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Exploitation des courbes et détermination de d min

6.2 Conditions expérimentales

7.1.2 Exploitation des courbes de spectroscopie

7.1.2.3 Exploitation des courbes et détermination de d min

L’exploitation des courbes de force en mode Contact est faite en suivant l’approche de J.Israelachvili et D.Tabor [Israelachvili and Tabor,1972]. Le principe est d’ajuster le modèle de force de van der Waals donné par la relation7.3sur les données expérimentales, en tenant compte de la relation7.1. Cet ajustement est effectué en cherchant la valeur R qui minimise l’écart quadratique moyen entre données expérimentales et modèle.

Pour toutes les expérimentations, on prend comme valeur des constantes d’Hamaker les va- leurs données dans la littérature, pour les différents liquides et les matériaux des pointes. En réalité, cette valeur varie très peu d’un milieu à l’autre utilisé ici, entre 5 et 7.10 20 J. La

constante d’Hamaker mixte Hpl sera donc aussi de cet ordre.

Interaction pointe sèche sur support sec :

Pour valider la méthode d’exploitation des courbes de force décrite ci-dessus et avoir une mesure de la constante d’Hamaker mixte pointe-support, on peut appliquer ce protocole au cas de l’interaction entre la pointe sèche et le support de verre.

Lorsque le rayon de la pointe est très grand devant la distance d, on peut utiliser l’approximation de Derjaguin (voir chapitre5section 5.1.1) et la force s’exprime de manière

très simple :

Fpl,Der⇡

HplR

6 [d ⌘0(d)]2

(7.5) Le pointe est, sur cet exemple, une pointe colloïde sQube en Si02 de diamètre 5 µm, le

levier est de raideur k = 0.19 ± 0.02 N/m et la deflexion sensitivity s = 64 ± 3 nm/V. On a R ddonc on peut utiliser l’approximation de Derjaguin. La valeur de R est ici parfaitement connue (la donnée constructeur correspond à la valeur mesurée par microscopie optique, bien que cette dernière soit moins précise). Pour le tracé du modèle, on effectue un ajustement de la force Fpl(d) sur les données expérimentales par la méthode des moindres carrés. Ici dmin

est la distance à laquelle se déclenche l’instabilité de snap-in et n’est pas connue ni calculée à partir d’un modèle. Les paramètres d’ajustement de la régression sont donc ici la constante d’Hamaker et dmin.

La Fig. 5 montre les données expérimentales en rouge et le modèle issu de la relation 7.5 (avec ⌘0= 0 puisqu’il s’agit du substrat solide).

d (nm) 0 20 40 60 80 100 F (nN) -0.5 -0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 données expérimentales modèle

Figure5: Courbe force-distance dans le cas d’une pointe colloïde sQube de rayon 2.5 µm, sur support de verre. Le modèle (courbe noire) est très bien ajusté aux données expérimentales (courbe rouge) et conduit à une valeur de la constante d’Hamaker très proche de la valeur donnée dans les tables

L’ajustement conduit à une constante d’Hamaker HSiO2 = 5.5± 0.2 10 20 J (valeur

trouvée dans les tables 6.5 10 20 J) et une distance de flambage 6.5 ± 0.2 nm.

Ce type de mesures permet de montrer que les interactions entre la pointe et le support sont des forces de van der Waals et de vérifier l’ordre de grandeur de la constante d’Hamaker. Cela valide aussi la méthode de redressement des courbes et d’ajustement.

Interaction pointe avec gouttelette sur support sec :

Une autre validation peut être importante à réaliser. Il s’agit de vérifier qu’une gouttelette déposée sur l’extrémité du levier se comporte comme une sphère rigide pratiquement jusqu’au jump-to-contact. C’est un point qui a déjà été argumenté au chapitre 6 section 6.2.5, nous ajoutons ici une validation expérimentale.

Comme ci-dessus, la distance dmin n’est pas calculée à partir d’un modèle. Dans ce cas, les

constantes d’Hamaker des deux milieux sont connues, l’ajustement du modèle aux données expérimentales est réalisé en utilisant comme variables d’ajustement indépendantes le rayon R de la sonde et la distance dmin. La Fig. 7 donne la courbe force-distance expérimentale

et le modèle issu de l’équation7.5 ajusté, pour une gouttelette de 3EG sur la même sonde que ci-dessus. Par ailleurs, le rayon de courbure de la gouttelette est mesuré par microscopie optique (image issue d’un film réalisé par la caméra Dimax), pour être comparé à la valeur de R issue de l’ajustement . La mesure optique donne R = 20 ± 1 µm et l’ajustement conduit à R = 13 ± 1 µm.

