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Profil de l’interface liquide-air en interaction quasi-statique avec une sonde AFM

Récemment, René Ledesma-Alonso et al. ont développé un modèle nano-hydrodynamique qui permet de calculer le profil ⌘(r) de l’interface d’un film liquide avec de l’air, en interaction avec une sonde AFM [Alonso-Lesdesma et al.,2012a],[Alonso-Lesdesma et al.,2012c],[Alonso- Lesdesma et al.,2013]. Le modèle se place en régime quasi-statique (qui correspond à l’AFM en mode Contact) et, outre le profil de la surface liquide, il permet de mettre en évidence l’existence d’une valeur seuil de la distance pointe-liquide, en-decà de laquelle l’instabilité de jump-to-contact se déclenche. Il permet de dégager l’influence des paramètres géométriques (rayon de la pointe R, épaisseur du film liquide e) et des paramètres physiques (constantes d’Hamaker, masses volumiques, influence de la pesanteur) sur le seuil d’instabilité dmin. Le

cas des films minces est exploré de manière spécifique [Alonso-Lesdesma et al., 2013], mais ne nous concernera pas dans ce travail.

5.2.1 Equation de Young-Laplace pour un film épais

Le profil de l’interface est calculé en résolvant l’équation de Young-Laplace. La pointe AFM modélisée par une sphère de rayon R est approchée de manière quasi-statique, donc le liquide est considéré comme étant, pour chaque valeur de la distance d, à l’équilibre, sous l’action des forces de van der Waals attractives dues à la pointe AFM et au substrat, de son

poids, et des forces de tension superficielle [Alonso-Lesdesma et al.,2012a] :

P = 2  + ⇧ls+ ⇧pl+ ⇢ g ⌘ (5.12)

où ⇢ = ⇢l ⇢air, la différence de masses volumiques entre le liquide et l’air, g l’accélération

de la pesanteur, la tension superficielle liquide/air,  la courbure locale et ⌘ la déformation locale de l’interface. Les deux grandeurs ⇧ls et ⇧pl sont respectivement les pressions de dis-

jonction correspondant aux interactions liquide/substrat et pointe/liquide. Enfin, P est le saut de pression à l’interface liquide/air.

Le potentiel d’interaction pointe/liquide se déduit de la force qui a été calculée au 5.1.2.2. Il s’agit de la différence entre le potentiel pl pour un point M0 (voir Fig. 4) si-

tué à la surface du liquide perturbé et celui correspondant à la situation non perturbée : ⇧pl = pl(r, d) pl(r, d! +1). En utilisant l’équation 5.8 et la définition de la constante

d’Hamaker5.6, on peut exprimer la pression de disjonction ⇧pl :

⇧pl= 4HplR3 3⇡ 1 ⇣ [R + d ⌘(r)]2+ r2 R2⌘3 puisque pl(r, d! +1) = 0 (5.13)

D’autre part, en coordonnées cylindriques (r, z), la courbure locale s’écrit :  = 1 2r @ @r 0 @r@⌘ @r " 1 + ✓ @⌘ @r ◆2# 1/21 A (5.14)

La résolution de cette équation s’effectue de manière numérique, en utilisant des gran- deurs adimensionnées. Avant de donner les résultats de cette résolution, nous allons discuter quelques ordres de grandeur.

5.2.2 Ordres de grandeur et variables adimensionnées

Nombres sans dimension :

Dans cette étude, nous pouvons dégager deux nombres sans dimension, qui permettront de caractériser le comportement quasi-statique de la surface libre. Ces nombres sont :

B0 =

⇢ gR2

(5.15) Le nombre de Bond B0 compare les forces de pesanteur aux forces capillaires.

Ha=

4Hpl

3⇡ R2 =

⇧pl

/R (5.16)

Le nombre d’Hamaker Hacompare les forces d’attraction pointe/liquide aux forces de tension

superficielle.

