• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Introduction générale

1.2 La guérison des plaies cutanées

1.2.3 Traitements des plaies cutanées

1.2.3.3 Pansements cellulaires

Lorsque les options de traitement s’épuisent pour les patients atteints d’ulcères chroniques, il est possible d’avoir recourt à des alternatives dites cellulaires ou biologiques. Ces technologies en développement depuis les années 80 commencent à entrer sur le marché et à faire leurs preuves comme étant cliniquement efficaces et sécuritaires. Une méta-analyse des différents recouvrements cellulaires commercialement disponibles montre d’ailleurs une supériorité globale de ces technologies par rapport au traitement conventionnel et une réduction notable du taux d’infection des plaies chroniques traitées (Teng et al., 2010).

Le premier tissu reconstruit approuvé et utilisé pour le traitement d’ulcères chroniques a été Apligraf®. Il a été approuvé pour le traitement des ulcères veineux en 1998 et pour le traitement des ulcères diabétiques en 2000 en démontrant qu’il augmente le nombre de fermeture complète des plaies (47% versus 19% des contrôles sur 6 mois pour les ulcères veineux) en plus d’augmenter la vitesse de guérison complète (Zaulyanov et al., 2007, Falanga et al., 1999). Ces premières utilisations remontent à 1995 comme un recouvrement potentiel de plaies post-chirurgicales (Eaglstein et al., 1995). Ce recouvrement bilamellaire est composé de fibroblastes néonataux ensemencés dans une matrice de collagène bovin de type I recouvert de kératinocytes néonataux. Il s’agit donc

d’un recouvrement allogénique contenant des cellules vivantes. Son mécanisme d’action est imprécis, mais il est avancé que l’action de cytokines sécrétées par le pansement telles que les interférons α et β, le PDGF et certaines interleukines ainsi que la sécrétion de composantes servant à la formation de matrice extracellulaire seraient à l’origine des effets bénéfiques d’Apligraf® [revu dans (Zaulyanov et al., 2007, Shevchenko et al., 2010)]. Il est actuellement le pansement biologique le plus couramment utilisé dans les cliniques spécialisées de traitement des plaies chroniques et constitue depuis l’étalon de comparaison dans l’étude d’autres types de pansements cellulaires. La Figure 1.5 A-B illustre l’utilisation d’Apligraf® pour recouvrir un ulcère chronique.

D’autres pansements cellulaires sont composés d’un seul type cellulaire, dont Dermagraft®, qui contient uniquement des fibroblastes néonataux. Ces fibroblastes sont ensemencés dans une matrice de polyglactine dégradable. Ce pansement est actuellement reconnu efficace pour recouvrir des ulcères veineux et diabétiques (Marston et al., 2003, Omar et al., 2004). Il agirait favorablement sur la néovascularisation et favoriserait également la migration des kératinocytes de la marge d’une plaie (Shevchenko et al., 2010). La manière d’utiliser Dermagraft® en clinique est illustrée à la Figure 1.5 C-D.

Figure 1.5 : Apparence générale des principaux pansements cellulaires disponibles commercialement. Apligraf® est commercialisé dans un contenant rigide (A) et doit être appliqué au-delà des marges de la plaie (B), tandis que Dermagraft® est disponible dans une enveloppe souple et doit être ajusté à la forme de la plaie (D). [Figure modifiée de (Harding et al., 2002)]

Il existe aussi quelques types de recouvrements cellulaires constitués seulement de kératinocytes. Les principales caractéristiques de ces pansements, ainsi que celles des pansements composés de fibroblastes seulement ou d’une combinaison (incluant Apligraf® et Dermagraft®), sont résumées dans le Tableau 1.1.

Tableau 1.1 : Principaux recouvrements biologiques disponibles en clinique pour le traitement de plaies chroniques. [Tableau traduit et adapté de(Shevchenko et al., 2010)]

Nom commercial (Compagnie) Représentation schématique Type cellulaire Source cellulaire Source matricielle Composition matricielle Utilisation Apligraf

(Organogenesis) K / F Allogénique Xénogénique

Collagène bovin Temporaire; ulcères diabétiques et veineux OrCel (Ortec International) K / F Allogénique Xénogénique Éponge de collagène bovin Temporaire; brûlures surtout (plaies sans indication officielle) MySkin (CellTran) K Autologue Synthétique Support de silicone et enduit de surface Permanent; ulcères diabétiques et plaies de pression BioSeed-S (BioTissue Technologies)

K Autologue Allogénique Scellant de fibrine Permanent; ulcères veineux Dermagraft (Advanced Biohealing)

F Allogénique Allogénique et synthétique

PGA, PLA et matrice extracellulaire Temporaire; ulcères diabétiques et veineux Abréviations : K, kératinocytes; F, fibroblastes; PGA, acide polyglycolique; PLA, acide polylactique.

Le coût de production de pansements partiellement ou entièrement composés de cellules est élevé et le bénéfice coût-efficacité d’utiliser de telles technologies a été remis en question par plusieurs auteurs (Dinh et al., 2006, Langer et al., 2009). Des pansements comme Apligraf® ont un coût unitaire de 28$/cm2 de pansement, ce qui surpasse grandement le coût d’un pansement plus traditionnel (Shevchenko et al., 2010). Il est donc important que les sommes sauvées par la réduction de la morbidité et de la durée du traitement surpassent ces coûts supplémentaires (Dinh et al., 2006). Une revue systématique récente des deux principaux pansements cellulaires commercialisés (Apligraf® et Dermagraft®) conclut que ces deux types de pansement ont un ratio coût- efficacité favorable lorsqu’utilisés chez des patients correctement sélectionnés (Langer et al., 2009), c’est-à-dire des patients pour qui une démarche de recouvrement de plaie traditionnelle prolonge notablement la durée du traitement. Le marketing, la disponibilité et la facilité d’utilisation (souvent décrit en anglais comme étant le « off-the-shelf use ») et la capacité de production de masse sont également des facteurs importants du succès commercial de ces pansements (Mansbridge, 2006).

Il existe d’autres types de recouvrement ne contenant pas de cellules vivantes, mais plutôt une matrice biologique servant à aider les mécanismes de guérison du corps à rebâtir le site d’une plaie. Une étude récente comparant les bénéfices d’utiliser une matrice de collagène nommée PriMatrix® en comparaison à l’utilisation d’Apligraf® conclut que la matrice appliquée de manière permanente au site de la plaie a permis de favoriser la guérison plus rapidement qu’Apligraf®, quoique les deux méthodes se soient avérées efficaces (Karr, 2011). Les différentes matrices à l’étude en guérison des plaies sont revues de manière extensive par Shevchenko et al (Shevchenko et al., 2010).

Certaines équipes de recherche envisagent de combiner les stratégies ayant un potentiel de promouvoir la guérison des plaies. En plus de concevoir un recouvrement ou une matrice contenant des cellules, ils proposent de modifier génétiquement ces cellules afin de les rendre productrices de molécules pro-angiogéniques ou de molécules favorables à la réépithélialisation. Ces stratégies de thérapie génique ont été revues par Branski et plus récemment par Gauglitz (Branski et al., 2009, Gauglitz et al., 2011).

1.3 Étude de la guérison des plaies cutanées et potentiel des