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4.6 Dynamique de démagnétisation

4.6.3 Facteurs d’instabilités

Le modèle simple précédent ne permet pas d’expliquer le fait que la dynamique de dépolarisation commence dès que le champ magnétique est inférieur au champ critique

Bc. Le problème d’après ce modèle réside dans le fait que dans l’expression de éq. (4.9), la population dans le sous état mS = 2 est considérée comme très faible aux temps courts, et donc négligée au second ordre. Ainsi, comme expliqué précédemment, seules les interactions de contact avec le potentiel moléculaire pour un spin totalSt= 6

entrent en jeu, et la différence entre les longueurs de diffusion a6 et a4, qui détermine la valeur deBc, n’intervient pas : la dynamique de dépolarisation est alors quasi-gelée tant que l’énergie Zeeman est supérieure au champ moyen non-local ~Γ créé par les dipôles magnétiques ; pourB < BcetB > Bdd, le système est instable énergétiquement (il n’est plus dans l’état fondamental), mais la dynamique reste quasi-nulle.

Si au contraire la population dans le sous-étatmS =2n’est plus négligeable, alors les collisions pour un potentiel moléculaire pourSt = 4 interviennent dans le système et la dynamique de dépolarisation n’est plus gelée pour un champ inférieur à Bc.

Pour expliquer la dynamique de dépolarisation, il faut donc identifier un phénomène capable de produire suffisamment d’atomes dans mS =2. Pour cela, il est probable-ment nécessaire d’inclure d’autres paramètres dans le modèle, tels que des fluctuations quantiques ou thermiques en présence du piège, ou encore des instabilités thermiques.

Dépendance spatiale du champ magnétique créé par les dipôles

Intéressons nous aux instabilités dues à l’inhomogénéité spatiale du champ dû aux dipôles magnétiques. Considérons le champ magnétique créé par l’ensemble des dipôles, orientés dans la directionz du champ magnétique externe, de distributionn(⃗r) :

Bdip(⃗r) = µ0 4πd⃗r ( |⃗r−⃗r|2⃗µ−3(⃗µ·(⃗r−⃗r)) (⃗r−⃗r) |⃗r−⃗r|5 ) n(⃗r) (4.16)

avec le moment magnétique⃗µ=gSµBS. Si nous considérons tout d’abord des atomes dans le sous-état Zeeman mS = 3, suivant une distribution homogène n(⃗r) = n0

dans un espace infini, ce champBdip est nul en tout point.

Cependant, si nous considérons maintenant une distribution de Thomas Fermi pour un piège à géométrie sphérique, le champ créé par les dipôles n’est plus nul et son orientation ainsi que son amplitude dépendent de ⃗r [43]. La figure Fig. 4.9, calculée à partir de l’expression éq. (4.16), donne l’orientation du champ et son amplitude, représentées dans un plan (x, z) contenant l’axe du champ magnétique externe qui oriente les dipôles selonz.

Figure 4.9 – Champ Bdip créé par les dipôles magnétiques du condensat de chrome, tous les atomes étant polarisés dans le sous-état mS =3 selon l’axe z de quantifica-tion. Le champ est représenté dans le plan (x, z) pour y = 0. Les flèches indiquent la direction du champ dans le plan (x, z) (la composante selon l’axe y est nulle dans le plan y = 0). Les couleurs des flèches donnent l’amplitude du champ selon l’échelle de couleurs donnée à gauche. Nous utilisons une distribution de Thomas Fermi sphérique de rayon RT F = 3.2µm, et le cercle noir représente la position de RT F.

L’orientation du champ créé par les dipôles varie donc avec ⃗r. La présence d’un champ magnétique externeB induit un couple⃗µ∧B =g

SµBSB sur les spins, qui se

mettent à effectuer une précession de Larmor autour de l’axe deB. De la même façon, le champ Bdip(⃗r) produit par l’ensemble des dipôles magnétiques exerce lui aussi un couple sur les spins des atomes, qui précessent alors autour de l’axe deB +Bdip(⃗r).

A cause du couplage au champ créé par les dipôles, les spins des atomes précessent autour d’un axe différent de celui du champ magnétique externe, ce qui autorise le basculement de spin. De plus, les spins précessent autour d’un axe différent selon leur position dans le nuage. Ce phénomène peut donner naissance à des textures de spins, sans toutefois que le condensat perde son caractère ferromagnétique : suivant les zones spatiales, les spins sont orientés de différentes façons, mais au sein d’une même zone (d’extension limitée) ils sont tous alignés les uns par rapport aux autres.

