au LOEX par l’équipe de Dre Véronique Moulin au début des années 2000 (Laplante et al., 2001). Afin d’adapter ce modèle à l’étude de pansements biologiques, des peaux bilamellaires reconstruites in vitro ont été créées à partir de deux feuillets de fibroblastes dermiques sur lesquels des kératinocytes ont été ensemencés. Après un temps de prolifération suffisant et des conditions de différenciation à l’interface air-liquide (voir section 2.1), les peaux ont développé un épiderme possédant toutes les couches différenciées représentatives d’une peau normale humaine (Fig 3.1). Un feuillet migratoire composé de fibroblastes dermiques a ensuite été apposé en dessous de la peau blessée pour permettre la migration des kératinocytes, recréant ainsi le modèle original de guérison des plaies conçu précédemment.

Figure 3.1 : Aspect macroscopique d’une peau reconstruite. Les photos représentent l’apparence des peaux reconstruites avant d’effectuer une plaie (A) et après la plaie et l’ajout d’un feuillet migratoire composé de fibroblastes dermiques (B). Le modèle de guérison de plaie conçu par auto-assemblage et développé au LOEX (Laplante et al., 2001) permet de produire des peaux possédant un épithélium uniformément différencié (A) ainsi que des plaies circulaires aux marges bien définies (B). Barre de mesure = 1 cm. Abréviations : An, Ancrage; P, Peau.

Notre technique adaptée permettant l’étude des effets de pansements biologiques sur la guérison de plaies cutanées a d’abord consisté en l’ajout de pansements biologiques sur les plaies durant le processus de guérison. Les études précédemment réalisées à partir du modèle de Laplante (Dube et al., 2010) ou utilisant une version modifiée de ce modèle (Carrier et al., 2008) n’avaient jamais évalué la possibilité de comparer l’effet de pansements apposés sur une plaie.

À partir de la technique d’auto-assemblage développée au LOEX (Michel et al., 1999) ainsi que l’expertise de l’équipe de Dre Fradette en reconstruction du tissu adipeux (Vermette et al., 2007), des pansements biologiques ont été conçus à partir de fibroblastes dermiques et à partir de cellules stromales/souches extraites du tissu adipeux (CSTA). En présence d’acide ascorbique et de sérum de veau fœtal, ces deux types cellulaires ont produit et organisé une matrice extracellulaire résistante qui a permis après 28 jours de culture de soulever et d’empiler des feuillets cellulaires conjonctifs. De plus, une partie des cultures de CSTA ont été induites par l’ajout d’un cocktail d’induction adipogénique durant la culture pour produire des feuillets adipeux empilables. Par la méthode décrite à la section 2.2, deux ou trois feuillets cellulaires ont été empilés pour former chacun des types de pansement étudiés (voir Tableau 2.5).Un temps de culture de sept jours a permis d’obtenir une bonne cohésion entre les feuillets des pansements avant leur ajout sur des plaies. L’aspect macroscopique (Fig 3.2 A-C) et microscopique (D-F) des pansements conçus montre que de nombreux adipocytes sont présents dans les pansements adipeux produits grâce au cocktail d’induction adipogénique (F), ce qui donne une apparence plus blanchâtre macroscopiquement (C).

Les pansements produits sont suffisamment résistants pour pouvoir être manipulés et déplacés sans un risque élevé de déchirure. Ils peuvent être pliés raisonnablement pour s’adapter à la surface à recouvrir sans qu’ils ne se détachent de l’ancrage. Au cours des études réalisées utilisant ces pansements, aucun bris n’a été observé malgré des manipulations fréquentes lors des prises de photos macroscopiques pour suivre le phénomène de réépithélialisation (voir Méthode 2, section 2.7.2.).

Figure 3.2 : Apparence macroscopique (A-C) et microscopique (D-F) des pansements biologiques produits par auto-assemblage. Les pansements faits de fibroblastes dermiques (A, D), de cellules souches/stromales extraites du tissu adipeux (CSTA) (B, E) ou de CSTA exposées au cocktail d’induction adipogénique (adipeux) (C, F) possèdent une matrice extracellulaire les rendant facilement manipulables. De nombreux adipocytes composent les pansements faits de CSTA induites (F), les rendant plus blanchâtres (C). Barres de mesure = 1 cm (A-C), 50 µm (D-F).

