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3.6 Mesure du taux de relaxation dipolaire en géométrie 1D

3.6.1 Produits de la relaxation dipolaire en 1D

Le taux de relaxation dipolaire dans le cas 1D est légèrement plus compliqué à me-surer que dans le cas 2D précédent. Dans toute la suite, le champ magnétique est orienté

selon l’axe z des tubes. La procédure de band mapping donne accès à la température du nuage le long de l’axe des tubes 1D, ainsi qu’aux populations des différentes bandes vibrationnelles des réseaux (comme expliqué à la section 3.3.3). Comme présenté sur la figure Fig. 3.15, la présence de relaxation dipolaire est indiquée à la fois par une élévation de température, et par l’apparition d’atomes dans la première bande excitée

ν = 1 du réseau vertical (la population excitée du réseau horizontal est de fait diffici-lement observable, car après band mapping, les zones de Brillouin correspondantes se répartissent le long de l’axe d’imagerie). Aucun atome de la bande excitéeν = 2 n’est discerné, dans les limites de détection de l’imagerie.

Figure 3.15 – Image typique (moyenne de 4 photos) par band mapping après 5 ms de relaxation dipolaire en géométrie 1D, pour un champ B proche de Bseuil2,3 = ~ωl, orienté selon l’axe des tubes z. (a) En rouge, profil de population selon l’axe du réseau verticaly, sur lequel on distingue des populations dans les1`ereet2`emezones de Brillouin (ZB). En gris, le même profil sans relaxation dipolaire. (b) Profil de population selon l’axez des tubes, d’où est extraite une distribution de vitesse non gaussienne (les traits pleins sont issus d’un fit à deux gaussiennes). (c) Schéma des systèmes 1D.

Peuplement des bandes vibrationnelles excitées

Afin de déterminer les contributions des deux canaux de relaxation dipolaire à l’excitation vers les bandes ν = 1 et ν = 2 des réseaux, analysons les expressions éq. (3.20) et éq. (3.21) des couplages V1 etV2. Comme déjà mentionné précédemment (cf.

section3.4.3), le terme en (x+iy) (où x ety sont les coordonnées relatives x1−x2 et

y1−y2 pour la paire d’atomes) dans l’expression du couplage V1, indique l’excitation de la première bande fondamentale excitéeν = 1par le canal 1 de relaxation dipolaire. De même, le terme (x +iy)2 dans V2 se décompose en ((x1 x2) +i(y1 −y2))2 = (x1 +iy1)2 + (x2 +iy2)2 2(x1 +iy1)(x2+iy2) : il y a donc excitation dans les deux bandesν = 1 et ν= 2 par le canal 2 de relaxation dipolaire.

Désexcitation collisionnelle

Par la procédure de band mapping, on détecte effectivement une population prove-nant de la bandeν = 1, mais aucune provenant deν = 2, bien que le seuil de relaxation dipolaire soit légèrement plus bas pour le canal 2 que pour le 1 (Bseuil3 < Bseuil2, cf. les expressions de éq. 3.18). Ce phénomène s’explique par un processus de désexcitation vibrationnelle [122] : des collisions entre les atomes ayant effectué une relaxation dipo-laire et ceux restant dans l’étatmS = +3, qui entraînent une désexcitation des bandes vibrationnelles des réseaux vers la bande fondamentale, l’énergie vibrationnelle étant alors transférée en énergie cinétique selon l’axe de faible confinement.

La relaxation dipolaire met en rotation la paire de particules après collision. Or, par conservation du moment angulaire, la désexcitation collisionnelle est interdite pour des états en rotation. Cependant, l’effet tunnel entre les différents sites des réseaux brise l’état de paire en rotation, ce qui autorise ensuite une possible désexcitation collision-nelle. Les temps caractéristiques pour l’effet tunnel, pour des réseaux de profondeur

V0 = 25Er sont estimés à 1 ms pour les atomes dans la bande ν = 1, et 100 µs pour ceux dans ν = 2, ce qui est court devant la durée typique (100 ms) de nos mesures. Les états tournants produits par relaxation dipolaire sont donc très rapidement brisés par l’effet tunnel, et les atomes excités dans les bandes des réseaux peuvent alors subir une désexcitation collisionnelle avec les atomes n’ayant pas expérimenté de relaxation dipolaire.

La désexcitation collisionnelle respecte la symétrie et la conservation de l’énergie. Les états à deux particules excitées respectivement dans les bandes νi,j des réseaux optiques sont notés i, νj. Les canaux de désexcitation autorisés et pertinent dans ce cas sont :|0,2⟩ → |0,0 et|1,1⟩ → |0,0. Un atome dans la bandeν = 2 peut donc se désexciter par collision avec un atome de la partie non perturbée du nuage. Par contre, un atome dans la bande ν = 1 ne peut se désexciter qu’avec un autre atome de la bandeν = 1. En effet, le canal |0,1⟩ → |0,0 est interdit par symétrie.

Ainsi aux temps courts, où le nombre d’atomes ayant participé à une relaxation dipolaire reste faible, seule la population excitée dans la bandeν = 2 (provenant donc du canal 2 de relaxation dipolaire) des réseaux peut effectuer une désexcitation colli-sionnelle et donc contribuer significativement à l’augmentation de l’énergie du système le long de l’axe des tubes.

