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Procédure de calibration d’une sonde AFM

Dans cette section, nous allons décrire les procédures de calibration d’une sonde AFM, afin de connaître les propriétés mécaniques du levier, sa raideur et son facteur de qualité, et le facteur de conversion permettant de déduire la déflexion verticale de l’extrémité du levier par la mesure de la déviation du spot sur le quadrant de photodiodes (voir Fig.2).

4.4.1 Deflection sensitivity

Le principe du repérage de la position de la pointe AFM est basé sur la mesure de la déviation du barycentre du spot laser, réfléchi par la tête du levier, sur la photodiode à 4 quadrants. Le "zéro" pour la déflexion correspond à la situation d’équilibre où aucune force ne s’exerce sur le levier hormis le poids. Le barycentre du spot est alors au centre des quadrants, comme schématisé Fig. 15. Le centrage de mise à "zéro" est effectué lorsqu’on installe une sonde neuve, à une position où la pointe est très loin de la surface de l’échantillon (plusieurs centaines de microns), et refait régulièrement au cours des mesures, toujours à grande distance du support. Il est nécessaire de refaire le "zéro" à cause des phénomènes de dérive de l’actionneur piézoélectrique.

Figure 15: Principe de mesure de la déflexion du levier - La figure (b) schématise la position du barycentre du spot lorsque le levier est en position de repos (position (1)) puis lorsque celui-ci a subi à la fois une déflexion verticale et une torsion (position (2)).

Lorsque la sonde subit une force de la part de l’échantillon, la déformation la plus générale du levier est la superposition d’une déflexion verticale et d’une torsion. La torsion

sera essentiellement repérée par le déplacement du spot parallèlement à l’axe xet ne sera pas

utilisée en mode dynamique FM pour les mesures d’interaction pointe-échantillon qui nous intéressent dans cette thèse. Nous nous intéresserons uniquement à la déflexion verticale zde

la tête du levier. Celle-ci est mesurée en volt, car c’est un signal de tension enregistrée par la photodiode. Il faut ensuite convertir ce signal en une information directe sur le déplacement de la pointe. Si la déflexion est faible, on reste dans le domaine linéaire de réponse de la photodiode. Cela correspond au cas où le spot ne sort pas de la zone des 4 quadrants schématisée Fig.15. Alors z est proportionnel à Vz.

Or, par de simples considérations géométriques Fig.15, le déplacement du spot z est relié à

la déflexion verticale en angle ↵ par : z⇡ 2 h ↵, puisque ↵ ⌧ 1. Enfin, en utilisant l’équation

4.8 ↵(t)⇡ tan(↵(t)) = ✓ @y @x ◆ (x=L,t) = 3 2Ly(L, t) = (t) (4.22) Finalement, le déplacement vertical (t) de la pointe est proportionnel au signal de déflexion en volt, mesuré par la photodiode, tant que le spot ne sort pas des quadrants (en pratique, cela reviendra à s’assurer que |Vz| reste inférieur à 10 V) :

= s⇥ Vz (4.23)

Le coefficient de proportionnalité s, usuellement exprimé en nm/V, est caractéristique de la photodiode, mais aussi et surtout de la sonde AFM utilisée (géométrie de la surface de la tête du levier, type de matériau et de revêtement) et de la façon dont on a centré le spot sur le levier au départ. Il est donc nécessaire de mesurer ce coefficient, appelé deflection sensitivity quand on commence une série de mesures. C’est la première étape de la calibration de la sonde. Pour cette étape, on réalise une courbe de spectroscopie en mode statique (Contact) appelée courbe d’approche-retrait, sur une surface solide (wafer de silicium ou lame de verre). On approche la sonde en déplaçant la base du levier à vitesse constante de quelques µm/s et on enregistre le signal de tension de déflexion Vz en fonction de za. On obtient une courbe

dite de calibration, dont un exemple est donné Fig. 16. Le milieu ambiant est ici de l’air, à température contrôlée de 23±1oC. En mode statique, la force exercée sur la sonde et

responsable de sa déflexion est directement reliée à cette dernière par la loi de Hooke, si on admet que le levier se comporte comme un oscillateur simple :

F = k (4.24)

Ainsi, la courbe de déflexion présentée Fig. 16 représente l’évolution de la force exercée sur la sonde, en fonction de la position de celle-ci.

Figure 16: Exemple de courbe de calibration : signal de déflexion verticale Vz en

fonction de la position za du levier. En bleu lors de l’approche (le snap-in a lieu à

une hauteur za ⇡ 5 nm) et en rouge la courbe de retrait (on note une importante

force d’adhésion [Crassous et al., 1993], [Orr and Scriven,1975] due au grand rayon de la pointe).

Tant que la pointe n’est pas en contact avec le support, elle subit les forces attractives de van der Waals, à longue portée, la déflexion est négative mais très faible. En A, une insta- bilité provoque une brusque et importante déflexion (A ! B) c’est le snap in (voir chapitre 5 5.3).