Une étude pilote a d’abord permis d’apporter les modifications nécessaires à la méthode de suivi de la fermeture des plaies dans le temps. Précédemment au LOEX (Dube et al., 2010), les photos des plaies prises quotidiennement à l’aide d’un stéréomicroscope étaient réalisées en présence du montage servant à la culture en interface air-liquide (tel que vu à la Fig 2.4). Le pétri contenant le montage expérimental et la plaie a été directement placé sur le stéréomicroscope (voir Méthode 1, section 2.7.1) et la photo a été prise en présence de milieu de culture sous la peau au cours de cette étude pilote. Malheureusement, cette méthode n’a pas permis d’obtenir des photos permettant de visualiser l’aire réépithélialisée pour tous les groupes expérimentaux. Tel qu’attendu, il a été possible de mesurer l’aire réépithélialisée des plaies recouvertes d’un pansement composé de fibroblastes dermiques ou de CSTA (Fig 3.3 A-B). Toutefois, en présence d’un pansement adipeux, le front de migration normalement perceptible par cette méthode de prise de photo a été impossible à distinguer, masqué par les adipocytes remplis de lipides (C). Cette opacité a ainsi privé l’étude de certains résultats clés.

Un autre obstacle rencontré au cours de cette étude pilote a été l’arrêt prématuré de la progression de la réépithélialisation des plaies. Tel que vu à la Figure 3.3 D, la fermeture des plaies recouvertes de pansements de fibroblastes ou de CSTA progresse jusqu’à trois jours de guérison. Au cours de ces trois jours, les plaies recouvertes de pansements faits de fibroblastes dermiques ou de CSTA se sont réépithélialisées à des rythmes comparables (p > 0,05 aux jours 1, 2 et 3 de guérison, Test de Student non pairé, n = 10 dans les deux groupes). À partir du quatrième jour, la fermeture des plaies est ralentie et il y a atteinte d’un plateau sans fermeture complète des plaies. Au jour 4, les plaies recouvertes d’un pansement de fibroblastes dermiques étaient réépithélialisées en moyenne de 72,7 ± 6,7% de leur surface totale et les plaies recouvertes de pansements de CSTA de 74,7 ± 7,6%. Ces valeurs ont plafonné jusqu’au sixième jour de guérison et sont demeurées similaires (p > 0,05 aux jours 4 et 6 de guérison, Test de Student non pairé, n = 7 au jour 4 et n = 5 au jour 6 dans les deux groupes).

L’arrêt de progression constaté graphiquement est confirmé par l’analyse histologique réalisée sur les plaies après six jours de guérison en présence d’un pansement (Fig 3.3 E). Les kératinocytes ont progressé de la marge de la plaie (MP) vers le centre (C) pour finalement rebrousser chemin et commencer à épithélialiser la surface interne du pansement (indiqué par des têtes de flèche). L’apparition progressive de cohésion entre les pansements utilisés et les feuillets migratoires de fibroblastes sous les plaies pourrait expliquer cet arrêt de progression. Le plateau observé sur le graphe correspondrait au moment où les kératinocytes ont été incapables de se glisser sous les pansements pour poursuivre leur réépithélialisation sur les feuillets migratoires. La force de la cohésion entre le pansement et le feuillet migratoire étant devenue trop forte, les kératinocytes en prolifération auraient alors cessé leur progression organisée et dirigée vers le centre de la plaie pour plutôt épithélialiser les pansements.

Il n’a donc pas été possible au cours de cette étude d’évaluer l’effet des pansements jusqu’à la fermeture complète de la plaie puisque la progression de la réépithélialisation a été affectée par la cohésion entre le pansement et le feuillet migratoire. Il est tout de même possible d’affirmer que durant les trois premiers jours de guérison, les pansements faits de fibroblastes dermiques ou de CSTA semblent avoir eu un impact équivalent sur le

phénomène de réépithélialisation. Notons que les résultats de l’étude pilote ainsi que des études subséquentes sont soutenus par le fait que les populations cellulaires utilisées pour produire les pansements proviennent toutes du même patient. Les fibroblastes dermiques et les CSTA ont en effet été prélevés du même sujet, réduisant ainsi la possibilité de variations interpersonnelles lors de la comparaison de différents types cellulaires. Cette force de l’étude pilote ainsi que des études subséquentes élimine un facteur confondant majeur qui pourrait nuire à l’interprétation des résultats.

