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2.2 Forme du pont Auto-similarité

2.2.1 Cas du régime inertiel

La Fig.3présente une série d’images, caractérisant l’évolution du pont liquide entre les deux gouttes après la rupture de l’interface. Il s’agit de deux gouttes de solution aqueuse de MgSO4 de concentration 0.4 g.L 1, de rayons identiques R1= R2 = R = 250 µm.

L’observation du profil du pont entre les deux gouttes, créé au moment de la rupture des interfaces, montre plusieurs caractéristiques importantes.

Le rayon Rm du ménisque augmente au cours du temps, de même que sa longueur . Le

moteur de cette évolution est la forte dépression engendrée par l’inversion de courbure à l’en- droit de la rupture des interfaces. Les forces de tension superficielle allongent le pont dans la direction z, de part et d’autre de la zone centrale, lieu de la singularité initiale.

Figure 3: Images extraites d’un film de coalescence entre deux gouttelettes de so- lution aqueuse de MgSO4, de rayons R1 = R2 = R = 250 µm. Les flèches bleues

indiquent les positions des lignes de singularité correspondant au front d’onde de dé- formation (points B1et B2 de la Fig.1) et les flèches vertes les points correspondant

aux deux autres lignes de singularité (points A1 et A2 de la Fig.1). La caméra est

la Photron SA X2, avec un temps d’échantillonnage de 10 µs. L’origine des temps est fixée à la rupture des interfaces.

D’autre part, le fluide contenu initialement dans les gouttes est accéléré vers la zone du pont par cette forte dépression, et les forces hydrodynamiques inertielles élargissent ce dernier radialement et conditionnent sa forme. Aux tout premiers stades (t 2 [0, 10 µs]), dont la durée est inférieure à la résolution temporelle et spatiale de la caméra, la singularité se crée, à l’endroit de la rupture des interfaces. Par l’effet des forces hydrodynamiques inertielles, cette zone de singularité, lieu de discontinuité de la courbure , est scindée en deux. Cela donne naissance à deux fronts d’onde de déformation (flèches bleues sur une des images de la Fig.3), repérés par les points B1 et B2 de la Fig. 1, se propageant l’un vers les z croissants, l’autre

vers les z décroissants. Nous décrirons au2.5ce front d’onde, sous forme d’un paquet d’ondes spatial, par une décomposition de Fourier, avec pour but d’évaluer sa vitesse. Ce paquet d’ondes correspond à des ondes capillaires, décelables sur certains films à l’arrière de la ligne de B1 ou B2, telles que celles dont l’existence est démontrée et décrite dans le cas de la

rétractation d’un film fluide par Savva et Bush, et suivant en cela les observations de Taylor (1959) et Culick (1960). Ces ondes capillaires sont très faiblement amorties, et se propagent jusqu’aux disques d’attache des gouttes, où elles sont ensuite réfléchies et participent aux oscillations libres du pont entier, couplées à l’écoulement du fluide interne (voir Partie III). Les ondes les plus lentes de ce paquet d’onde laissent derrière elles une zone dans laquelle la courbure méridienne de l’interface est nulle (entre les points A1 et A2 sur le schéma Fig. 1).

Si les gouttes sont de même rayon, cette zone est quasi-cylindrique, comme le montre les graphes de la Fig.4, si les rayons sont différents, il s’agit d’une forme proche d’un tronc de

cône (voir Fig.5).

L’existence de cette zone que nous appellerons pour simplifier quasi-cylindrique, et la scission en deux de la région de singularité initiale, sont la signature d’un écoulement dominé par les forces hydrodynamiques inertielles. On ne retrouve pas cette géométrie de pont pour des régimes ILV, comme nous le verrons au2.2.2.

Puisque ce sont, outre les forces capillaires, les forces hydrodynamiques inertielles qui régissent la forme du ménisque, le temps caractéristique du processus est le temps capillaire inertiel ⌧C. Il est de l’ordre de la milliseconde, ce qui correspond effectivement à la durée du

régime transitoire de l’expansion du pont, c’est-à-dire le temps mis par les ondes capillaires pour atteindre les disques d’attache des gouttes.

Dans un régime inertiel, ces deux fronts d’onde de déformation sont les limites de la zone du pont et permettent de définir la longueur de ce dernier. Comme ces points ont une signification physique de premier plan, on peut conjecturer que la longueur devrait être une échelle de longueur pertinente pour normaliser la coordonnée axiale z et mettre en évidence une auto-similarité dans la forme du ménisque au cours du temps. Les Fig. 4 et Fig.5 montrent le contour du pont entre les lignes de B2 et B1, la coordonnée radiale r est

normalisée par le rayon Rmdu pont et la coordonnée z est normalisée soit par le rayon moyen

des gouttes initiales soit par la longueur du pont .

z/R -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 t croissant t croissant (a) z/ -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 t croissant t croissant B 1 B 2 A2 A 1 l/ (b)

Figure 4: Profils du pont dans le cas de deux gouttes de solution de MgSO4 iden-

tiques, de rayon R = 250 µm, entre les temps t = 50 et t = 280 µs, séparés de tcam = 10 µs. (a) La coordonnée z est normalisée par R. (b) La coordonnée z est

normalisée par .