Expérimentalement, nous ne détectons pas, même pour des temps courts (1 ms), de population excitée dans la bandeν = 2, ce qui indique que le processus de désexcitation

collisionnelle est plus rapide que le taux de relaxation dipolaire dans le canal 2. Nous observons par contre l’apparition de population dans la bandeν = 1, la dynamique de désexcitation collisionnelle étant ralentie par la nécessité de l’existence d’une population suffisamment grande dans la bandeν = 1.

Cependant l’augmentation de l’énergie le long de l’axe des tubes ne peut pas être attribuée uniquement à la population provenant de la bande ν = 2 : le processus de désexcitation collisionnelle |1,1⟩ → |0,0 n’est pas interdit (contrairement à |0,1⟩ → |0,0), et peut contribuer a priori significativement (à des temps suffisamment longs), du fait de l’augmentation de la population dans ν = 1 par relaxation dipolaire. En outre, il peut y avoir un chauffage le long des tubes sans désexcitation collisionnelle, pour un champ magnétique au dessus du seuil.

Intégrabilité d’un système 1D

Nous mesurons l’augmentation de l’énergie du nuage le long des tubes. Après ther-malisation du nuage, on s’attend à mesurer un profil spatial approximativement gaus-sien selon l’axe des tubes, dont la largeur augmente en fonction de l’apport en énergie, à condition que le système ait atteint l’équilibre thermodynamique. Cependant nous observons (cf. Fig. 3.15) un profil bimodal, ajustable par deux gaussiennes de largeurs différentes. Ceci montre que la thermalisation du système est inefficace. La gaussienne de plus grande largeur correspond à des atomes possédant une énergie cinétique im-portante, et nous attribuons l’origine de ces atomes aux produits de désexcitations collisionnelles initiées par les atomes dans les bandes excitées des réseaux optiques.

Le fait qu’il n’y ait pas de thermalisation suffisante entre les deux populations discernables par ces deux profils gaussiens de différentes largeurs est intriguant : ces deux populations distinctes sont effectivement toujours observables, même après des temps suffisamment longs vis à vis de la période d’oscillation dans le piège selon l’axe des tubes (environ 50 ms, soit quelques dizaines d’oscillations ωz

= 635Hz), et longs devant le temps de collisions des particules excitées avec le reste du nuage (soit de l’ordre de quelques dizaines deµs au seuil en champ magnétique). Une explication très plausible de ce phénomène serait le caractère intégrable [123,124] de ces systèmes 1D que sont l’ensemble de tubes créés par les réseaux optiques.

Les systèmes 1D sont en effet un exemple de système intégrable, où le nombre d’intégrales du mouvement est très important, et où la thermalisation ne se produit pas [125,126]. Le caractère intégrable des tubes 1D peut donc être la cause du manque de thermalisation observé (cf. Fig.3.15). Pourtant l’intégrabilité de notre système n’est pas parfaite, car les atomes possédant une énergie cinétique suffisante peuvent être promus dans les bandes excitées des réseaux. La présence de l’interaction dipôle-dipôle, de caractère longue portée, peut aussi briser la symétrie 1D par l’existence d’interactions inter-sites. Ces deux points sont susceptibles de détériorer le caractère intégrable du système. Nous observons néanmoins une diminution du taux de thermalisation, qu’il resterait à analyser avec précision.

Création et détection de vortex

Comme déjà mentionné précédemment à la section 3.4.3 la paire de particules im-pliquée dans une relaxation dipolaire est mise en rotation, par conservation du moment angulaire, ce qui entraîne la formation d’un vortex simplement ou doublement chargé selon le canal 1 ou 2 considéré. Donc, en rendant suffisamment efficace le processus de formation de ces paires, il est alors envisageable d’observer des vortex créés grâce à l’interaction dipôle-dipôle.

Dans ce but, j’ai été amené à développer un système d’imagerie par fluorescence, capable de compléter notre unique méthode de détection, l’imagerie par absorption. L’intérêt de ce nouveau dispositif est de pouvoir observer les vortex dans nos gaz 1D selon un autre axe, car l’axe d’imagerie actuel n’est pas favorable. En effet, la disposition spatiale des réseaux fait que l’axe des tubes est dans le plan d’imagerie. Dans ces conditions, l’axe de rotation des vortex est celui des tubes, les vortex seront donc mieux caractérisés si l’image est prise selon cet axe, pour lequel il devrait être possible d’observer après temps de vol (et moyenne sur tous les vortex de chaque site), une diminution de la densité centrale plus ou moins contrastée selon la proportion d’atomes créés dans ces états tournants. Les détails de ce système d’imagerie par fluorescence sont donnés dans l’annexe C.

Nous n’avons pas encore observé de vortex dans ces systèmes. Cela peut s’expliquer par l’important effet tunnel déjà mentionné pour des atomes dans les bandes vibra-tionnelles excitées ν = 1 et ν = 2, suivi d’une rapide désexcitation collisionnelle. Ce processus nous empêche probablement d’observer la formation de vortex, l’état tour-nant à deux particules ne pouvant survivre au passage par effet tunnel de l’une des particules vers un autre site des réseaux.

Une des solutions possibles pour remédier à ce problème, serait de créer des réseaux plus profonds, afin que les paires en rotation survivent suffisamment longtemps pour devenir assez nombreuses pour être détectables par l’imagerie. Par exemple, il faudrait une profondeur d’environV0 = 65Er pour que le temps de tunneling caractéristique à mi-hauteur des atomes de la bande ν = 2 soit de 5 ms.