Pour les liquides et les matériaux de pointes utilisés dans cette thèse [Israelachvili, 1967],[Visser,1972], la constante d’Hamaker est voisine de 6.10 20J. A température ambiante,

la tension superficielle ⇡ 5.10 2 N/m et ⇢ ⇡ 103 kg/m3, si le milieu ambiant est de l’air.

Avec ces valeurs, on calcule les ordres de grandeur de B0et Ha, pour les valeurs de R extrêmes

que nous aurons dans ce travail expérimental : R = 10 nm et R = 50 µm. R = 10 nm R = 50 µm

B0 2.10 11 5.10 4

Ha 5.10 3 2.10 10

La très faible valeur du nombre de Bond nous permet de conclure que, dans les situa- tions expérimentales qui seront explorées dans ce travail, la pesanteur ne joue aucun rôle. B0

sera néanmoins pris en compte dans le calcul du profil de l’interface et de la distance dmin de

jump-to-contact, ce qui permettra de quantifier son faible effet. Régime quasi-statique:

Lorsque la pointe AFM s’approche du liquide, cela modifie la forme de la surface libre. Les vitesses d’approche de la sonde AFM n’excèdent pas vapp= 10 µm/s. Par ailleurs, la vitesse

caractéristique du liquide est donnée par : Uvis = /µ où µ est la viscosité dynamique du

fluide. Pour le fluide le plus visqueux utilisé dans cette thèse (le glycérol) , Uvis = 7.10 2

m/s, elle est très supérieure aux vitesses d’approche. Ainsi, on peut considérer que le liquide atteint instantanément le régime d’équilibre lors du déplacement de la pointe. Cela valide l’hypothèse quasi-statique introduite au début de l’étude.

Longueurs caractéristiques :

On peut dégager plusieurs longueurs caractéristiques. La plus naturelle est le rayon de la pointe R par lequel nous allons adimensionner toutes les longueurs pour la résolution numé- rique de l’équation de Young-Laplace5.12.

On définit aussi la longueur capillaire C : C = r ⇢ g = R p B0 (5.17)

et la longueur caractéristique du film :

F =

s 2⇡ e4

Hls (5.18)

où Hls est la constante d’Hamaker mixte liquide/substrat. Cette longueur correspond à la

distance radiale au-delà de laquelle la forme de l’interface est régie par la tension superficielle. Au contraire, à des distances radiales inférieures à F, la forme de l’interface est régie par

les forces de van der Waals.Pour = 5.10 2 N/m, e > 100 µm et Hls = 5.10 20J, F est

supérieure au mètre. On peut donc conclure que, pour les films épais que nous aurons dans les expérimentations ici, le rôle du substrat est totalement négligeable en ce qui concerne la forme du profil de la surface libre au voisinage radial de la pointe AFM.

Variables adimensionnées :

Pour la résolution numérique [Alonso-Lesdesma et al.,2012a], on utilise les variables de po- sition normalisées par le rayon de la pointe R : r⇤ = r/R coordonnée radiale, z= z/R

coordonnée verticale, d⇤ = d/R distance pointe-liquide non déformé, ⌘= ⌘/R déformation

de la surface libre, et ⇤ = R courbure.

Conclusion : équation de Young-Laplace adimensionnée :

Les considérations d’ordres de grandeur ci-dessus, nous permettent de définir le cadre du modèle suivant :

1. Pour un film épais, on néglige les interactions du liquide avec le substrat et on prend ⇧ls= 0.

2. On se place dans un cadre quasi-statique, pour lequel le liquide est toujours à l’équi- libre mécanique. Cela se traduit par l’équation P = 0, pas de saut de pression à l’interface liquide/air.

Ainsi, l’équation 5.12s’écrit avec les variables adimensionnées sous la forme : 1 r⇤ d dr⇤ 0 @r⇤d⌘⇤ dr⇤ " 1 + ✓ d⌘⇤ dr⇤ ◆2# 1/21 A + Ha ⇣ [1 + d⇤ ]2+ r⇤2 1⌘3 B0⌘⇤ = 0 (5.19)

La résolution numérique de cette équation [Alonso-Lesdesma et al.,2012c] conduit à la forme du profil d’équilibre ⌘⇤(r), d’une part, et d’autre part à la construction d’un diagramme

de bifurcation qui permet de décrire quantitativement le phénomène de jump-to-contact.