Figure 6: Image en vue latérale de la gouttelette, réalisée à la caméra Dimax. La mesure optique du rayon donne R = 20 ± 1 µm. d (nm) 0 20 40 60 80 100 120 F (nN) -0.7 -0.6 -0.5 -0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 0.2 donnees experimentales modele

Figure 7: Courbe force- distance. L’ajustement du modèle (courbe noire) sur les données expérimentales (courbe rouge) conduit à un rayon R⇡ 13 ± 1 µm et dmin ⇡ 15 ± 1

nm

L’ajustement du modèle est satisfaisant et donne une valeur du rayon R assez proche de la valeur mesurée par microscopie optique. Dans la limite de précision du mode Contact, on peut donc conclure que l’analyse de cette courbe confirme la faible déformation de la gouttelette déposée sur le levier.

Interaction pointe avec gouttelette sur une flaque :

Dans le cadre de l’étude de la coalescence, le cas le plus intéressant ici est l’étude des in- teractions entre une gouttelette déposée à l’extrémité du levier et une flaque. Un exemple de courbe force-distance est donné Fig. 9. La sonde est la même que ci-dessus et le liquide

constituant la gouttelette et la flaque est du 3EG. Le rayon de la gouttelette est mesuré par la caméra Unicam intégrée à l’AFM à la valeur R = 18 ± 1 µm.

Le modèle utilisé pour ajuster est celui décrit par l’équation 7.5, puisque R d. Dans ce cas, la constante d’Hamaker du liquide est connue. Puisqu’il s’agit d’une interaction sphère- flaque, le calcul de la distance dmin est effectué par la résolution du couple d’équations 5.26

et5.21, dans lesquelles la seule inconnue est le rayon de la pointe R. Ainsi, on peut mettre en place la méthode d’ajustement suivante : on cherche la valeur de R qui minimise l’écart quadratique moyen entre les données expérimentales et le modèle 7.5. A chaque boucle de l’ajustement pour laquelle la valeur de R est fixée, on calcule ⌘0 et dmin, on en déduit d par

la relation7.1, puis Fpl,Der(d). L’écart quadratique moyen entre les données expérimentales

et le modèle est calculé et comparé à celui de la boucle précédente. Un fois la valeur de R trouvée, on peut ensuite calculer dmin et tracer la courbe de modélisation.

Figure 8: Image en vue latérale de la gouttelette, réalisée à la caméra in- tégrée Unicam. La mesure optique du rayon donne R = 18 ± 1 µm. d (nm) 0 20 40 60 80 100 120 F (nN) -0.5 -0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 donnees experimentales modele sans deformation modele avec deformation

Figure 9: Courbes force- distance. Le modèle 7.3 (courbe noire épaisse) ajusté sur les données expérimentales (courbe rouge) conduit à un rayon R⇡ 22 ± 1 µm et dmin ⇡ 31 ± 1

nm. Le modèle7.4(courbe noire fine) sous-estime la force et la valeur de dmin.

Pour l’exemple concerné par Fig. 8 et Fig. 9, pour la valeur de R = 22 µm issue de la régression, la valeur de dmin calculée avec les équations5.26et5.21est : dmin= 31.8nm, elle

est en accord avec la valeur issue de la régression, qui est de 31 ± 1 nm.

En revanche, un ajustement du modèle 7.4 qui ne prend pas en compte la déformation du liquide conduit à R = 11 µm et dmin = 17 nm. Et, en effet, on constate sur le graphe Fig. 9

que le modèle ne prenant pas en compte la déformation du réservoir sous-estime largement la force lorsque la distance d approche la valeur seuil. Cela rejoint la conclusion donnée au 7.1.2.2.

Récapitulation:

Pour 3 rayons de pointes différents, la Fig. 10 compare les forces liquide/pointe, calculées par l’expression approchée7.3, et par l’expression approchée 7.4 dans laquelle on néglige la déformation du liquide.