Dans la zone BCC0 où la pointe est en contact avec la surface, on considère que cette

dernière ne se déforme pas car elle est plus dure que le levier et qu’il n’y a pas d’indentation du substrat. Dans cette zone, la pointe ne se déplace plus par rapport au support solide, on assiste seulement à une déformation du levier et la déflexion verticale est exactement égale au déplacement de la base du levier selon z (voir Fig.17). Dans la partie répulsive CC0, il y

a inversion de la courbure du levier.

Dans la zone BCC0, on observe bien un lien quasi-linéaire entre la tension de déflexion

Vz et le déplacement en z. On réalise alors une interpolation linéaire du signal de déflexion

en Vz(z), dont la pente est 1/s.

Dans l’exemple proposé Fig. 16, il s’agit d’une pointe colloïde de polystyrène NovascanTM

PT, neuve, de diamètre 1 µm, sur lamelle de verre. La pente de la droite de régression est de -0.0514 V/nm, ce qui donne une deflection sensitivity s = 19.4 ± 0.5 nm/V. L’incertitude sur la mesure provient de la dispersion des valeurs numériques (bruit) et des fluctuations liées au choix de la zone sur laquelle on pratique la régression. Usuellement, les valeurs de s sont de

Figure17: Représentation schématique de la position et de la déflexion du levier lors de l’approche. Les flèches rouges indiquent le sens du mouvement de la base du levier, commandée par l’actionneur piézoélectrique, les flèches bleues et verte indiquent le sens de la déflexion. Les schémas (a) et (b) correspondent à la partie attractive du mouvement, partie ABC de la courbe de calibration, et le schéma (c) correspond à la partie répulsive CC0.

l’ordre de 10 à 60 de nm/V.

4.4.2 Raideur du cantilever

Comme nous l’avons indiqué dans les études mécaniques précédentes, la raideur du levier est une donnée fondamentale pour les mesures en microscopie à force atomique. Une douzaine de méthodes ont été développées pour permettre d’obtenir ce paramètre avec le plus de précision possible. L’article de Burnham et al. ([Burnham et al.,2002]) propose une synthèse et des références sur ces différentes méthodes.

Une des méthodes les plus optimales est celle qui repose sur le bruit thermique. On place la sonde loin de tout échantillon (à plus de 100 µm de la surface) de manière à supprimer les interactions pointe-surface, et on enregistre les mouvements du levier qui résultent de l’agi- tation thermique.

On considère que le cantilever est un système thermodynamique en équilibre thermique avec le thermostat que constitue le milieu ambiant (qui est maintenu pour les études expérimen- tales réalisées dans cette thèse à 23oC). On étudie les fluctuations du déplacement (t) de

l’extrémité du levier (connaissant au préalable la valeur de la deflection sensitivity) . C’est une variable aléatoire de valeur moyenne nulle et dont la variance h 2i dépend de la raideur

k [Butt and Jaschke, 1995], [Hutter and Bechhoefer, 1993]. Tous les modes de vibration de la poutre-levier sont a priori excités, mais leur amplitude décroît fortement avec l’ordre du mode. L’énergie de l’oscillateur est la somme d’une infinité de termes quadratiques (degrés de liberté quadratiques) [Laurent et al., 2013] et on utilise le théorème d’équipartition. On prend également en compte les valeurs des vecteurs d’onde des différents modes propres KnL

h 2i = 4 kBT

3 k (4.25)

où kB est la constante de Boltzmann et T la température du milieu ambiant.

Le constructeur JPK de l’AFM utilisé dans cette thèse propose cette méthode pour la mesure de k. Une des fonctionnalités du logiciel d’exploitation permet de calculer le spectre en puissance lié à la déflexion (t) pour un levier soumis uniquement au bruit thermique. On peut tracer la densité spectrale de puissance (PSD) correspondante. Un pic apparait sur chaque mode de vibration du levier-poutre libre. Au voisinage de la fréquence de résonance de chaque mode, on obtient une courbe comme celle de la Fig.18.

Figure18: Méthode de détermination de la raideur par bruit thermique (thermal k), par tracé du spectre en puissance des mouvements de fluctuation thermique du levier. En bleu, le spectre calculé (PSD en ordonnée) et en rouge la courbe lorentzienne d’interpolation. Spectre obtenu pour une sonde AFM pointe colloïde NovascanTM

PT de diamètre 1 µm, pour son mode fondamental n = 1

Autour de la fréquence de résonance du mode fondamental, la courbe spectrale est interpolée par une fonction lorentzienne [Butt et al.,1993] :

P SD(f ) =

La

(f f0)2+ Lb (4.26)

avec Laet Lb les deux paramètres ajustables de l’interpolation et f0la fréquence de résonance

par la relation : k = 4 kBT 3 1 R+1 1 P SD(f ) df (4.27) Pour l’exemple de la Fig.18, l’interpolation donne f0 = 170.1kHz, Q = 134.6 et k = 8.8

N/m. L’incertitude sur la valeur de k est essentiellement due à celle sur la valeur de la deflec- tion sensitivity, et au choix de la zone d’interpolation par la fonction lorentzienne. Elle est de l’ordre de 10%.

4.5 Le Microscope à Force Atomique en mode FM