5.2.3 Profil de l’interface liquide/air

Pour un couple donné (B0, Ha), on résout numériquement 5.19pour des valeurs crois-

égales à une valeur seuil d⇤

min, on atteint un profil d’équilibre formant une protubérance, à

symétrie de révolution autour de l’axe vertical Oz et de hauteur maximale à l’aplomb de la sphère (voir Fig.5).

Figure 5: (a) Profil de la surface du liquide en variables adimensionnées ⌘⇤(r),

obtenu après résolution de5.19pour Ha= 10 3et B0 = 10 10. (b) Zoom de la région

centrale. Chaque courbe correspond à une valeur de d⇤ incrémentée de 0.05 d⇤ min,

avec d⇤

minla plus petite valeur de d⇤pour laquelle l’équation5.19admet une solution.

Graphe extrait de l’article de R.Ledesma-Alonso et al.[Alonso-Lesdesma et al.,2012c]. On constate que la déformation de l’interface est localisée dans une zone dont l’étendue radiale est de l’ordre du rayon de la pointe R. Dans cette région c’est le terme d’interaction attractive de van der Waals qui domine et contraint la forme de l’interface. La région externe reste plane, non déformée. Il est à noter également que l’étendue de la déformation n’est que très peu modifiée lorsque la distance d diminue. En effet, celle-ci est surtout déterminée par la taille du corps qui exerce ces forces attractives et sur la portée de ces forces, qui ne dépendent pas de d.

On note ⌘⇤

0 la hauteur de la déformation à l’apex (maximum de la fonction ⌘⇤(r⇤), qui se

situe en r⇤= 0). Celle-ci augmente fortement lorsque d diminue, puisque l’ordre de grandeur

de l’interaction attractive devient de plus en plus importante, jusqu’à dépasser localement la force de tension superficielle. L’interface est alors déstabilisée et on assiste au phénomène de jump-to-contact : l’interface liquide/air est rompu et le liquide saute sur la pointe.

5.2.4 Relations géométriques

Bien que la résolution de l’équation de Young-Laplace soit numérique, on peut établir des relations analytiques approchées entre les paramètres géométriques qui caractérisent le profil de l’interface [Alonso-Lesdesma et al.,2012c]. Ces relations seront très utiles pour étu- dier les phénomènes de coalescence ou pour prévoir rapidement à quelle distance on doit se placer pour imager une surface liquide sans mouiller la pointe AFM.

Courbure maximale à l’apex

Tant que d⇤ reste supérieure ou égale au seuil d

min, la courbure de l’interface à l’apex est

définie, et croît lorsque d⇤ diminue, i.e. lorsque ⌘

0 augmente. Les résultats de la résolution

numérique montrent une relation très simple entre ces deux grandeurs :

⇤0 =C(⌘0⇤)3/2 (5.20)

relation dans laquelle le préfacteur C ⇡ 0.4(B0.06

0 /Ha0.5). Les ordres de grandeur très différents

des puissances engagées dans cette dernière relation montrent que ce sont les forces de van der Waals qui déterminent la courbure et la hauteur de la déformation, et que la pesanteur ne joue pratiquement aucun rôle.

Lien entre hauteur à l’apex ⌘⇤ 0 et d⇤

Dans le cas où R ⌧ C et B0= 0, on peut résoudre l’équation5.19de manière analytique et

on obtient : d⇤ ' ⌘0⇤+ s 1 + ✓ Ha 2C (⌘⇤ 0)3/2 ◆1/3 1 (5.21)

Pour d < dmin, la déformation diverge et @⌘0⇤/@d⇤ ! 1. C’est le phénomène de jump-

to-contact que nous allons décrire maintenant.