Figure 3.3 : Résumé des résultats de l’étude pilote. L’aspect macroscopique du phénomène de réépithélialisation de plaies reconstruites in vitro recouvertes d’un pansement de fibroblastes (A), d’un pansement de CSTA (B) ou d’un pansement adipeux (C) est présenté. La réépithélialisation des plaies recouvertes d’un pansement adipeux n’a pu être mesurée à cause de l’opacité du pansement en C. Les mesures de l’aire ouverte des plaies au fil du temps et selon le pansement utilisé sont illustrées graphiquement (D) (N = 1 même patient duquel les fibroblastes et les CSTA utilisés ont été prélevés, n = 10 plaies par groupe aux jours 1, 2 et 3, n = 7 au jour 4 et n = 5 au jour 6). L’aspect histologique de la réépithélialisation six jours après l’ajout d’un pansement biologique fait de CSTA et suite à une coloration au trichrome de Masson d’une coupe transversale est illustrée (E). La cohésion progressive entre le pansement et le feuillet migratoire (flèche) a stoppé la fermeture de la plaie et a amené les kératinocytes à épithélialiser la surface interne du pansement (indiqué par des têtes de flèches). Barres de mesure = 300 µm (A-C), 1 cm (E). Abréviations : C, Centre de la plaie; MP, Marge de la plaie, Pans, Pansement.

L’étude pilote a également permis d’évaluer une première fois le profil de sécrétion des différents pansements biologiques conçus. Des dosages ELISA ont permis de quantifier au jour 0 les quantités de leptine, de VEGF et d’angiopoïétine-1 produites dans les 48 heures précédant la mise en place des pansements sur les plaies. Le milieu de culture utilisé durant cette période était un milieu sans sérum et sans phénol afin de réduire au minimum la quantité de protéines pouvant provenir du sérum bovin et ainsi cibler la production réelle des pansements.

Figure 3.4 : Profil de sécrétion des pansements biologiques sur une période de 48 heures en milieu sans sérum et sans phénol. ***, p < 0,001. One-way ANOVA suivi de post-tests de Bonferroni, n = 3 pour chaque molécule analysée. Abréviation : Pans, Pansement.

Tel qu’attendu, la quantité de leptine produite par les pansements adipeux est grandement supérieure à celle produite par les pansements de fibroblastes ou de CSTA, respectivement de 24 et 31 fois plus élevée sur une période de 48 heures. La quantité

d’angiopoïétine-1 est également deux fois plus abondante dans les surnageants des pansements adipeux que ceux de CSTA ou de fibroblastes. Quant au VEGF, sa présence est deux fois plus élevée dans les surnageants de pansements faits de CSTA que ceux des pansements adipeux ou de fibroblastes.

Il a été nécessaire d’adapter la méthode de suivi de la progression de la réépithélialisation afin de permettre l’évaluation de tous les types de pansement jusqu’à une guérison complète des plaies. Les études suivantes ont donc été réalisées avec la Méthode 2 (voir Méthode 2, section 2.7.2) qui a été adaptée à partir des observations faites au cours de l’étude pilote. Cette technique améliorée a permis d’accentuer le contraste lumineux permettant de distinguer la zone nouvellement réépithélialisée et a éliminé le blocage fait par les adipocytes des pansements adipeux (Fig 3.5). Cette technique de retrait quotidien du pansement, combinée au fait que l’orientation des pansements a été inversée avant qu’ils ne soient placés sur la plaie, a également permis de prévenir la formation de cohésion entre le pansement et le feuillet migratoire. Le retrait temporaire du pansement durant la photo a donc amélioré la clarté des zones réépithélialisées, prévenu la cohésion et ainsi facilité l’analyse des photos prises quotidiennement.

Ces modifications de la méthode originale (Méthode 1) ont permis de suivre pendant six jours la progression de la guérison à l’aide de photos dans les études subséquentes, peu importe le type de pansement utilisé. La Figure 3.5 montre un exemple de la progression de la réépithélialisation d’une plaie recouverte d’un pansement de CSTA (A, C, E) et d’une plaie recouverte d’un pansement adipeux (B, D, F). Le pansement a été retiré pour chacune des photos. La clarté et la précision avec laquelle il est maintenant possible de suivre la réépithélialisation surpassent largement ce qui pouvait être fait lors de l’étude pilote (Fig 3.3).

Figure 3.5 : Aspect au stéréomicroscope du phénomène de réépithélialisation d’une plaie reconstruite in vitro après l’adaptation de la méthode de suivi de la réépithélialisation. Aspect d’une plaie ayant été recouverte d’un pansement de CSTA après 2, 4 et 6 jours de guérison respectivement (A, C, E). Aspect d’une plaie ayant été recouverte d’un pansement adipeux après 2, 4 et 6 jours de guérison respectivement (B, D, F). Le pansement a été retiré temporairement pour la prise des photos. Barres de mesure = 300 µm.

3.2 Progression de la réépithélialisation de plaies recouvertes