La normalisation de la coordonnée z par le rayon moyen des gouttes n’est évidemment pas intéressante et ne fait apparaître aucun comportement particulier, alors que la normalisa- tion par la longueur du pont met en évidence la zone quasi-cylindrique évoquée ci-dessus.

z/R -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 t croissant t croissant (a) z/ -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 l/ t croissant t croissant B2 A2 A 1 B1 (b)

Figure 5: Profils du pont dans le cas de deux gouttes de solution de MgSO4, de

rayons R1 = 285 µm et R2 = 220 µm, entre les temps t = 50 et t = 280 µs, séparés

de tcam= 10 µs. (a) La coordonnée r est normalisée par R. (b) La coordonnée z est

normalisée par .

On n’observe pas une propriété d’auto-similarité sur l’ensemble du pont, seulement sur la par- tie quasi-cylindrique. On peut donc définir empiriquement et mesurer, sur les graphes donnant la forme du pont en coordonnées normalisées (z/ , r/Rm), la longueur l(t) de la partie quasi-

cylindrique. Les graphes des Fig. 4(b) et Fig. 5(b) montrent que l(t) est proportionnelle à . Une cinquantaine d’expérimentations avec des solutions aqueuses ou de l’eau pure ont été menées, et ce comportement se retrouve systématiquement. Pour chaque expérimentation, le coefficient de proportionnalité entre et l a été évalué, il vaut en moyenne ↵0 = 0.53± 0.04.

Nous donnerons plus loin une interprétation de cette longueur l basée sur les ondes capillaires. Mentionnons ici le cas du PDMS. Celui qui a été utilisé est suffisamment peu visqueux pour que son comportement, pour ce qui concerne le régime d’expansion du pont, soit proche de celui de l’eau, c’est-à-dire à dominante inertielle. L’allure de la forme du pont confirme cela, on distingue, sur la séquence d’images de la Fig.6, la même géométrie. Sur les images, on distingue assez bien les deux fronts d’onde des points B1 et B2, en particulier au début

du processus (pour t < 150 µs). Aux instants ultérieurs, les deux singularités sont lissées par les contraintes visqueuses, qui ont une amplitude 5 fois plus importante que dans le cas de l’eau. Sur les profils du pont donnés Fig. 7, comme pour le cas de l’eau, l’auto-similarité dans la zone quasi-cylindrique est encore vérifiée, sur l’ensemble de la durée du processus d’expansion du pont. La longueur l de la partie quasi-cylindrique est proportionnelle à . Une dizaine d’expérimentations ont été réalisées avec le PDMS, ce qui permet de mesurer l/ et de donner une valeur du coefficient de proportionnalité : ↵0 = 0.28± 0.02.

En conclusion, nous avons mis en évidence la signature d’un régime purement inertiel sur la forme du ménisque : l’existence de deux fronts d’onde de choc, correspondant à des

Figure 6: Images extraites d’un film de coalescence entre deux gouttes de PDMS 5cP, de rayons R1 = 310 µm, R2 = 320 µm, soit un rayon moyen R = 315 µm. La

caméra est la Phantom V 1210, avec un temps d’échantillonnage de te = 17 µs.

L’origine des temps est fixée à la coalescence.

z/R -1 -0.5 0 0.5 1 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 t croissant t croissant (a) z/ -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 r /R m -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 B 1 B2 l/ A2 t croissant t croissant A1 (b)

Figure 7: Profils du pont dans le cas des deux gouttes de PDMS de la Fig.6, entre les temps t = 85 µs et t = 510 µs, séparés de tcam = 17 µs. (a) La coordonnée z est

normalisée par R. (b) La coordonnée z est normalisée par .

zones de courbure divergente, se propageant de part et d’autre de la zone de singularité initiale où les interfaces ont été rompues. En aval de ce front d’onde, le ménisque possède une forme très particulière quasi-cylindrique, pour laquelle, donc, ne subsiste que la courbure dans un plan perpendiculaire à z. La longueur de la partie cylindrique du ménisque est proportionnelle à la longueur totale du ménisque :

l(t) = ↵0 (t) (2.8)

La valeur de ↵0 dépend des propriétés physiques du liquide, en particulier sa tension super-

ficielle. La longueur relative l/ est plus faible pour un liquide de tension superficielle plus faible. L’interface étant moins rigide, il résiste moins à la déformation induite par la poussée du fluide dans le pont, due à l’inertie, et la zone quasi-cylindrique est plus courte.