Notons par ailleurs que les phases quantiques à bas champ magnétique, prenant en compte l’inhomogénéité du champ Bdip(⃗r) lié à l’interaction dipôle-dipôle n’ont, à notre connaissance, pas encore été calculées, ce qui constituerait certainement un

projet intéressant.

Zones d’instabilités

Pour décrire l’effet de ce champBdip(⃗r)créé par les dipôles, nous citons en exemple les travaux de la référence [157], qui décrit par une approche hydrodynamique le cas d’un condensat spinoriel dipolaire de spinS = 1de nature ferromagnétique (ce qui n’est pas le cas du chrome). Un des résultats présentés dans cette référence est l’expression, à partir de l’équation de la continuité de la densité de spin, du mouvement des spins en présence de l’interaction dipôle-dipôle et de l’effet Zeeman :

∂f(x,y,z)

∂t +

∇ ·(ntot⃗v(x,y,z)spin ) = gSµBS

~ (Bdipf)

(x,y,z)+gSµB

~ (B ⃗zf)(x,y,z) (4.17) oùntot =∑

ψmψm est la densité totale,(ψm)(m) étant le vecteur des fonctions d’ondes du spineur (décrivant chacun des sous-états Zeeman mS = m). Le terme f(x,y,z) =

ψm(s(x,y,z))mnψn est la densité de spin, avec s(x,y,z) les matrices de spin. Le terme

⃗v(x,y,z)spin est la vitesse superfluide de spin, correspondant à une densité de courant de spin⃗j(x,y,z)

spin =ntot⃗v(x,y,z)spin (pour plus de détails sur ces notions, se référer à [151]). Dans cette expression, la partie gSµBS

~ (Bdipf)

(x,y,z)représente l’effet du champ créé par les dipôles magnétiquesBdip sur les spins. La partie gSµB

~ (B ⃗zf)

(x,y,z) représente l’effet Zeeman linéaire induit par le champ magnétique externeB orienté selon l’axez. Nous pouvons constater dans l’expression éq. (4.17) la compétition entre le champ magnétique externe et le champ créé par les dipôles magnétiques, l’amplitude de ce dernier étant, dans nos conditions expérimentales, inférieure à50µG (d’après l’expres-sion éq. (4.16)). Si le champ magnétique externe est suffisamment réduit jusqu’à être comparable au champ créé par les dipôles, alors il existe des zones d’instabilités des populations de spins, du fait de la précession des spins selon un axe différent de l’axe de quantification z : si le champ Bdip(⃗r) créé par les dipôles est orienté perpendicu-lairement au champ externe B et si son amplitude est importante (cf. Fig. 4.9) par rapport à celle du champ externe, l’effet sur les spins est plus important. Remarquons que cette vision est équivalente4 au modèle théorique simple développé précédemment (cf. section 4.6.2).

La référence [157] calcule, à champ magnétique externe nul pour un système ferro-magnétique de spinS = 1, les instabilités dynamiques dues à l’interaction dipôle-dipôle et trouve des modes dans l’espace des moments pour lesquels le condensat est instable vis-à-vis des changements de spin. Le champ magnétique créé par les dipôles peut donc être une source d’instabilités qui, dans le cas où le condensat de chrome est énergé-tiquement instable (champ magnétique externe inférieur à Bc), peuvent déclencher la 4. Mis à part les approximations effectuées sur les termes de l’interaction dipôle-dipôle pour le modèle précédent.

dynamique de dépolarisation. L’étude des instabilités dynamiques est un des projets que s’est fixé Paolo Pedri.

Effets de la température

Une autre possibilité pour expliquer cette dynamique expérimentale de la dépo-larisation en dessous du champ Bc serait de prendre en compte la présence du gaz thermique. En effet, dans notre système, la température minimale typique, d’environ 100 nK, est comparable à l’énergie Zeeman pour le champ critique Bc séparant les différentes phases quantiques spinorielles prédites. Il est envisageable que ces fluctua-tions thermiques puissent entraîner la dépolarisation d’une population suffisante dans le sous-état Zeeman mS =2pour que la dynamique du système s’enclenche.