Figure 10: Courbes de force. Les courbes expérimentales sont en couleur, chacune pour un rayon différent. En trait plein, la courbe modèle issue de l’expres- sion7.3et en pointillés , celle is- sue de l’expression 7.4 dans la- quelle on néglige la déformation du liquide. Graphe extrait de [Mortagne et al.,2017].

On constate que l’expression7.3donne une bonne modélisation des données expérimen- tales, montrant que la valeur de la force de van der Waals est essentiellement conditionnée par la déformation maximale ⌘0, en r = 0.

En revanche, les courbes en pointillés, correspondant à un modèle où on néglige la défor- mation du liquide, ne s’ajustent pas bien avec les données expérimentales, pour des rayons supérieurs à 1 µm. La valeur maximale de la force (en valeur absolue) est sous-évaluée.

Ainsi, cette comparaison met en évidence le rôle fondamental joué par la déformation de l’interface liquide de la flaque, déformation qui ne peut pas être négligée dans le calcul de la force d’interaction pointe/flaque. Cette déformation intervient de manière plus importante lorsque d s’approche de dmin, c’est pour ces valeurs que la courbe correspondant au modèle

sans déformation7.4s’éloigne des données expérimentales.

D’autre part, on constate que le modèle sans déformation s’éloigne d’autant plus tôt des don- nées expérimentales que le rayon de la pointe est grand. Pour de très petits rayons (R < 1µm), la déformation de l’interface ne joue plus aucun rôle sur la valeur de dmin, elle est très faible,

et la courbe modèle sans déformation ne s’éloigne de la courbe expérimentale que lorsqu’on atteint dmin.

Pour ces 3 exemples, le tableau7.1donne la comparaison des valeurs des rayons mesurés au microscope optique ou au microscope électronique à balayage, à ceux calculés à partir de

l’ajustement avec le modèle7.3 :

courbe rouge courbe verte courbe bleue

Liquide GLY GLY 3EG

Rayon image 25 nm 12.5 µm 18 µm

Rayon calculé 55 nm 3 µm 22 µm

Table7.1: Comparaison des rayons mesurés et calculés par l’ajustement du modèle

L’accord entre les deux séries de valeurs est donc assez peu satisfaisant pour R, même si l’ordre de grandeur est bien respecté. Le désaccord observé entre les courbes expérimentales et le modèle, et entre les valeurs de R déduites des mesures AFM et celle mesurées par des microscopes optique ou électronique a plusieurs origines possibles et cumulées. Tout d’abord, la géométrie de la pointe AFM a été simplifiée en une sphère de rayon R, la géométrie exacte de la pointe peut modifier la forme du potentiel de van der Waals. S’il s’agit d’une sonde avec gouttelette, ses déformations, même faibles, sont susceptibles d’entrainer une modification de dmin et des forces de van der Waals, et ce d’autant plus que les rayons des gouttelettes

sont grands. D’autre part, les valeurs des constantes d’Hamaker ou de la tension superficielle, peuvent être modifiées par rapport aux valeurs issues des tables et utilisées dans les calculs, étant donné que l’environnement expérimental n’est pas exempt de pollution et le milieu ambiant est de l’air. On peut aussi signaler que les forces mesurées dans le cas des très petits rayons (R < 1µm) sont en limite de résolution de l’AFM.

Enfin, et c’est peut-être l’effet le plus important, nous avons apporté des corrections aux courbes de forces pour tenir compte des effets des interférences optiques dues au laser. Mais les valeurs de R issues des ajustements sont assez sensibles au choix du domaine sur lequel on effectue le redressement des courbes, rendant les mesures en mode Contact assez peu précises.

Le tableau 7.2 compare la valeur dtheo

min calculée en utilisant les équations 5.26 et5.21,

et la valeur dexp

min donnée par l’ajustement avec le modèle 7.3:

courbe rouge courbe verte courbe bleue

Liquide GLY GLY 3EG

R image 55 nm 3 µm 22 µm

dtheo

min 4.8 nm 16.5 nm 31.8 nm

dexpmin 2 nm 18 nm 31 nm

Table7.2: Comparaison des distances dminthéoriques et issues des ajustements aux

données expérimentales

L’accord entre les deux valeurs est meilleur que pour les valeurs du rayon R, mais l’ensemble des résultats ne permet pas d’être pleinement satisfait de la spectroscopie de mode Contact.